Témoignages de bipolaires
Témoignages
Sommaire
- Lucie, 42 ans, dirige une entreprise d’ambulances
- François, professeur d’anglais
- Camille, 43 ans sculptrice
- Thomas, 39 ans, après son 4è épisode maniaque
- Cathy, 26 ans, secrétaire
- André, 63 ans, ancien cheminot à la retraite
- Ariane, 19 ans, étudiante
- Vos remarques et témoignages
Lucie, 42 ans, dirige une entreprise d’ambulances |
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Elle a commencé en tant que conductrice d’ambulance dans les années 80, et a rencontré son futur mari qui faisait le même métier qu’elle. Quelques temps après leur mariage éclair, qui eut lieu deux semaines après leur rencontre, ils décidèrent de démissionner et de fonder leur propre entreprise de transport ambulancier. « J’étais alors speed tout le temps », déclare Lucie. «J’avais une pêche d’enfer et je pouvais bosser facilement 80 heures par semaine, voire plus. Je n’arrêtais pas et à certaines périodes, je travaillais jour et nuit pour faire tourner la boîte, ce qui ne me faisait pas peur parce que 2 ou 3 heures de sommeil par nuit me suffisaient largement. |
François, professeur d’anglais |
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Il s’est stabilisé récemment sur le plan professionnel car sa vie a été émaillée de nombreux changements d’études, de régions, de concubines. Il est d’ailleurs père de 3 enfants qui ont chacun une mère différente. Le trouble bipolaire a été diagnostiqué et traité très récemment, ce qui a transformé la vie de François. Il comprend enfin pourquoi sa vie a été jusqu’ici si tumultueuse et chaotique. La psychothérapie qu’il a entamée récemment lui convient et l’aide petit à petit à se déculpabiliser, à retrouver confiance en lui. François est devenu un véritable expert de sa maladie, bien décidé à la contrôler plutôt que d’être sous son joug. Il évoque facilement sa maladie avec ses proches et peut enfin ré-analyser avec un certain humour les anecdotes qui ont ponctué ses anciens accès dépressifs ou hypomaniaques. Dernièrement il a établi un contrat moral avec son psychiatre : pouvoir être reçu au plus vite dès les premiers symptômes évocateurs d’une rechute. |
Camille, 43 ans sculptrice |
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« Ce sont des périodes de crises, d'abattement ou d'énervement, que je ne vois pas venir. Ca me tombe dessus, comme un mécanisme qui se déclencherait sans prévenir, et que je ne suis pas capable de dominer par la volonté ! Car je subis totalement. Je n’ai rien demandé à personne, je suis obligée de faire avec et je sais que mon angoisse durera autant que moi ! J’avance pour mon mari et mes enfants mais personnellement, je ne sais pas ce que je fous sur cette terre. |
Thomas, 39 ans, après son 4è épisode maniaque |
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« Après-coup, je peux me dire que je l’ai échappé belle. Au cours de mes accès, je perds non seulement le contrôle de mes actes mais, surtout, je ne mesure plus le danger et je prends alors des risques démesurés. Par exemple, juste avant mon hospitalisation, je me sentais invincible, immortel, et je m‘amusais à rouler à 180 km/h sur l’autoroute, vitres ouvertes, en hurlant et en fermant les yeux le plus longtemps possible. (…) La veille, je me suis saoulé dans une boite de nuit après deux nuits blanches consécutives et j’ai repris ma voiture alors que je ne tenais plus debout. (…) J’ai failli frapper un type qui se proposait de me raccompagner chez moi, et je me souviens l’avoir insulté en clamant haut et fort que j’étais indestructible. Aujourd’hui, j’ai peur de moi, j’en ai des sueurs froides en y repensant. Je ne veux plus jamais revivre ça. » |
Cathy, 26 ans, secrétaire |
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« Je suis secrétaire médicale dans un cabinet de groupe en privé. Ce jour là j’étais hyper énervée, ressentant une énorme tension nerveuse à l’intérieur de moi sans pouvoir l’évacuer : je bouillonnais à l’intérieur tout en étant très speed, avec un sentiment très bizarre d’empathie, d’être profondément en phase avec tout l’univers, les personnes qui m’entouraient. Je ne supportais pas de rester en place, j’avais trop chaud et j’ai commencé à me déshabiller et à me retrouver en sous-vêtements devant les patients de la salle d’attente, moi qui suis d’un naturel si pudique, prétextant qu’il faisait beaucoup trop chaud et invitant les patients à faire de même. Une personne m’a interpellé et m’a demandé de me rhabiller. C’est alors que j’ai fondu en larmes, et que j’ai ressenti en moi une profonde dépression avec une envie de mourir, mêlée de honte. J’ai frappé violement cette personne avec le téléphone et je me suis jetée par la fenêtre ». |
André, 63 ans, ancien cheminot à la retraite |
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André a reçu le diagnostic de trouble bipolaire il y a 3 ans. Il semble que sa maladie se soit révélée sur le tard, mais deux épisodes dépressifs avaient déjà été diagnostiqués et soignés vers la quarantaine. Quelques semaines après son départ à la retraite, André, qui jusqu’ici était considéré comme un homme calme et tranquille, grand-père affectueux, s’est mis en tête de construire un train avec un toit de cristal qui abriterait les plus belles œuvres d’art du monde… « Je suis choqué du fait que les plus belles œuvres d’art du monde ne sont réservées qu’à la nomenklatura parisienne. Je vais prendre ses œuvres et les offrir à la vue du peuple dans toutes les gares et je parcourrais le monde avec mon train musée ! ». Cet accès caractérisé par un délire mégalomaniaque ne reste pas qu’une idée puisque très vite, André hypothéqua sa maison, vendit sa voiture pour une bouchée de pain et fit de nombreux chèques sans provision afin de débuter la construction du train-musée… |
Ariane, 19 ans, étudiante |
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Tout a commencé il y a quatre ans. Quand ma fille Ariane, dix-neuf ans à l’époque, est rentrée de cours, je l’ai trouvée bizarre. Habituellement peu bavarde, elle parlait sans arrêt et me racontait qu’elle avait des projets particuliers pour son avenir, en refusant de m’en dire d’avantage. Elle m’a affirmé que son professeur d’espagnol avait porté une tenue spéciale, un tailleur noir destiné à lui « faire comprendre quelque chose ». Ariane parcourait les pièces de l’appartement en riant. Comme je lui demandais pourquoi elle était si agitée, elle m’a insultée, est allée dans sa chambre, m’a claqué la porte au nez et a mis la musique à pleine puissance. Je voyais bien qu’Ariane n’était pas dans son état normal mais j’ignorais de quoi il s’agissait. J’ai poussé timidement la porte de sa chambre pour lui demander de baisser le volume de la musique. Ariane dansait en criant devant la fenêtre grande ouverte. Des voisins la regardaient. Cela a duré une heure. |