Thérapies systémiques familiales

 

Thérapies systémiques familiales

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Les thérapies systémiques familiales sont les applications de l’approche écosystémique ou de l'Analyse systémique à la thérapie familiale.

Sommaire

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Introduction [modifier]

Elles attachent beaucoup d’importance à la genèse d’un problème majeur à partir d’une difficulté mineure par déni de la difficulté ou par des interventions inappropriées. Elles considèrent le patient comme un symptôme ou manifestation des relations pathologiques au sein du groupe familial élargi au groupe social immédiat, comme la tuberculose pulmonaire qui est une maladie sociale des mauvaises conditions de vie et de travail dont le tuberculeux n’est que l’expression. Les thérapies systémiques familiales sont neutres (ne-uter: ni l'un, ni l'autre) en observation passive, mais s'engagent en intervenant avec le patient auprès de la famille pour découvrir et faire découvrir des relations pathologiques à travers des règles d'interaction dans le groupe familial.

Les thérapies systémiques familiales tiennent compte également de la relativité du normal et du pathologique où la "maladie" n’est qu’une valeur et une signification attribuées à un comportement par quelque autorité. Elles se déploient en un large éventail de techniques. C’est plutôt une des procédures de la méthodologie éco-systémique qui est une boite à outils dont chaque outil peut se particulariser pour une situation singulière. Elles manipulent les paradoxes et double contrainte. C’est une façon de percevoir des énigmes et de concevoir des moyens pour les aborder. Elles se rapportent aussi aux paradoxes et double contrainte, ainsi qu'à la Relativité du normal et du pathologique, de la victime émissaire, le "fou du roi", qui, par son comportement, dénonce le mythe familial dans le théâtre du quotidien des règles absurdes et insupportables et sa dénonciation est disqualifiée par la désignation de "folie".

Généralités [modifier]

Le modèle des thérapies systémiques familiales, qui est basé sur les idées de Bateson, est un modèle intrafamilial, interpersonnel et interactionnel, en contraste à l'antipsychiatrie qui est extrafamilial et évoque la société globale, tandis que le modèle des thérapies classiques est intrapsychique. En d'autres termes, dans le modèle classique, on cherche à comprendre ce qui se passe dans l'esprit du patient qui est considéré comme le "malade". Pour ce faire, il faut remonter dans le passé du malade. Ce sont des méthodes rétrospectives qui se fondent sur une causalité linéale et les conditions initiales déterminantes. On suppose que l'événement A a eu comme effet l'événement B et que celui-ci détermine C et ainsi de suite, comme dans la collision élastique des boules de billard. Il faut alors retourner au passé, produire une compréhension ou "insight " et remettre la "Raison" dans sa position sublimée. En effet, on croit qu'au moment où le patient "comprend" l'irrationalité de certains comportements, il les changera. Ces méthodes réussissent à échouer brillamment à modifier, temporairement, le comportement des toxicomanes qui comprennent tous le danger, le coût et l'irrationalité de leur toxicomanie et qui retournent à leur toxicomanie.

Dans les thérapies systémiques familiales, on s'intéresse plutôt à ce qui se passe dans le présent du patient, (hic et nunc, ici et maintenant), afin de pouvoir modifier le processus d'interaction actuel, sans faire référence au passé. Selon cette conception des phénomènes inspirée de la cybernétique, il n'est pas nécessaire de comprendre ou connaître les causes pour agir sur des effets. D'autre part et selon le proverbe populaire, "si jeunesse savait et si vieillesse pouvait", en connaissant le passé, on ne peut rien y changer, tandis que tout est encore possible ici et maintenant. Ces thérapies systémiques familiales cherchent moins à connaître la cause des maladies qu'à modifier un symptôme ou un comportement présent, en élargissant et en approfondissant suffisamment le champ d'observation et d'action pour découvrir comment le patient est devenu le symptôme d'une pathologie familiale et le processus d'attribution de la fonction de "victime émissaire", de "fou du roi", pour masquer les autres problèmes afin de préserver la stabilité et le "mythe" du groupe familial. Le "fou du roi" exprime ce que les autres ne font pas, ne peuvent pas ou n'osent pas le faire et ce qu'il exprime n'a plus de sens. En attribuant la qualité de folie, le groupe familial disqualifie tout le contenu de ses expressions et masque les problèmes et le "mythe" dénoncés par le "fou du roi". Les dissidents soviétiques internés dans les hôpitaux psychiatriques ont eu cette fonction pour oblitérer des problèmes socio-économiques et préserver la stabilité et le "mythe" de la "patrie des travailleurs", car tout ce qu'ils disent ou font est disqualifié comme de la pure folie.

Pour éclaircir encore la futilité de la recherche causale et l'apparition de la redondance, comme un ensemble de règles du "jeu" familial, illustrons par le jeu d'échecs dans un pays étranger dont on ignore la langue. Deux personnes s'occupent à déplacer des pièces sur un support rectangulaire, dans une activité manifestement symbolique. En observant suffisamment longtemps les séquences opératoires effectuées par les deux joueurs, on peut inférer l'ensemble des règles du jeu d'échec et identifier le 'mat" comme sa finalité ou objectif final. L'observateur y parviendra en cherchant à identifier des régularités ou redondance dans le comportement des joueurs et en constatant, par là, que certains enchaînements de gestes (les coups) apparaissent fréquemment avec certaines figures, mais jamais avec d'autres. Ce qui lui suggère que les joueurs suivent certaines règles repérables par l'observation, sans faire intervenir des notions de cause, d'effet, d'intention ou de motivation. Cette approche se fonde sur ces trois points de vue.

Triangulation [modifier]

1 - Le point de vue cybernétique, dans la mesure où cette approche tient compte de la totalité des séquences de comportement et qu'elle étudie la régularité de la présence ou de l'absence de ces séquences. Pour la cybernétique, seule importe la définition d'un ensemble d'opérateurs et la description des modifications qu'ils subissent. La transformation se rapporte au fait observé et non à sa cause supposée

2 - Le point de vue systémique, lorsque l'observateur comprend les deux joueurs et leurs comportements réciproques comme une totalité ou Gestalt. Dès qu'on étudie les totalités, il s'avère qu'elles sont soumises dans leur structure interne, dans leur action et, éventuellement, dans leur échec à des déterminations qui diffèrent de ce que l'on peut inférer de la somme des propriétés de leurs composantes, et qu'ils ne peuvent s'y réduire. Cette irréductibilité de la totalité à la somme des composantes est un principe de base des systèmes.

3 - Le point de vue sémiotique, dans la mesure où l'observateur étudie le comportement communicatif des joueurs (leurs coups), c'est-à-dire un usage déterminé (les règles du jeu) de signes (les pièces) et les effets induits par celui-ci auprès de ceux qui les utilisent (les joueurs), sa recherche relève de la pragmatique de la communication , l'une des trois branches de la sémiotique ou science des signes "en général", dont la linguistique est une singularité, se rapportant à la parole.

L'introduction de la typologie logique de Russell et Whitehead dans les sciences sociales par Gregory Bateson a été un coup de génie pour le renouveau de la psychologie dans la résolution des paradoxes dont les "doubles contraintes" (double bind) générales peuvent se singulariser dans la "Théorie de la schizophrénie et des fantasmes". On y distingue les "paradoxes logico-mathématiques", les "paradoxes pragmatiques" et les "paradoxes existentiels" (Anthony Wilden) et les "injonctions paradoxales". La "double contrainte" est une paire d'injonctions paradoxales dans le choix impossible avec l'obligation de choisir. C'est la troisième injonction nommée "injonction cliquet" par Yves Barel. Alors, la double contrainte existe seulement dans une relation d'autorité qui ordonne un choix impossible et qui interdit tout commentaire sur l'absurdité de la situation. Sinon, le paradoxe ne serait plus qu'un simple dilemme du type de l'âne de Buridan qui meurt de faim et de soif à mi-chemin entre un sac d'avoine et un baquet d'eau!

Paul Watzlawick se plait à raconter cette histoire pour illustrer la double contrainte :

Une mère rend visite à son enfant et lui offre deux cravates, une bleue et une rouge. À la visite suivante, l'enfant se présente avec la cravate rouge. La mère lui dit: "tu n'aimes pas la cravate bleue"?

À la visite suivante, l'enfant se présente avec la cravate bleue. La mère lui dit: "tu n'aimes pas la cravate rouge"?

À la visite suivante encore, l'enfant se présente avec les cravates bleue et rouge à la fois au cou et sa mère lui dit: "Ce n'est pas étonnant que tu sois placé en pédopsychiatrie"!

Par la logique circulaire et la primauté des interactions, l'approche écosystémique est indissociable des paradoxes et doubles contraintes (double bind) et les thérapies systémiques familiales sont l'expression de cette approche.

Les thérapies systémiques familiales se rapportent à l'approche écosystémique. La revue "Thérapie familiale" de Genève est l'expression francophone de différentes "thérapies familiales, les unes systémiques et d'autres ne le sont pas. Souvent, il y a confusion entre "thérapie de groupe" et "thérapie systémique familiale" qui présente un éventail de techniques ponctuelles ou de détail.

Pour changer un comportement, elles proposent un enveloppement stratégique, en agissant au niveau supérieur du contexte du comportement à modifier, plutôt que d'agir directement sur le comportement lui-même, à son niveau. Sun Tzu, dans "L'art de la guerre", a proposé d'attaquer la stratégie de l'adversaire, au niveau supérieur des règles de conduite, plutôt que de l'affronter directement au niveau de ses forces vives, pour transformer l'infortune en avantage et faire du chemin sinueux la route la plus directe.

Dans cette perspective, la Théorie des contextes (Anthony Wilden) propose d'installer un nouveau contexte, tel que le comportement attendu puisse survenir, se maintenir et se développer comme une "réponse appropriée" à ce contexte. Cette "réponse appropriée" à l'environnement et au contexte est de l'ordre de l'explication cybernétique (Gregory Bateson), en contraste à l'explication causale des thérapies behaviorales et psychodynamiques ou psychanalytiques.

Le tableau clinique étant le même, il y a un contraste marqué dans les deux cas de l'explication cybernétique et de l'explication causale. Il y a également un contraste marqué dans les implications étiologiques et thérapeutiques qui découlent de ces deux points de vue. Avec l'explication cybernétique des thérapies systémiques familiales, la recherche et l'intervention se portent sur l'entourage du patient et sur un nouveau cadre ou contexte dans lequel se produiraient les changements attendus. Tandis qu'avec l'explication causale des thérapies behaviorales et psychodynamiques, la recherche et l'intervention se portent sur le patient et sur le stimulus, la "motivation" et la cause susceptibles de provoquer ces changements attendus.

Les thérapies systémiques familiales sont des pratiques enveloppées par un enchevêtrement de théories cybernétique, sémiotique et systémique. Elles sont cybernétiques en interprétant un comportement "anormal" comme parfaitement adapté ou "normal" à un contexte et un environnement qui, eux, sont "anormaux".

Ainsi, par exemple, la "schizophrénie" considérée comme une maladie incurable et progressive de l'esprit d'un individu est complètement différente de la "schizophrénie" considérée comme la seule réponse possible à un contexte où la communication est absurde et intenable. Elles sont cybernétiques en intervenant non pas exclusivement sur le "malade" déclaré, mais sur l'environnement et le contexte "malades", au niveau supérieur de la gouverne ou de la commande. Le thermostat du chauffage central domestique est un exemple illustratif électromécanique banal et trivial de la distinction des niveaux entre les attitudes et les aptitudes, entre les règles d'interaction et les interactions, c'est-à-dire entre les règles de conduite et les comportements.

Le changement de la température affichée en tournant la roulette commande le changement du comportement des éléments de chauffe qui oscille autour de cette température affichée où le thermostat commande l'allumage ou l'extinction des éléments de chauffe lorsque la température indiquée par le thermomètre est inférieure ou supérieure à celle affichée.

Ces thérapies systémiques familiales sont sémiotiques en interprétant le comportement humain comme communication des signes, signifiants et significatifs dans un contexte et considèrent les deux termes, communication et comportement, comme étant pratiquement synonymes (Ray Birdwhistell). Toute communication suppose un engagement dans une relation et définit par là et en même temps la manière dont les communicants conçoivent, souhaitent ou exigent et voient cette relation. Toute communication, alors, présente deux aspects: le contenu et la relation, tels que le second enveloppe le premier et, dès lors, est une méta-communication située au niveau supérieur dans une hiérarchie de type logique (typologie logique de Russell et Whitehead introduite dans les sciences sociales par Gregory Bateson), de contrainte ou de complexité. Dans l'intervention, elles attachent la plus grande importance à recadrer (Paul Watzlawick) une relation, en lui attribuant d'autres significations et valeurs, de telle manière qu'elle apparaît totalement différente.

Ces thérapies familiales sont systémiques en prenant en compte, dans l'interprétation et dans l'intervention, la totalité des relations entre les niveaux de comportement ou d'ordres de réalité et entre le "patient" désigné et les autres membres de la famille et du groupe social. Même si le patient ne veut pas assister aux séances de thérapie familiale, la modification de la dynamique interactionnelle familiale, grâce à l'influence active opérée sur le comportement des autres membres de la famille, peut conduire à une amélioration considérable chez le patient qui, rappelons nous, n'est que l'expression ou le symptôme des relations pathogènes dans la famille.

Formation des problèmes [modifier]

Les thérapies systémiques familiales sont centrées sur la formation du problème et considèrent les manifestations cliniques comme des aspects des processus en cours dans le système interactionnel du "malade", en contraste à l'importance accordée par les psychodynamiques aux événements marquants du passé. Cette approche postule que la détresse psychologique et les symptômes résultent de la mauvaise "gestion" des événements marquants ou de "perturbations" intervenant dans ce système familial. Une symptômologie aiguë peut refléter une exacerbation de difficultés initiales résultant des tentatives bien intentionnées, rationnelles et raisonnables, mais inappropriée, mises en œuvre par le "malade" lui-même et son entourage.

Le cas type de ces tentatives bien intentionnées est la multitude de conseils donnés à une personne déprimée qui ne font que renforcer et enraciner sa dépression, comme le bègue qui bégaie de plus en plus à force d'avoir peur de bégayer et l'insomniaque qui dort de moins en moins à force d'avoir peur de ne pas dormir. Les tentatives bien intentionnées, rationnelles et raisonnables seraient d'encourager l'un de parler lentement pour ne plus bégayer et l'autre de se reposer et ne penser à rien pour dormir. Dans ces deux cas de figure, le traitement paradoxal de ces thérapies consiste à prescrire le symptôme en demandant au bègue de bégayer encore davantage et à l'insomniaque de surtout ne pas dormir. Le traitement paradoxal est une des armes de l'arsenal des thérapies systémiques familiales pour lutter contre ces tentatives rationnelles et raisonnables.

L'exercice thérapeutique est essentiellement centré sur les tentatives de résolution déjà faites, sur ce qui a été déjà entrepris pour traiter les difficultés du "malade", plutôt que sur les difficultés elles-mêmes. Comme l'explication cybernétique est dite "négative" par rapport à l'explication causale dite "positive", ce travail thérapeutique est "a contrario " après l'observation de ce qui n'est pas et des "terribles simplifications", comme dans la dépression, le bégaiement et l'insomnie.

Il s'agit, alors, de prendre des mesures pour empêcher le maintien, le développement et la reproduction des comportements qui entretiennent le problème et de recadrer ou redéfinir celui-ci, ainsi que les buts que se sont fixés les personnes impliquées dans ce problème et les points de vue qu'elles ont jusqu'alors adoptés. Ce qui peut provoquer chez elles des comportements complètement différents.

L'Histoire, la légende et la psychothérapie sont remplies de ces "renversements", de telle manière que la même situation apparaît de façon totalement différente. La guérilla ou "petite guerre des pauvres" est un exemple illustratif de ce renversement, dans l'Histoire, qui transforme la puissance militaro-industrielle en fragilité des lignes de transport et des sources d'approvisionnement. La légende de Carcassonne raconte qu'il ne reste à la ville-forteresse assiégée qu'un bœuf et un sac d'avoine. Il a été décidé de nourrir le bœuf avec le sac d'avoine, de tuer le bœuf et de jeter la carcasse par dessus la muraille, tout ce qui est contraire au "bon sens" et tout ce qui n'est pas rationnel et raisonnable, dans de "terribles simplifications", pour une ville assiégée et affamée. Lorsque les assiégeants découvrent la carcasse du bœuf dont la panse est encore pleine d'avoine, découragés de tant de peines inutiles pour affamer la population de cette ville-forteresse, ils lèvent le siège et s'en vont ailleurs et la carcasse sonne la libération de cette ville-forteresse. Ainsi se fabrique une "réalité" neuve, nouvelle et complètement différente de la même situation d'une ville affamée par un siège qui, dès lors et dans l'esprit des assiégeants, n'a plus la raison d'être.

Ces "terribles simplifications" se rapportent au couple action-réaction où pour résoudre ou "neutraliser" un problème, il suffit de faire intervenir son contraire et, par là, d'avoir de plus en plus de la même chose. La "prohibition" de l'alcool des années 20 aux États-Unis n'a pas résolu le problème de l'alcoolisme et, au contraire, a créé un problème plus grave de crimes organisés en "gangs" qui ont décomposé et corrompu de larges secteurs de l'administration publique. Un simple interdit ensevelit une difficulté mineure sous un problème majeur qu'il crée. La vie familiale et l'éducation des enfants fournissent une multitude d'exemples. Un traité spécifique ne saurait couvrir en entier ce sujet de l'éducation des enfants et de la vie familiale. Il suffit de démonter le dispositif de la formation du problème.

La formation du problème suit une partition à deux voies. L'une est l'ignorance du problème, aussi bien dans la signification française de "ne pas savoir" que dans la signification anglaise de "ne pas vouloir savoir", et ceux qui veulent le révéler sont taxés de "malveillants" ou "calomnieux". L'autre est les tentatives inappropriées de le résoudre dans les "terribles simplifications". La voie de l'ignorance permet au problème de se développer et de s'envenimer tout seul, en soi, et celle des tentatives inappropriées l'aide à s'aggraver.

En effet, dans ces terribles simplifications, le problème et sa solution, dans son contraire, sont dans une interaction symétrique en escalade ou en surenchère, comme l'escalade de la course aux armements où un bouclier plus épais conduit à une flèche plus puissante et celle-ci à un bouclier plus épais et comme la surenchère des vantardises où un exploit imaginaire extraordinaire chez l'un amène l'autre à présenter un exploit imaginaire aussi extraordinaire, sinon plus. L'émulation présente aussi ce caractère d'interaction symétrique où de bonnes performances de l'un conduit l'autre à exhiber des performances au moins aussi bonnes.

Deux aspects des thérapies systémiques familiales donnent souvent lieu à des interprétations erronées.

Le premier aspect qui donne lieu à des interprétations erronées est que les thérapies systémiques familiales ne sont pas des thérapies de groupe, ni des thérapies individuelles. Le terme de "thérapies interactionnelles" serait peut-être plus éclairant. En effet, elles se portent sur les interactions plutôt que sur les actants. Pour modifier les interactions ou comportements, elles cherchent à identifier et modifier les règles d'interaction au niveau supérieur du contexte de ces interactions.

Ces thérapies systémiques familiales font partie du monde perçu et conçu en termes de relations, plutôt qu'en termes d'objets ou d'entités. Ce sont les relations qu'elles cherchent à identifier et modifier, plutôt que les individus eux-mêmes. Le deuxième aspect qui donne lieu à des interprétations erronées est que les thérapies systémiques familiales sont centrées sur la formation ou la genèse du problème, plutôt que sur le problème actuel lui-même, c'est-à-dire sur les relations dans le processus qui a conduit d'une difficulté mineure à un problème majeur.

Les thérapies systémiques familiales ne sont pas des thérapies de groupe, leur caractère familial signifie qu'elles tiennent compte de l'interaction de tous les membres qui composent la famille, mais ne traitent pas tous les membres en groupe. L'accent est mis sur la façon dont les autres personnes (par rapport au "malade" désigné) entretiennent un comportement perturbé. Ce qui ne veut pas dire qu'elles peuvent en tirer un quelconque profit, mais seulement que les schémas (patterns ) interactionnels, c'est-à-dire les règles d'interaction, une fois établis, ont tendance, à cause de leur fonction homéostasique, à s'autoperpétuer. Autrement dit, ils maintiennent le système d'interactions dans sa forme présente. Une approche systémique familiale n'exige pas que toutes les personnes, composant le système familial, assistent aux séances de thérapie. Un changement approprié dans un sous-système entraîne souvent une évolution majeure du système entier. Le "malade" désigné, à la limite, peut ne pas assister aux séances de thérapie.

Expériences cliniques [modifier]

Les expériences clinique et familiale suggèrent que, dans les systèmes fonctionnant mal, les schémas de comportement existants, ici et maintenant, expriment souvent l'échec des tentatives inappropriées de résolution d'une difficulté mineure qui devient, alors, un problème majeur.

Le cas de la dépression est typique d'une difficulté parfois mineure de vie où un individu est las, triste, fatigué, dégoûté de tout et de rien. L'entourage, bien intentionné et plein de "bon sens", le sollicite de tout bord, cherche à le motiver, à l'animer à le faire agir ou à effectuer, à sa place, des tâches qu'il néglige. Ce qui a pour résultat de le rendre plus malheureux et plus incapable.

À partir de la typologie logique de la hiérarchie de dépendance en niveaux de contrainte, de contexte ou d'ordres de réalité de la Théorie des contextes d'Anthony Wilden, ces thérapies systémiques cherchent à intervenir au niveau de la commande ou de la gouverne plutôt qu'au niveau où a lieu la difficulté elle-même, niveau des tentatives inappropriées du type "de plus en plus de la même chose qui a conduit la difficulté mineure à devenir un problème majeur. En reprenant les cas du bègue, de l'insomniaque et du déprimé en exemples illustratifs, il s'avère que le trouble considéré s'aggrave à travers des tentatives inappropriées de résolution. Cette aggravation peut néanmoins être différente en fonction du poids des facteurs physiologiques ou psychologiques de ce trouble initial.

Par difficultés, nous signifions des conditions gênantes que l'on peut surmonter par quelque mesure de "bon sens", comme s'alimenter ou boire lorsqu'on a faim ou soif ou s'habiller davantage quand il fait plus froid, sans avoir recours nécessairement à des techniques spéciales de résolution de problème. Plus généralement, cette situation vécue de difficulté, déplaisante, mais souvent très répandue peut être mise en veilleuse en l'absence de solutions immédiates disponibles.

Il s'agit pour la personne aux prises avec elle de s'en accommoder, au moins pendant un certain temps. Par problèmes, nous désignons des impasses, des situations inextricables, des dilemmes insupportables et ainsi de suite, que l'on crée et fait durer, souvent, en aggravant les difficultés initiales:

  • 1) soit par l'ignorance (signifiant à la fois en français "ne pas savoir" et en anglais "ne pas vouloir savoir") de ces difficultés;
  • 2) soit par la modification d'une difficulté inhérente à la situation en gardant constante la situation;
  • 3) soit par une erreur de type logique en agissant au mauvais niveau, comme vouloir cesser de bégayer pour le bègue, dormir pour l'insomniaque, être joyeux pour le déprimé, alors que le bégaiement, le sommeil et la joie sont hors de contrôle de la volonté.

Le bégaiement est un phénomène dont les symptomes sont bien décrits, mais dont les raisons exactes sont encore inconnues. Ces raisons peuvent mêler des aspects physiologiques, génétiques et psychologiques. La conscience du bégaiement, qui existe chez l'adulte bègue et chez l'enfant à partir d'un certain âge, et le désir de contrôle de la parole qui en résulte, vont rapidement provoquer une peur de bégayer qui augmente le bégaiement.

L'insomnie, pour ceux qui ont la difficulté à s'endormir, est un trouble banal, circonstanciel au départ, bien qu'irritant, que nous connaissons tous. Ils prennent d'habitude- des mesures stériles du même ordre de réalité pour résoudre leur difficulté. L'erreur la plus répandue chez les insomniaques consiste à s'efforcer de s'endormir par un acte de volonté, pour découvrir finalement qu'ils restent complètement éveillés durant toute la nuit. Par sa nature, le sommeil est un phénomène qui vient spontanément, mais il ne peut l'être s'il est voulu. En voulant dormir, l'insomniaque se place dans une injonction paradoxale qu'il a formulée lui-même pour lui.

Pourtant, c'est ce que fait, souvent, l'insomniaque dont le désespoir grandit en même temps que s'amplifie le tic-tac du réveil matin. Le traitement qu'il s'inflige pour résoudre une difficulté circonstancielle arrive à devenir un problème structurel. Pour l'insomniaque, les solutions de "bon sens" du type "de plus en plus de la même chose", au niveau où a lieu la difficulté, peuvent signifier changer de régime alimentaire, se coucher plus tôt ou plus tard, prendre des calmants ou des somnifères qui créeront une accoutumance, point de départ à une toxicomanie. Ces mesures inappropriées, loin de résoudre sa difficulté l’exaspère, là où la solution d'une difficulté devient elle-même un problème.

La dépression, au départ, est un état passager de tristesse ou de mélancolie que tout le monde peut éprouver à un moment ou l'autre et surtout au changement de saisons, principalement en automne, lorsque les feuilles mortes se ramassent à la pelle de la chanson de Prévert et l'arrivée des nuits froides de l'oubli et de l'hiver. Alors, rien ne paraît plus raisonnable et rationnel aux parents et aux amis que de " remonter " une personne triste. Cette tristesse peut exprimer quelque difficulté de vie momentanée.

Il est, alors, courant que la personne triste ne se sentira pas mieux, mais au contraire s'enfoncera davantage dans sa tristesse. Voyant cela, l'entourage redouble d'efforts pour lui faire voir le bon côté des choses. Suivant la "raison" et le "bon sens", ils ne peuvent pas se rendre compte (la personne triste ne pouvant pas le leur dire, par bienséance, par politesse ou par gratitude).

Conclusion [modifier]

L'anthropologue Grégory Bateson a contribué à la naissance de l'approche écosystémique. "Bateson ne s’est pas demandé pourquoi cette personne-ci se comporte de manière folle. Il s’est demandé dans quel système humain, dans quel contexte humain, ce comportement peut faire du sens." (Elkaïm, 1995, p. 161). Nathan Ackerman (1954), psychiatre et psychanalyste New Yorkais, fut l’un des tout premiers à inclure l’ensemble de la famille dans le traitement de problèmes émotifs d’un individu. Il était particulièrement intéressé par les transferts, les projections entre les membres de la famille ainsi que les rôles tenus par chacun. Un nouveau courant de pensée et de méthodes thérapeutiques s’est développé aux États-Unis. Murray Bowen, Ivan Boszormenyi-Nagy, Carl Whitaker, Donald D. Jackson, Nathan Ackerman, Salvador Minuchin, Virginia Satir, John Weakland, Richard Fisch et Jay Haley en furent les pionniers. Mara Selvini Palazzoli et Gianfranco Cecchin ont tenu le même rôle en Italie.

Les thérapeutes familiaux ont comparé analogiquement les familles à des systèmes ouverts, en état d’équilibre homéostasique et les symptômes à ces rétroactions " négative" atténuatrices des déviances et "positive", amplificatrice des écarts. Les comportements symptomatiques des patients, ainsi compris, purent désormais être décrits comme des "tentatives de protection" d’un ensemble familial trop peu flexible pour supporter le changement.

La famille a commencé à être perçue comme un système relationnel qui a une organisation, une structure, faite de triangles, de rôles, de règles, de buts et de finalités. Il s’agit d’un système capable d’autorégulation, constitué d’individus ayant des échanges continuels et circulaires entre eux. Cette conception est centrée sur des concepts d’homéostasie et d’autocorrection et d’autorégulation. Les thérapies systémiques familiales nous disent que, dans le modèle de l’homéostasie, tout changement soit considéré comme une erreur à corriger ou à freiner. Ceci est de règle, en particulier, dans les familles rigides, les familles à transaction schizophrénique et de façon plus générale encore, dans toute famille dysfonctionnelle.

Cette nouvelle épistémologie implique une compréhension différente de la pathologie. D’une lecture "linéaire" où les symptômes étaient liés proportionnellement à un traumatisme et une lecture "linéale" (antériorité de la cause sur l’effet) ou à un conflit venant du passé du patient et relégué dans l’inconscient ou à un désordre organique, nous découvrons une lecture circulaire nous montrant l’inter-influence de la communication et du comportement de chacun sur chaque membre du système.

Lynn Hoffman, dans son livre " Foundations of family therapy ", nous donne un bel exemple de la notion de circularité. Elle compare ce qui se produit si l'on frappe une roche ou si l’on frappe... un chien. La roche s’éloignera d’une distance proportionnelle au coup reçu de façon relativement prévisible. Si l’on frappe un chien, il aura une réaction qui sera fonction de sa relation avec celui qui le frappe et du sens qu’il donnera à ce geste. Sa réaction sera différente selon qu’il voit la situation comme un jeu ou comme une agression. Il pourra fuir, mordre celui qui l’a frappé, aboyer ou jouer... Sa réaction apportera une nouvelle information au sujet de la relation. Cela aura, à son tour, une conséquence sur le comportement ultérieur de l’homme. Mordu sérieusement par exemple, il y pensera à deux fois avant de frapper un chien. Conséquemment à ces idées nouvelles, plusieurs cliniciens ont commencé à explorer les liens entre la maladie mentale d’un individu et le système relationnel de sa famille.

Donald D. Jackson a été un des penseurs les plus influents dans le développement de la thérapie systémique familiale. Il pensait que la maladie d’un individu pouvait contenir la pathologie du système et protéger la santé mentale de ses membres. Dans les années 1950, Donald D. Jackson et Jay Haley ont remarqué que la diminution des symptômes chez un membre de la famille pût être suivie par l'apparition des symptômes chez un autre membre de la famille.

En 1954, Don Jackson rejoint l’équipe de Palo Alto composée de Gregory Bateson, Jay Haley et John Weakland. Ils se sont intéressés à la communication dans les familles où un des membres était schizophrène. Ils allaient jusqu’à hospitaliser des familles entières le week-end pour observer leur mode de communication. De cette équipe est née la théorie du double lien dans la schizophrénie. Selon cette théorie, la présence d’une communication paradoxale joue un rôle dans le développement de cette pathologie tout en n’étant pas le seul facteur en expliquant l’étiologie.

La communication paradoxale dans ces familles est faite de messages à double contrainte. La double contrainte est définie "comme une situation (1) où un sujet est confronté à des messages paradoxaux, (2) non perçus comme tel clairement, en raison de son déguisement, ou de son déni, ou parce que les messages sont à des niveaux différents, et (3) auquel il ne peut ni échapper, ni percevoir ou commenter efficacement les absurdités" (John Weakland, 1960, p. 7)

Paul Watzlawick et ses collaborateurs formulent dans "Une logique de la communication" les bases d'une axiomatique de la communication:

Références bibliographiques [modifier]

  • Gregory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, tome 1, Seuil, Paris, 1980
  • Gregory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, tome 2, Seuil, Paris, 1980
  • Gregory Bateson, La nature et la pensée, Seuil, Paris, 1984
  • Gregory Bateson & Jürgen Ruesh, Communication et société, Seuil, Paris, 1988
  • Paul Watzlawick, Janet Helmick-Beavin, Donald D. Jackson, Une logique de la communication, Seuil, Paris, 1972
  • Paul Watzlawick, La réalité de la réalité, Seuil, Paris, 1978
  • Paul Watzlawick, Le langage du changement, Seuil, Paris, 1980
  • Paul Watzlawick & John Weakland (dir), Sur l'interaction, Seuil, Paris, 1981
  • Paul Watzlawick, John Weakland, Richard Fisch, Changements, paradoxes et psychothérapie, Seuil, Paris, 1975
  • Edmond Marc & Dominique Picard, L'école de Palo Alto, Retz, Paris, 2000
  • Emilie Pécheul, Réenchanter son histoire familiale, Arsis. 2008

Liens connexes [modifier]

Thérapie familiale

Liens externes [modifier]



02/05/2008
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