Alchimie - Partie 1
Alchimie
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L'alchimie est une science (au sens ancien du terme) ésotérique dont l'objet est l'étude de la matière et de ses transformations. Elle repose sur un ensemble de pratiques (et en ce sens, elle est généralement considérée comme l'une des origines de la chimie moderne) et sur des considérations philosophiques particulières, l'hermétisme.
L'un des objectifs pratiques de l'alchimie est la transmutation des métaux, notamment des métaux nobles (or et argent) (selon la physique moderne si ces transformations sont inaccessibles dans les conditions expérimentales des alchimistes, elles sont par contre possibles dans le cadre des réactions nucléaires). L'alchimie prétend également détenir le secret de la médecine universelle capable de soigner tous les êtres vivants, et de prolonger la vie au-delà des limites naturelles ordinaires.
Dans la pensée hermétique (proche du gnosticisme[réf. nécessaire]), la matière était perçue comme relevant d’un monde inférieur terrestre ou microcosme organisé à l'image du monde supérieur céleste ou macrocosme, de sorte que l'étude de la matière était pour l'homme coupé de la source divine originelle dont il était issu, un moyen de connaissance et de retour vers le divin.
En tant que connaissance ésotérique, les textes alchimiques possèdent la particularité d'être codés. Il s'agit d'un savoir qui n'est transmis que sous certaines conditions. Les codes employés par les anciens alchimistes étaient destinés à empêcher les profanes d'accéder à leurs connaissances. L'utilisation d'un langage poétique volontairement obscur, chargé d'allégories et de figures rhétoriques avait pour objet de réserver l'accès aux connaissances à ceux qui auraient les qualités intellectuelles pour déchiffrer les énigmes posées par les auteurs et la sagesse pour ne pas se laisser tromper par les pièges nombreux que ces textes recèlent.
Il est difficile de retracer l'histoire exacte de l'alchimie, la mise en évidence d'un symbolisme alchimique convergent dans des civilisations éloignées dans le temps et dans l'espace, a également conduit le psychanalyste Carl Gustav Jung à s'intéresser à ce contenu en tant que révélateur d'une forme d'inconscient collectif. Dans le monde européen et arabe elle s'est notamment développée durant le Moyen Âge et la Renaissance, puis est devenue plus marginale à partir du XVIIIe siècle, tout en étant intimement liée à la naissance de la science moderne.
La dimension spirituelle et philosophique de l'alchimie explique qu'elle continue de nos jours à être pratiquée, par des chercheurs le plus souvent intéressés par son aspect ésotérique.
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Étymologie [modifier]
Le mot alchimie vient du mot arabe d'origine obscure : الكيمياء, (al-kimia), qui désigne la pierre philosophale. Il est venu en français au XIVe siècle en passant par l'espagnol et le catalan (fin du XIIIe siècle par Raymond Lulle), puis le latin médiéval (alchemia). Les mots alchimie et chimie sont restés synonymes jusqu'au XVIIIe siècle et l'apparition de la chimie moderne.[1]
Historique [modifier]
Les origines de l'alchimie sont controversées.
Mircea Eliade qui s'oppose au positivisme de son époque, refuse l'idée selon laquelle l'alchimie ne serait qu'une proto-chimie, en faisant apparaître le rapport entre l'alchimie et les mythes locaux, et en dégageant des constantes archétypiques universelles[2].
Antiquité [modifier]
Dans la Chine antique, l'alchimie est déjà attestée au IVe siècle av. J.-C. (Serge Hutin avance que l'alchimie était déjà pratiquée en Chine en 4500 av. JC). La recherche des remèdes d'immortalité est le grand projet depuis la période des Royaumes combattants. Les souverains font confiance à la voie des magiciens et des immortels, et ces « magiciens » sont souvent alchimistes. Le premier empereur de la dynastie des Qin organise une expédition sur l'île légendaire de Penglai (on verra que ce récit porte de grandes similarités avec d'autres cycles épiques, comme par exemple les argonautes[réf. nécessaire]). En Inde, les pratiques shivaïques et tantriques suivent également la trame alchimique. Shiva (principe actif du soufre) féconde Çakti (principe passif mercuriel) pour donner à l'adepte le corps de diamant foudre, devenu en occident la pierre philosophale (voir l'analyse de Julius Evola, le yoga tantrique). Au Moyen-Orient, la grande Babylone connaît également l'alchimie (voir Mircéa Eliade, Cosmologie et alchimie babyloniennes). L'Iran antique connaît déjà l'homme primordial et son démembrement. En Égypte ancienne, on trouve déjà l'ouroboros, symbole du principe premier de l'alchimie, « solve & coagula », ainsi que le principe de la première étape, la dissolution, reconnue par les alchimistes comme étant l'allégorie du démembrement (voir Fulcanelli), ici celui d'Osiris (que la mythologie grecque reprendra comme le démembrement de Dionysos-Zagreus, ou celui d'Orphée). L'école d'Alexandrie, probablement le centre le plus fécond de toute l'Antiquité, eut également ses maîtres à penser en alchimie (Zosime, Synésius, Olympiodore). En Europe, ce sont les Celtes qui pratiqueront l'alchimie, en particulier au travers de la mythologie du chaudron du Dagda, ancêtre du Graal[réf. nécessaire].
Moyen Âge [modifier]
Au XIIe siècle, revers inattendu des croisades, les textes arabes, qui connaissaient déjà une théologie et une métaphysique très élaborée (Avicenne, Averroès, Maïmonide) remontent en Occident par l'Espagne et la Turquie. Aristote, inconnu alors jusque là en Europe, devient le système clé de la philosophie scolastique médiévale[réf. nécessaire] (Abélard, Albert le Grand, Saint Thomas d'Aquin) qui portera en son sein tout le matériel alchimique (voir Roger Bacon, Arnaud de Villeneuve, Raymond Lulle). Afin d'éviter les foudres de l'hégémonie chrétienne[réf. nécessaire], naissent les récits épiques (Arthur, les chevaliers de la Table Ronde, qui convergeront vers un thème central : le Graal), greffés sur le matériel évangélique (le vase recueillant le sang du Christ, tenu par Joseph d'Arimathie). Ces récits porteront des informations capitales que les alchimistes reprendront dans leurs traités. C'est à ce moment, au XIIe siècle, qu'apparaît un texte capital, la Table d'émeraude[réf. nécessaire], axiome de base de tous les alchimistes médiévaux[réf. nécessaire], que la croyance populaire attribuera à Hermès (on[réf. nécessaire] sait aujourd'hui que la « table d'émeraude », dite « tabula smaragdina », est en fait la partie finale d'un traité nommé « Le livre du secret de la création et technique de la Nature », rédigé sous le règne du Khalife Ma'Mûn en 833, voir à ce sujet Henry Corbin, Histoire de la philosophie islamique). À cet instant, au XIIe et au XIIIe siècle, l'alchimie est à peu près en phase avec les Pères de l'Église[réf. nécessaire], puisque ses promoteurs sont issus de la culture catholique.
XIVe ‑ XVIe siècle, l'apogée [modifier]
L'alchimie commence à prendre ses distances avec l'Église, sur laquelle elle avait pris naissance et qui l'avait jusque-là tolérée. La réforme se prépare, les doctrines théosophiques apparaissent, l'illuminisme se développe. L'approche purement théologique devient ambivalente pour se muer en descriptif analogique[réf. nécessaire]. La grâce divine reflète la pierre, le discours prend plusieurs significations : théologique, métaphysique et physique. L'alchimie, frappée d'hérésie, se fonde en doctrine secrète pour échapper à son bourreau. Il faut désormais une érudition et une capacité de discernement pour entendre les textes masqués sous d'épais voiles. C'est dans ce contexte que naîtra le foisonnement de textes le plus important de toute l'histoire occidentale[réf. nécessaire], mais aussi le plus obscur. Les auteurs les plus caractéristiques sont Guillaume de Loris (Roman de la rose), Flamel, Ripley, Bernard de Trévise, Isaac le hollandais, Paracelse, John Dee, Denis Zachaire, L'abbé Trithème, Salomon Trismosin, Basile Valentin, Kunrath. À cette époque, la capitale de l'alchimie est Prague, et à peu près tous les érudits y convergent. Cette ville jouera le rôle d'Alexandrie dans l'Antiquité[réf. nécessaire].
XVIIe ‑ XIXe siècle, le déclin [modifier]
Avec la Renaissance, le siècle des Lumières, et l'avènement du matérialisme, se développera au cours de ces trois siècles un schisme que l'on pourrait appeler "laïcité métaphysique". Les succès des approches cartésiennes et kantiennes propagent l'idée que la Nature est concevable dans sa forme observée, mesurable, indépendamment d'une causalité qui la transcenderait. La Science est née. Même si de grands alchimistes marquent encore cette époque (Helvétius, Philalethe, Eteilla, Poisson), même si certains scientifiques défendent encore les principes hermétiques[réf. nécessaire] (Leibniz, Newton), l'alchimie est progressivement assimilée à une proto-chimie, pour finir par voir son arrêt de mort signée par Lavoisier. Au XIXe siècle, les quelques alchimistes résiduels sont considérés comme des curiosités, vestiges d'une époque révolue.
Le XXe siècle, l'alchimie renaît de ses cendres [modifier]
En 1926 paraît, dans l'indifférence générale, un ouvrage intitulé Le Mystère des cathédrales écrit par un total inconnu, de surcroît anonyme, un certain Fulcanelli. Cette figure deviendra au cours du XXe siècle une véritable légende[réf. nécessaire], en passe de dépasser le mythe de Faust[réf. nécessaire]. Un certain Canseliet, qui aurait été son élève[réf. nécessaire], va venir souffler le chaud et le froid sur ce personnage, qui, selon la légende, aurait bénéficié du "don de Dieu", l'immortalité (il aurait été vu en Espagne âgé de 113 ans[réf. nécessaire]). Fulcanelli et Canseliet sont deux auteurs ayant publié quelques ouvrages d'une érudition titanesque[réf. nécessaire], véritable synthèse de toute la connaissance alchimique et qui "suffiraient" par eux-mêmes[réf. nécessaire]. Parallèlement, l'anthropologie fait des pas de géant. Mircea Eliade, probablement le plus grand anthropologue du XXe siècle[réf. nécessaire], démontre[réf. nécessaire] que l'alchimie, loin d'être l'ancêtre balbutiant de la chimie, représente un système de connaissances très complexe dont l'origine se perd dans la nuit des temps, et commun à toutes les cultures (voir de l'auteur de Forgerons et alchimistes)[réf. nécessaire].
En 1953 René Alleau publia aux éditions de Minuit un ouvrage fondamental : Aspects de l'alchimie traditionnelle avec une préface d'Eugène Canseliet. C'est d'ailleurs Alleau qui, en 1948, prononça une série de conférences sur l'alchimie auxquelles assista André Breton, et qui eurent un profond retentissement sur le chef de file des surréalistes. On doit au même auteur la collection Bibliothica hermetica.
Objet de l'alchimie [modifier]
Généralités [modifier]
Les alchimistes étaient supposés chercher le secret de la fabrication de la pierre philosophale, ou « grand œuvre », censée être capable de transmuter les métaux vils en or, ou en argent. Mais derrière des textes hermétiques constitués de symboles cachant leur sens au profane, les alchimistes s'intéressaient plutôt à la transmutation de l'âme, c'est-à-dire à l'éveil spirituel. On parle alors de "l'alchimie mystique". Plus radical encore, l'Ars Magna, une autre branche de l'alchimie, a pour objet la transmutation de l'alchimiste lui-même en une sorte de surhomme au pouvoir quasi-illimité. L'alchimie a ainsi des aspects néo-platoniciens, séparant matériaux élevés et purs de leurs équivalents impurs et corrompus. Toutefois, la quête alchimique des premiers temps, celle de l'élixir, peut être simplement thérapeutique ; ce qui explique l'importance de la médecine arabe dans le développement de l'alchimie. On sait en effet que les médecins arabes vont développer une thérapeutique complexe, inventant des médications extrêmement sophistiquées (sans être nécessairement efficaces), et des procédés de transformation des produits naturels (comme la distillation, l'alambic étant une invention du monde arabe). La pierre philosophale, l'élixir, ces finalités des tentatives alchimiques sont aussi des panacées, des médicaments universels. En ce sens, même si l'alchimie n'est pas un ancêtre direct de la chimie, on observe chez Paracelse une transition entre alchimie et chimie par ce que le médecin suisse appelait iatrochimie.
L'alchimie était censée opérer sur une Materia prima, Première Matière, de façon à obtenir la pierre philosophale capable de réaliser la « projection », c'est-à-dire la transformation des métaux vils en or.
Trois principes fondent la métaphysique de l'alchimie : le sel, le soufre et le mercure, correspondant respectivement au centre moteur, émotionnel, et intellectuel[3].
Les trois phases de l'obtention du sel sont distinguées par la couleur que prend la matière au fur et à mesure : œuvre au noir, au blanc, au rouge. Elles correspondent à trois types de manipulation chimique : noir (carbonisation), rouge (incandescence par ignition spontanée), blanc (calcination et lessivage répétés).
C'est par l'extraction que l'on obtient le soufre et par la fermentation-distillation-rectification, le mercure , le sel étant obtenu par calcination. Notez que les alchimistes croyaient qu'en faisant brûler ou chauffer des choses, ils les rendraient pures car ils voulaient éliminer le phlogistique, fluide qui était «matériellement» la chaleur. Les « noces chimiques » dont le résultat est la pierre ou l'élixir s'opèrent entre le soufre et le sel par la médiation du mercure.
L'alchimie continue à l'heure actuelle de fasciner certains chercheurs. Selon certains alchimistes modernes, elle utilise les énergies de la vie pour transmuter les métaux ; cette énergie serait puisée également dans l'alchimiste lui-même. Ainsi seul un être vivant intelligent pourrait effectuer des opérations alchimiques. Vouloir automatiser les procédés alchimiques ne servirait donc à rien.