Article scientifique : Lorsque la sexualité devient une drogue : le plaisir souffrant
Article scientifique :Lorsque la sexualité devient une drogue : le plaisir souffrant.Auteur : Isabelle Boisclair M.A. |
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IntroductionVous vous sentez esclave de votre vie sexuelle? Vous avez l'impression d'avoir perdu le contrôle de vos comportements sexuels? Vous considérez comme étant excessive : votre masturbation, vos aventures d'un soir en séries, votre utilisation de matériel pornographique (revues, films, sites internets, ...), votre utilisation d'objets, votre fréquentation de prostituées, etc.? Si la réponse à ces trois questions est « oui », il est possible que vous faites parti de ces gens qui ont développé une dépendance sexuelle. Qu'est-ce que la dépendance sexuelle ?Une personne dépendante de ses comportements sexuels vit des obsessions sexuelles qu'elle perçoit comme étant incontrôlables et se sent incitée à les actualiser par une impulsion insistante inexplicable. Elle en vient alors à consacrer, de plus en plus, son énergie, son temps et souvent son argent, à réaliser ses fantasmes sexuels au détriment des autres aspects de sa vie amoureuse, familiale, professionnelle. En fait, elle se retrouve soumise à sa sexualité devenue un besoin inassouvissable amenant la répétition inlassable du comportement sexuel. Plusieurs manifestations sont souvent rapportés par ces gens dépendants :1. Avec leur partenaire, ils ne parviennent pas à établir une relation sexuelle saine et gratifiante. 2. Durant l'acte sexuel, ils expérimentent un état mental vécu comme un déréalisation de l'environnement. 3. Malgré le fait qu'ils se promettent de cesser la conduite sexuellement compulsive, ils deviennent de plus en plus impuissants face à celle-ci jusqu'à ce qu'ils en viennent à diriger leur vie en fonction du seul but d'assouvir leurs besoins sexuels, de satisfaire cette dépendance. 4. Ils passent progressivement par différentes étapes qui font en sorte qu'ils négligent de plus en plus leur famille, amis, travail. En fait, les divers contacts sexuels répétés dépourvus d'investissement affectif font en sorte que ceux-ci s'éloignent de tous ceux qui n'entrent pas dans leur cycle de dépendance. 5. Leur vie secrète devient plus réelle que leur vie publique. Souvent, les comportements sexuels dépendants sont vécus comme étant les seules ayant une réalité alors que les autres secteurs de la vie apparaissant « vides » ou artificiels. 6. La culpabilité vécue associée à la dépendance fait en sorte qu'ils la cachent à leur entourage. Souvent ils trouvent diverses justifications à leurs comportements ou encore les nient et rejettent sur les autres les difficultés qui en résultent. De plus, ils se sentent inadéquats. En fait, la sexualité devient souvent pour ces gens dépendants le seule moyen d'adaptation utilisé pour fuire un malaise, un stress, une angoisse au même titre que l'alcool et les drogues sont utilisés comme une solution magique ayant le pouvoir de conjurer les émotions et les sentiments troublants pour les alcooliques et les toxicomanes. C'est ce qui expliquerait le transfert de dépendance fréquent pour plusieurs qui lorsqu'ils arrêtent de consommer, deviennent dépendant sexuellement. Il est important aussi de mentionner que la sexualité étant devenue pour eux un objet de soumission, plusieurs se retrouvent à prendre des risques de plus en plus importants pour leur santé, par exemple au niveau des comportements à risque pour le VIH/Sida. ConclusionÀ la lumière des informations précédentes, nous pouvons constater qu'il est faux de penser que ces gens ont une vie sexuellement satisfaisante. En fait, celle-ci est plutôt une source, de honte, de culpabilité ainsi que de souffrance importante. De plus, plusieurs croient qu'ils sont fondamentalement des personnes sans valeurs et mauvaises, que personne ne peut les aimer comme ils sont, que la sexualité est leur plus important besoin, que jamais leurs besoins ne seront jamais satisfaits, etc. Souvent, ces personnes sexuellement dépendantes se retrouvent à être très malheureuses et ont l'impression qu'il n'y a pas de lumière au bout du tunnel... Mais c'est faux, il est possible de s'en sortir. Et, plusieurs ressources existent pour les aider à s'en sortir. 2e partie : Que faire lors que nous pensons souffrir d'une dépendance sexuelle ?Nous avons vu précédemment que les personnes dépendantes sexuellement, souffrent de se retrouver soumises à leur sexualité devenue un besoin inassouvissable amenant la répétition inlassable du comportement sexuel. Si vous avez l'impression de vivre cette difficulté, fort possiblement que des questions vous viennent à l'esprit, telles que : suis-je dépendant sexuellement? que faire pour m'en sortir ? Un petit test pour savoir si vous êtes dépendant sexuellementPour vous aider à répondre à la première question, il existe un petit test de dépistage (tiré textuellement de Carnes, 1983 in Schneider, 1991 ; dans Feray & Cordier, 1994). Il s'agit de répondre par oui ou non aux différentes questions :
Si vous avez au moins 13 réponses positives, la probabilité que vous souffrez de dépendance sexuelle est extrêmement élevée, soit de l'ordre de 96 %. Pour en être certain, il serait important que vous consultiez un(e) professionnel(le) pour qu'il/elle complète l'évaluation avec vous par d'autres tests. Ressources pour s'en sortirNous vous invitons donc particulièrement à consulter si vous vivez de la souffrance et/ou de l'insatisfaction reliée au fait que vous vous croyez dépendant sexuellement. Plusieurs ressources et traitements existent : - Les sexothérapies ainsi que les psychothérapies individuelles avec un(e) professionnel(le) tel qu'un(e) sexologue ou psychologue peuvent vous être fort utiles. Il y a l'Association des Sexologues du Québec qui peut vous en référer : téléphone : (514) 270-9289, courriel : asq@qc.aira.ca, site web : www.associationdessexologues.com. - Différents groupes d'entraide peuvent vous offrir beaucoup de support. De plus, ils sont reconnus comme étant très efficaces pour aider les gens à se défaire de diverses dépendances. Ils sont basés sur un programme de 12 étapes qui est une adaptation du programme du mouvement des « Alcooliques Anonymes » (A.A.). À Montréal, il y a le groupe des Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes (D.A.S.A.). Téléphone : (514) 983-0671. Et, le groupe Sexe Anonyme. Téléphone : (514) 489-5105 - Parfois les thérapies sont combinées à une thérapie médicale. Certains médicaments sont alors utilisés tels que les anti-dépresseurs ou les thymorégulateurs pour aider à diminuer temporairement les obsessions sexuelles. Si vous croyez que cela peut vous être utile L'Association de Médecine du Québec Sexuelle du Québec peut vous référer des médecins. Téléphone : (514) 875-0051 ou site web : www.amsq.org. - Si vous avez besoin plus d'informations sur la sexualité plusieurs sites Webs peuvent répondre à vos questions. Le site InfoSexoWeb : http://blaf.ntic.qc.cq/fr/articles.html peut vous fournir plusieurs liens intéressants. BibliographieChampagne D., 1994. Drogues, sexualité et problèmes sociaux, in P.Brisson (dir.) : L'usage des drogues et de la toxicomanie, volume II (p.31-56), Boucherville, Gaëtan Morin. Feray D. et Cordier B., 1994. Les addictions sexuelles, in D. Bailly et J.L. Venisse (dir.) : Dépendance et conduites de dépendance, Éditions Masson, Paris, p.177-186 Lemay M., 1997. La dépendance affective ou sexuelle a-t-elle un sens? in Revue Sexologique, vol.5, no 1, Édition I.R.I.S., Montréal, p.161-202 Mc Dougall, 1993. L'addiction à l'autre : réflexion sur les néo-sexualités et la sexualité addictive, in d'Alain Fine et al. (dir.) : Les troubles de la sexualité, Presses Universitaires de France, Paris, p.139-157 Auteur |