Sexe et et Dépendance

 

 

Sexe et et Dépendance

À notre époque, difficile de donner une définition de la sexualité dite « normale ». Bien que certaines pratiques sexuelles puissent sembler un peu bizarres aux yeux du commun des mortels, elles n'entraînent généralement pas de conséquences fâcheuses et la société les tolère si elles se font, bien sûr, entre partenaires consentants. Certains troubles, cependant, peuvent comporter une compulsivité sexuelle. Touchant principalement les hommes, ces troubles vont de la maladie mentale à la dépendance pure et simple. Mais quand donc peut-on parler d'« anormalité » en matière de sexe?

La sexualité vue comme une maladie
Le DSM IV (Diagnostic and Statistic Manuel of Mental Disorders - 4th Edition, American Psychiatric Association) classe les comportements sexuels excessifs en trois grandes catégories qui regroupent la plupart des manifestations d'hyperactivité sexuelle : les paraphilies, les troubles du contrôle des impulsions non spécifiés ou les troubles sexuels non spécifiés. Certaines maladies ou l'abus de substances peuvent aussi mener à une activité sexuelle intense. Par exemple, la maladie bipolaire, les troubles de l'anxiété, la maladie d'Alzheimer ou la consommation abusive de cocaïne sont souvent caractérisés par une hyperactivité sexuelle.

Paraphilies
Selon le DSM-IV, les paraphilies se caractérisent par une excitation sexuelle, des fantasmes(3), des besoins ou des comportements que l'on considère déviants selon les normes de notre société et qui interfèrent avec les différents aspects de la vie quotidienne, que ce soit au niveau social, occupationnel ou personnel. Ils impliquent généralement l'utilisation d'objets inanimés ou d'animaux, le besoin d'humilier ou de faire souffrir le partenaire ou les relations sexuelles avec des personnes non consentantes, y compris des enfants. Les paraphilies les plus communes sont l'exhibitionnisme, la pédophilie, le voyeurisme, le fétichisme, le sadisme, le masochisme et le frotteurisme.

Troubles du contrôle des impulsions non spécifiés
Une autre catégorie du DSM-IV peut impliquer des comportements sexuels excessifs. Les troubles du contrôle des impulsions sont décrits comme une incapacité à résister à un besoin d'accomplir un acte que l'on sait néfaste pour soi-même ou pour les autres. Ils sont caractérisés par des actes répétés, incontrôlables, sans motivation rationnelle claire. Le passage à l'acte est typiquement précédé par une période de tension et d'excitement. Après avoir agi, la personne ressent immédiatement un sentiment de soulagement et de gratification. Parfois, mais pas toujours, elle peut avoir des remords de ce qu'elle a fait. Pour que le comportement soit diagnostiqué comme un trouble du contrôle des impulsions, il faut aussi que le comportement ne puisse être expliqué par une autre maladie dont il pourrait être un symptôme et n'est pas non plus la conséquence d'une intoxication à l'alcool ou à d'autres substances.

Troubles sexuels non spécifiés
Certaines hypersexualités ne peuvent être considérées ni comme des paraphilies ni comme des troubles du contrôle des impulsions. C'est pourquoi le DSM-IV a créé le chapitre des troubles sexuels non spécifiés. L'exemple le plus commun de ce type de trouble est la détresse engendrée par un mode de relations sexuelles répétitives impliquant une succession de partenaires que la personne ne considère que comme des objets dont il se sert.

Concept de dépendance sexuelle
Depuis quelques années, le concept de dépendance sexuelle a permis d'inclure l'hypersexualité dans la grande famille des dépendances, au même titre que l'alcoolisme ou le jeu pathologique. En psychiatrie clinique, on parle de dépendance lorsqu'une personne aliène sa liberté et organise son existence autour d'un produit ou d'un comportement. C'est le psychologue et chercheur américain Patrick Carnes qui a le premier étudié l'hyperactivité sexuelle en tant que dépendance vers la fin des années 1970. Ses recherches l'ont conduit à désigner une série de comportements qui peuvent révéler une dépendance sexuelle. Si certains de ces comportements sont déjà décrits dans le DSM-IV, d'autres ne relèvent pas du domaine des maladies mentales mais plutôt du domaine des dépendances.

- Idées obsédantes et masturbation compulsive à l'aide de fantasmes, de films, de revue, de lignes téléphoniques ou de sites Internet pornographiques, ou parfois même en utilisant certains objets non sexuels, comme des sous-vêtements.
- Recours fréquent aux services de prostitués (hommes, femmes ou travestis).
- Relations sexuelles anonymes avec de multiples partenaires.
- Aventures en série, même si la personne est déjà engagée dans une relation stable.
- Fréquentation assidue de bar de danseuses nues, de studios de massages érotiques ou de librairies pour adultes.
- Exhibitionnisme.
- Voyeurisme.
- Frotteurisme, c'est-à-dire propension à toucher la poitrine ou les organes génitaux d'une autre personne de manière à ce que la chose paraisse accidentelle, dans une foule par exemple.
- Pédophilie.
- Viol.
- Sadomasochisme.

Quoique l'utilisation de jouets sexuels(1), le visionnement de films érotiques, voire l'échangisme et le sadomasochisme (2) puissent parfois faire partie d'une sexualité dite « normale », on parle de dépendance lorsque ces comportements sont dictés par des besoins irrépressibles, qu'ils sont répétitifs et qu'ils interfèrent avec les activités quotidiennes et les relations interpersonnelles de la personne qui en souffre. Contrairement aux hommes et aux femmes qui trouvent dans leurs multiples conquêtes un certain épanouissement, les victimes de dépendance sexuelle ont un rapport douloureux avec leur sexualité et se sentent engagées dans un engrenage dont elles ne peuvent plus sortir. Certains chercheurs ont même observé un effet d'accoutumance, tout comme chez les alcooliques ou les toxicomanes, qui oblige la personne à multiplier les relations sexuelles ou à s'engager dans une sexualité de plus en plus marginale.

Conséquences parfois dramatiques
La plupart des personnes qui souffrent d'hypersexualité ressentent de la honte et de la culpabilité devant leur impuissance à contrôler leur comportement même s'ils en connaissent les conséquences. Et elles sont nombreuses : négligence du partenaire, divorce, accumulation de dettes (prostitués, pornographie, lignes téléphoniques, etc), contraction de maladies transmises sexuellement, perte d'emploi, risque élevé de s'engager dans d'autres comportements néfastes, comme l'abus de drogue ou d'alcool, dépression, suicide. De plus, les personnes engagées dans des relations sexuelles qui ne sont pas tolérées par la société (voyeurisme, frotteurisme ou exhibitionnisme) ou qui sont hautement criminelles (pédophilie, viol, pornographie infantile, inceste) risquent de faire face à la justice pour offenses sexuelles.

Traitement complexe
Le traitement de l'hypersexualité est compliqué par le fait que le but ultime est de faire cesser le comportement inapproprié sans toutefois supprimer complètement la sexualité. Selon le type d'hypersexualité (paraphilie, troubles du contrôle des impulsions, etc), le traitement peut avoir recours aux médicaments antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur, aux psychothérapies individuelles ou familiales ou aux associations d'aide sur le modèle des Alcooliques Anonymes. Dans certains cas extrêmes (pédophilie, viol), on aura recours à des médicaments capables d'inhiber l'excitation sexuelle ou à des techniques de renforcement négatif.

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Les gadgets sexuels augmentent-ils le plaisir?

 

Nul ne peut nier l'existence des gadgets sexuels. On ne peut pas non plus nier la gêne et même les préjugés qu'ils suscitent. Leur utilisation fait-elle partie des jeux sexuels normaux ou doit-on y voir un aspect immoral ou même dépravé ?

Généralement, les gadgets sexuels sont vendus dans les sex-shops. On trouve dans ces commerces une panoplie d'articles allant des plus insignifiants aux plus sadiques, en passant parfois par des revues érotiques et pornographiques et des dessous affriolants. Quelques magasins de farces et attrapes ainsi que certaines tabagies en vendent également.

Les plus connus
Le plus connu est le vibrateur, à piles ou électrique, qui peut être simple et droit. Ces derniers sont d'usage général et sont vendus dans les grands magasins, car ils peuvent aussi bien servir au massage d'une épaule douloureuse qu'à des jeux sexuels. D'autres sont franchement à usage sexuel : on en trouve en forme d'animal ou de pénis ; ils peuvent également comporter une partie qui stimule l'anus.

Le godémiché (dildo, en anglais) est un pénis en caoutchouc que l'on peut insérer à l'intérieur du vagin pour simuler les mouvements de la pénétration. Les boules de geisha ou boules de ben wa sont deux boules reliées par une corde que l'on insère dans le vagin et qui, sous l'effet des contractions vaginales, s'entrechoquent, provoquant un plaisir sexuel.

Les crèmes, huiles, gelées et autres substances pour maintenir le pénis en érection sont généralement du domaine des plaisirs inoffensifs et, s'ils augmentent le désir sexuel, c'est que l'imagination joue là un bien grand rôle.

Les dessous affriolants, que ce soit la guêpière pigeonnante, les bas en résille à jarretelles portés avec des souliers à talons hauts, les culottes trouées ou les déshabillés les plus extravagants ne sont excitants que dans la mesure où la personne qui les porte est à l'aise. De la même façon, les films érotiques ou franchement pornographiques, s'ils peuvent stimuler l'appétit sexuel de certaines personnes, peuvent en faire décrocher beaucoup d'autres.


 

1- Les gadgets sexuels augmentent-ils le plaisir? et les plus connus

 

 Service Vie inc., 1998-2004. Tous droits réservés.

 

 

 

 

 

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Le sadomasochisme
Les dangers de s'adonner à ce genre de pratiques

 

À la fin des années 70, le psychologue Luc Granger recevait en consultation un couple en pleine crise, qui se trouvait aussi adepte du sadomasochisme. Les pratiques fétichistes n'étaient pas le motif de la consultation, mais la curiosité de notre chercheur a quand même été éveillée. Il a voulu en savoir davantage, n'a rien trouvé de satisfaisant dans la littérature existante et s'est lancé dans une recherche qui s'est étalée sur une vingtaine d'années. Entrevues, soirées fétichistes, il n'a rien ménagé pour comprendre ce qui anime les adeptes du sadomasochisme. Sa démarche l'a même mené au célèbre club The Vault à New York, haut lieu du cuir et du latex, où Madonna a tourné ses vidéos à caractère fétichiste. «Mon opinion sur les adeptes du sadomasochisme a changé en cours de recherche. Je me suis rendu compte que la plupart des gens qui s'y adonnent sont tout à fait normaux», souligne le psychologue. «Bien sûr il y en a aussi qu'on pourrait qualifier de 'malades', ajoute-t-il, mais c'est vrai partout dans la société.»

Le sadomasochisme, associé au fétichisme du cuir et du latex, a connu un regain de popularité avec l'arrivée d'Internet qui a facilité les contacts entre adeptes. On estime qu'environ 4 à 6 % de la population s'adonne à ce genre de pratiques sexuelles. Pourquoi? Pour le plaisir et la détente. «Ces gens-là entrent vraiment dans un rôle et se permettent de faire des choses qu'ils ne feraient pas autrement», explique Luc Granger. Les gens qui détiennent beaucoup de pouvoir dans leur vie, par exemple, évacuent leur stress dans des rôles de soumission. «Quand c'est bien fait, il y a une progression dans l'excitation sexuelle et une augmentation des sensations. La circulation sanguine, notamment, s'intensifie dans la région génitale et cela ajoute au plaisir.»

Mais quand on regarde ces fouets, ces menottes, toutes ces installations qui évoquent davantage une salle de torture qu'un haut lieu de plaisir, on peut se demander ce que les gens trouvent excitant dans cet univers macabre? «C'est ce qui se passe dans la tête des gens qui est excitant», répond Luc Granger. «Vu de l'extérieur, c'est vrai que ça semble bizarre. Mais regardez un collectionneur qui passe des heures à trier des timbres, lui aussi il pourra vous sembler bizarre.»

Y a-t-il des dangers à s'adonner à ce genre de pratiques? «En général, les gens respectent leurs limites individuelles, mais certaines personnes vont trop loin et compromettent leur sécurité physique», de dire Luc Granger. Un autre danger : celui auquel s'exposent les femmes seules à la recherche d'un partenaire sadomasochiste. Elles peuvent tomber sur un désaxé. Il y a aussi le risque de devenir «accro» et de ne plus pouvoir s'exciter autrement. Et des dangers psychologiques moins prévisibles, comme celui de découvrir des aspects de soi-même qu'on n'aimera pas. «Une personne peut vivre une remise en question fondamentale de ce qu'elle est et regretter ce qu'elle a fait, tout en se demandant pourquoi elle a aimé ça», explique notre spécialiste. Il faut donc être équilibré pour se lancer dans ce genre d'aventure.

«Explorer le domaine de la sexualité a ses bons côtés, mais il faut rester vigilant», estime pour sa part la sexologue Sylvie Lavallée. «On risque de déformer le rôle que joue la sexualité dans notre vie.» Nous sommes à une époque où il est facile de consommer du sexe et là encore Internet, avec ses «chat lines», permet de vivre une sexualité sans engagement, sans implications, sans amour et même sans contacts réels. «Attention que le sexe ne devienne qu'un simple divertissement, ou une soupape pour évacuer le stress», précise la sexologue. «ll y a un réel danger de devenir blasé.» Et elle en reçoit en consultation de ces personnes qui ne peuvent plus vivre de désir, d'excitation, ni même d'orgasme, dans une relation dite «normale».

«Expérimenter, oui, se lancer des défis, d'accord, mais pas à n'importe quel prix ni dans n'importe quelles conditions», conclut-elle. Un conseil qui ne devrait laisser personne indifférent…

 

 

Marie-Christine Tremblay



14/04/2013
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