Troubles bipolaires : le lithium reste le traitement de base
Troubles bipolaires : le lithium reste le traitement de base
La psychose maniacodépressive, dite encore maladie bipolaire de type 1, affecte 1 % de la population dans sa forme «pure» mais 4 % souffrent d'une forme «édulcorée», cependant non moins douloureuse. Ces troubles dits bipolaires, qui se manifestent par des phases de dépression alternant avec des moments d'excitation, d'insomnie, de sentiment d'euphorie, d'idées de grandeur… se distinguent des dépressions réactionnelles par l'absence de facteurs déclenchants clairs. Et surtout par les différences dans le traitement et la prise en charge. Depuis plusieurs années déjà, une forte prédisposition génétique paraît être en cause dans ces affections. Certaines familles apparaissent plus touchées que d'autres.
Contrairement à d'autres maladies mentales graves, il existe pour la psychose maniacodépressive et les troubles bipolaires des traitements qui s'avèrent efficaces et assurent une vie quasi normale pour un pourcentage non négligeable de malades. Mais très souvent ces troubles sont mal diagnostiqués, entraînant un retard dans la prise en charge. Le traitement de base ne repose par sur les antidépresseurs mais sur les régulateurs de l'humeur. Cette semaine, la revue britannique The Lancet a publié les résultats d'un essai thérapeutique très important, l'essai Balance, dont les conclusions démontrent de manière formelle que la thérapeutique la plus efficace pour ces troubles bipolaires réside dans l'association de deux médicaments thymorégulateurs, le lithium et le valproate. «Ces résultats sont extrêmement importants, explique le Pr Chantal Henry, qui dirige le centre expert sur les troubles bipolaires à l'hôpital Albert-Chenevier (Créteil). D'abord, ils ont été obtenus par une étude indépendante de l'industrie pharmaceutique. Ensuite, ils permettent d'apporter des réponses concrètes en définissant une sorte de “gold standard” de la prise en charge des troubles bipolaires.»
L'essai publié dans The Lancet a été mené par un réseau mondial de psychiatres spécialisés dans cette maladie. Il porte sur 330 malades dans 41 centres de soins en Grande-Bretagne, en Italie, en France et aux États-Unis. Ils ont été divisés en trois groupes, les premiers recevant du lithium seul, les seconds du valproate seul (un médicament antiépileptique qui s'est avéré efficace contre les troubles de l'humeur) et les troisièmes une association des deux. Tous ces malades ont été traités et suivis pendant deux ans.
Les résultats montrent que 46 % des patients bénéficiant des deux médicaments n'ont pas souffert de rechute, en particulier n'ont eu aucun épisode de manie ou de dépression pendant les deux ans de traitement, contre 41 % des malades sous lithium seul et 31 % pour ceux n'ayant que le valproate. «Si ces résultats indiquent que l'association du lithium et du valproate donne les meilleurs résultats, l'analyse statistique montre que la différence entre l'association des deux et le lithium seul n'est pas significative, précise le Pr Henry, qui a contribué à cette étude pour la France.
Les effets spectaculaires du lithium sur la psychose maniaco-dépressive pour un certain nombre de malades (mais pas tous) ont été découverts dans les années 1970. Cette molécule reste pourtant insuffisamment prescrite notamment parce qu'elle est un peu difficile à manier. «Les doses thérapeutiques ne sont pas très éloignées des doses toxiques, ajoute le Pr Henry. Il faut surveiller régulièrement les patients. Par ailleurs, la pression marketing des firmes incite les médecins à prescrire de nouveaux médicaments, plus faciles à gérer, mais apparemment moins efficaces . Les patients qui répondent bien au lithium voient vraiment leur vie changer, avec une régression des phases de manie et de dépression, voire une disparition pour certains. Toutes les méta-analyses montrent que le lithium réduit le taux de suicides et d'hospitalisation chez des malades souffrant de troubles bipolaires. Dans l'étude Balance, un nombre important de patients n'a pas du tout rechuté.» Le lithium, commercialisé en France sous le nom de Téralithe, est un produit dont le brevet est passé dans le domaine public et qui n'est pas rentable pour les firmes. Mal dosé, il provoque une soif intense et un risque d'atteinte rénale et thyroïdienne.
La difficulté de la prise en charge tient aussi au retard mis à diagnostiquer cette affection, surtout dans les formes moins typiques. «L'étude Balance vient confirmer qu'aujourd'hui le lithium reste le traitement de choix des troubles bipolaires», conclut le professeur Chantal Henry.