Trouble bipolaire - Diagnostic
Trouble bipolaire
Diagnostic
Le trouble bipolaire se caractérise par des épisodes alternants de manie et de dépression d'intensité, de durée et de fréquence variables. Le diagnostic du trouble bipolaire dans sa forme classique, et surtout si le patient présente des symptômes de manie, ne pose aucun problème au médecin. Toutefois, il est plus compliqué si les épisodes maniaques ou dépressifs sont moins prononcés, sur fond d'états hypomaniaques. Le trouble bipolaire à apparition précoce – surtout s'il se manifeste avant la puberté – peut également être difficile à diagnostiquer. En présence de symptômes psychotiques, certains cliniciens établissent automatiquement un diagnostic de schizophrénie. Cependant, puisque le trouble bipolaire comporte parfois des symptômes psychotiques, tant dans les phases maniaques que durant les épisodes dépressifs, il peut être pris pour de la schizophrénie. Habituellement, la phase dépressive du trouble bipolaire précède un épisode maniaque ou hypomaniaque ; au cours de la progression de la maladie, il devient difficile de prédire si un épisode de dépression initial conduira à la bipolarité. Les symptômes suivants devraient permettre de distinguer le trouble bipolaire de certaines autres affections psychotiques :
- antécédents familiaux de trouble bipolaire
- apparition brusque des symptômes
- réponse hypomaniaque au traitement par antidépresseurs
- périodes d'humeur instable et labile précédant l'épisode dépressif
- symptômes congruents à l'humeur (en cas de psychose).
Habituellement, il est facile d'identifier les patients souffrant de trouble bipolaire dans ses formes modérée à sévère. Toutefois, dans le cas de trouble bipolaire léger, l'identification et le traitement peuvent être retardés, souvent à la suite d'une erreur ou d'une absence de diagnostic. Chez les adolescents, l'anticipation de comportements chaotiques et de dérèglement de l'humeur constitutifs du développement normal empêchent parfois la reconnaissance d'un trouble de l'humeur significatif. Par conséquent, il faut prêter une attention particulière à l'identification des troubles de l'humeur dans le cadre des soins primaires.
Une étude constate que beaucoup de patients atteints du trouble bipolaire ont attendu jusqu'à 5 ans avant d'être correctement diagnostiqués (Evans, 2000). Ceci était dû, en partie, au fait que les patients n'ont pas sollicité un traitement ; 35 % des patients ont attendu jusqu'à 10 ans après l'épisode initial avant de rechercher un traitement. Les retards sont également causés par la difficulté de diagnostiquer le trouble bipolaire ; 34 % des patients ont reçu un diagnostic autre que celui du trouble bipolaire lorsqu'ils ont consulté un médecin pour la première fois (Evans, 2000).
Les critères de diagnostic pour les épisodes dépressifs et maniaques sont énumérés ci-dessous.
Critères de diagnostic du DSM-IV pour un épisode dépressif majeur (American Psychiatric Association, Masson, 1996)
- Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pour une durée d'au moins deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur. Au moins un de ces symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d'intérêt ou de plaisir. N.B. : ne pas tenir compte des symptômes causés par une affection médicale, ni des idées délirantes ou hallucinations non congruentes à l'humeur.
- Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet ou observée par les autres. N.B. : Eventuellement, irritabilité chez l'enfant et l'adolescent.
- Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes, ou presque toutes les activités, pratiquement toute la journée et presque tous les jours, signalée par le sujet ou observée par les autres.
- Perte ou gain de poids significatif en l'absence de régime (par ex. modification du poids corporel excédant 5 % en un mois), ou diminution ou augmentation de l'appétit presque tous les jours. N.B.: Chez l'enfant, prendre en compte l'absence de l'augmentation anticipée de poids.
- Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.
- Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).
- Fatigue ou perte d'énergie presque tous les jours.
- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d'être malade).
- Diminution de la capacité à réfléchir ou à se concentrer, ou indécision presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).
- Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), envies suicidaires récurrentes sans plan précis, ou tentative de suicide, ou plan précis pour se suicider.
- Les symptômes ne répondent pas aux critères d'un épisode mixte.
- Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.
- Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d'une substance (par ex. substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement) ou d'une affection médicale générale (par ex. hypothyroïdie).
- Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil (c'est-à-dire après la mort d'un être cher) ; les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou se caractérisent par une altération marquée du fonctionnement, un sentiment morbide de dévalorisation, des pensées suicidaires, des symptômes psychotiques ou un ralentissement psychomoteur.
En savoir plus sur le diagnostic de la dépression unipolaire.
Critères de diagnostic du DSM-IV pour un épisode maniaque (American Psychiatric Association, Masson, 1996)
- Une période nettement délimitée durant laquelle l'humeur est accrue de façon anormale et persistante (euphorie, enthousiasme ou irritabilité) pendant au moins une semaine (ou toute autre durée si une hospitalisation s'avère nécessaire).
- Au cours de cette période de perturbation de l'humeur, au moins 3 des symptômes suivants (4 si l'humeur est seulement irritable) ont persisté avec une intensité suffisante :
- Estime de soi exagérée ou idées de grandeur
- Réduction du besoin de sommeil (par ex. le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil).
- Plus bavard que d'habitude ou désir de parler constamment.
- Pensées fugaces ou sensation subjective que les pensées défilent.
- Distractivité (par ex. l'attention est trop facilement attirée par des stimuli extérieurs sans importance ou insignifiants).
- Augmentation de l'activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice.
- Engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (par ex. le sujet se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables).
- Les symptômes ne répondent pas aux critères d'un épisode mixte.
- La perturbation de l'humeur est suffisamment sévère pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel, des activités sociales ou des relations interpersonnelles, ou pour nécessiter l'hospitalisation afin de prévenir des conséquences dommageables pour le sujet ou pour autrui ; ou bien il existe des caractéristiques psychotiques.
- Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d'une substance (par ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament ou autre traitement) ou d'une affection médicale générale (par ex. l'hyperthyroïdie). Note: les épisodes ressemblant à de la manie qui sont clairement causés par un traitement somatique de la dépression (par ex. les médicaments, les électrochocs et la photothérapie) ne devraient pas être pris en compte lors du diagnostic d'un trouble bipolaire I.
Etats maniaques
Les épisodes maniaques peuvent être subdivisés en trois groupes : manie, hypomanie et manie à épisode mixte. La manie est l'état maniaque aigu traditionnel décrit dans les critères du DSM-IV ci-dessus. L'hypomanie possède les mêmes caractéristiques cliniques que la manie pure, mais elles sont moins sévères et ne sont pas suffisantes pour nécessiter l'hospitalisation ou pour entraîner une altération marquée du fonctionnement. Toutefois, les symptômes sont remarqués par les autres et sont souvent associés à des difficultés sociales et professionnelles considérables (Evans, 2000 ; NIMH, 2000).
Dans la majorité des cas, les patients éprouvent des épisodes distincts de manie et de dépression. Cependant, les symptômes de dépression peuvent souvent survenir au cours d'un épisode maniaque. Dans ce cas, on parle d'un épisode mixte, identifié par des symptômes satisfaisant simultanément aux critères diagnostiques d'un épisode dépressif et d'un épisode maniaque. Environ 30 % des patients bipolaires présentent un épisode mixte à un moment ou un autre de leur maladie (Keck, Jr. et al, 2001).
Manie secondaire
La manie secondaire est une manie (ou hypomanie/manie mixte) survenant à la suite d'une affection médicale concomittante. Elle peut être distinguée de la manie primaire par une manifestation à un âge plus tardif chez les patients qui ne présentent pas d'antécédents de manie ou de troubles affectifs. Le traitement de la manie secondaire est parfois différent de celui de la manie primaire. La manie secondaire associée au système nerveux central (SNC) ou aux néphropathies semble être mieux traitée par les anticonvulsivants, tandis que la manie secondaire associée aux maladies du foie semble être mieux traitée par le lithium (Evans, 2000).
En savoir plus sur le traitement du trouble bipolaire.
Troubles bipolaires I et II
Il existe deux formes distinctes du trouble bipolaire, dont les critères de diagnostic sont différents, voir ci-dessous :
Critères pour le diagnostic du trouble bipolaire I (Keck, Jr. et al, 2001 ; NIMH, 2000) :
- au moins un épisode maniaque grave (avec ou sans épisode dépressif majeur antérieur),
- celui-ci n'n'étant pas dû à un trouble schizoaffectif, et
- n'étant pas superposé à la schizophrénie, à un trouble schizophréniforme, à un trouble délirant ou à un trouble psychotique non spécifié ailleurs.
Critères pour le diagnostic du trouble bipolaire II :
- au moins un épisode de dépression majeure,
- accompagné d'au moins un épisode hypomaniaque (Keck, Jr. et al, 2001 ; NIMH, 2000)
- absence d'épisode maniaque.
Outils de diagnostic et échelles d'évaluation
Le clinicien dispose de plusieurs outils de diagnostic utiles pour identifier le trouble bipolaire, parmi lesquels l'entretien clinique structuré (Structured Clinical Interview du DSM-IV (SCID), le questionnaire SADS (Schedule for Affective Disorders and Schizophrenia) et le mini-examen de l'état mental (MEEM). Leur utilisation optimale exige une bonne formation clinique et elles ne conviennent pas au dépistage.
Un nouveau questionnaire de dépistage du trouble bipolaire vient d'être mis à disposition : le questionnaire sur les troubles de l'humeur (Mood Disorders Questionnaire - MDQ). Bien qu'il n'ait été éprouvé que sur 198 patients en tant qu'outil de dépistage des troubles psychiatriques du genre bipolaire, il semble posséder à la fois la spécificité et la sensibilité nécessaires pour distinguer le trouble bipolaire des autres affections psychiatriques (Hirschfeld et al, 2000 ; Maj et al, 2002).
La gravité des symptômes dépressifs et maniaques peut être mesurée de façon objective à l'aide de plusieurs échelles différentes d'évaluation des symptômes. Parmi les outils utilisés le plus souvent dans l'évaluation des patients atteints de trouble bipolaire, figurent l'échelle d'évaluation de la manie de Young (Young Mania Scale) et l'échelle abrégée d'appréciation psychiatrique (Brief Psychiatric Rating Scale - BPRS) ; toutes deux doivent être administrées par un professionnel qualifié pour que les résultats obtenus soient fiables.