Trouble de la personnalité borderline et le spectre bipolaire

 

Trouble de la personnalité borderline et le spectre bipolaire

27/09/2011

Bipo / Cyclo > Personnalité borderline

Les liens et différences entre le trouble Borderline et le trouble cyclothymique posent de sérieux problèmes que ce soit pour la recherche ou dans la pratique.

Document écrit par le r Hantouche et Mlle Kata Racz, étudiante en M1 psychologie

 

Différences et similitudes


Il est plus ou moins facile de distinguer entre bipolarité et Borderline si on se limite aux formes épisodiques de la bipolarité, à savoir les types classiques de BP-I et BP-II qui sont en fait caractérisés par la présence des épisodes de manie ou hypomanie (des épisodes avec une intensité et une durée suffisante pour les repérer).
Les similitudes et les différences entre le trouble borderline et le trouble bipolaire concernent l’instabilité émotionnelle, l’impulsivité et l’hyperactivité hypomaniaque.

L’impulsivité est une dimension commune aux deux troubles. Cependant, elle s’avère être plus intense et constante du trouble Borderline et se manifeste plus fréquemment par des gestes suicidaires et d’automutilation. Chez les bipolaires l’impulsivité serait plus volontiers épisodique.

L’instabilité émotionnelle se manifeste dans la bipolarité, par des changements qui se font entre les pôles dépressif ou tristesse et (hypo)maniaque ou exaltation. Chez les borderline, les oscillations se font plutôt entre l’euthymie (humeur normale) et la colère. Les changements d’humeur chez les bipolaires apparaissent comme « endogènes » (relation moins évidente avec l’environnement) alors que chez les borderline, on constate un aspect « réactionnel » aux événements. Des études plus récentes vont dans le sens d’une distinction entre le trouble « BP-II/cyclothymie » et « borderline » en fonction des modes de labilité émotionnelle (différences concernant l’intensité et la fréquence des changements émotionnels). De plus, l’étude de Reich montre que, sur l’échelle AIM (Intensité affective), le score moyen sur la sous-échelle « émotions positives » est deux fois plus important dans le groupe bipolaire alors que le score sur la sous-échelle « émotions négatives » est équivalent dans les deux groupes.

La dimension hypomaniaque s’avère être d’une durée moyenne plus brève chez les borderline (inférieure au seuil de 4 jours, selon le DSM-IV TR). Par ailleurs, deux études longitudinales ont montré qu’un début précoce de l’hypomanie chez des patients bipolaires prédit l’apparition ultérieure des symptômes du trouble borderline sans pour autant présenter les critères complets de ce trouble (ce qui complique la question du chevauchement cliniques entre les deux troubles)
Malgré les différences cliniques et phénoménologiques entre les deux troubles, la question reste complexe quand il s’agit d’appréhender la comorbidité entre les deux. Par exemple la présence d’un trouble borderline chez des patients bipolaires, se distingue par des niveaux nettement plus élevés d’impulsivité, d’agressivité et de conduites suicidaires. Ainsi la question ne se pose pas en termes « borderline ou bipolaire », mais plutôt en termes d’aggravation du pronostic de la bipolarité en cas de présence du trouble borderline.

Le problème réside dans la définition du trouble Borderline


En effet, on ne dispose pas de symptômes spécifiques du trouble borderline et cela est du à l’absence de définition précise et compréhensible de ce trouble, qui contraste avec une meilleure précision du spectre clinique de la bipolarité.
Par exemple, si on considère le symptômes « automutilations » (critère uniquement cité dans borderline), on se rend compte assez vite que cet item est plutôt lié à la présence du trouble BP-I / II (chez la patient et dans sa famille). De plus, ce symptôme est indépendant des conduites suicidaires. Pour preuve, lorsque le trouble Borderline coexiste avec le trouble bipolaire, le taux de tentative de suicide augmente mais pas celui d’automutilation.
Au total, les chevauchements, la comorbidité et l’absence de signes pathognomoniques expliquent la complexité de séparer entre Borderline et Cyclothymie.

Perspectives


La majorité des études ont sélectionné des patients « bipolaires » selon les critères classiques et officiels du DSM. Cela dit, notre hypothèse est basée sur une approche plus élargie du « spectre bipolaire » qui inclut notamment le trouble cyclothymique. Cette approche, inspirée du travail d’Akiskal, tient compte de la conception des tempéraments affectifs comme des manifestations sub-syndromiques précoces des troubles de l’humeur. Selon cette conception, la personnalité borderline pourrait être considérée comme une variante distincte de bipolarité (différente des formes typiquement épisodiques de BP-I et BP-II). En effet, cette forme de bipolarité ne dépend pas uniquement de l’alternance des épisodes majeurs, mais plutôt sur la présence d’une instabilité émotionnelle persistante ayant débuté à un âge précoce.
Dans cette configuration phénoménologique, il serait intéressant d’explorer la dimension purement cyclothymique ou affective versus la dimension « borderline ». Pour cela on aura besoin d’autres éléments que les dimensions déjà évaluées comme instabilité, impulsivité et hyperactivité.

Tempéraments affectifs


Dans le trouble cyclothymique, le tempérament affectif occupe une place centrale (contrairement au trouble bipolaire type I et II où les épisodes hypo – maniaques sont la signature du trouble). En effet, la cyclothymie est caractérisée par un début précoce avec des oscillations perpétuelles des niveaux émotionnels, cognitifs et psychomoteurs. Ainsi les chevauchements entre la cyclothymie et celui de Borderline sont assez fréquents, notamment quand le tableau clinique est dominé par les phénomènes impulsifs et les dérèglements émotionnels.
Le tempérament est la base psychobiologique de la personnalité qui détermine la façon endogène de réagir à l’environnement. On distingue cinq types de tempéraments : cyclothymique, hyperthymique, dysthymique, irritable et anxieux. Ces tempéraments affectifs sont définis par des critères sub-syndromiques des troubles majeurs en termes d’intensité, de stabilité, de réactivité, de modes interpersonnels et de sommeil. En quelque sorte, les tempéraments affectifs sont en continuité avec les troubles de l’humeur (p. ex. dysthymie et dépression ; cyclothymie et bipolarité ; hyperthymie et manie chronique).
En plus, de cette continuité entre tempéraments et épisodes, les études montrent que les tempéraments affectifs influencent l’expression clinique des épisodes (p. ex. tempérament hyperthymique et dépression = dépression mixte), l’âge de début (plus précoce dans le tempérament cyclothymique, l’évolution au long cours (tempérament dépressif et chronicité de la dépression) ainsi que la réactivité aux psychotropes (virages maniaques et instabilité sous antidépresseurs en cas de cyclothymie).

Tempérament et Schémas de Vie


Les « schémas de vie précoces inadaptés » est une approche originale des troubles de la personnalité et spécialement du trouble borderline, qui a été élaborée par J Young qui propose une base de compréhension et d’aide psychologique à ces troubles. Cette approche combine les tempéraments, les besoins de l’individu, les expériences précoces et l’adaptation à l’environnement. Young définie cinq « domaines » correspondant aux besoins affectifs fondamentaux avec un total de 18 schémas.
L’essentiel de la recherche sur les schémas précoces inadaptés (SPI) a été réalisée dans le trouble borderline. Elle montre la dominance des deux premiers domaines, à savoir « séparation / rejet » et « manque d’autonomie et performance » et accessoirement le domaine « manque de limites ». Contrairement, peu de choses sont connues sur les schémas précoces inadaptés et la bipolarité. Une récente étude de D. Hawke et al. (2011) a montré que certains schémas précoces inadaptés étaient significativement corrélés avec le risque de survenue d’un trouble bipolaire. Ce risque serait spécifiquement lié à la présence des schémas inhérents au domaine de manque de limites, et à l’absence de « schéma de contrôle émotionnel ». Cela dit, Il n’existe pas à l’heure actuelle, d’étude publiée ayant exploré les SPI dans le trouble cyclothymique ; A part une étude réalisée par le Dr. Hantouche, dont les analyses statistiques sont en cours. Les données préliminaires indiquent un niveau élevé dans 5 schémas : « abandon/instabilité » ; « dépendance / incompétence » ; « contrôle de soi / autodiscipline insuffisants » ; « abnégation » ; « idéaux exigeants / critique excessive ».
Quand les patients borderline, sont comparés aux patients bipolaires de type I en rémission et à des témoins sains, on trouve que les scores sont significativement plus élevées pour les 4 tempéraments (cyclothymique, irritable anxieux et dépressif) et pour la majorité des schémas précoces inadaptés. Ce résultat est en faveur de la discontinuité entre le trouble borderline et le trouble BP-I ; cependant, elle suggère une continuité voir même une parenté phénoménologique « flagrante » entre borderline et cyclothymie. D’où l’intérêt de considérer les tempéraments affectifs, notamment la cyclothymie dans toute exploration clinique du trouble Borderline.

Références

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10/05/2013
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