Charles de Gaulle - Partie 3

 

Opposition armée

Attentat du Petit-Clamart
Icône de détail Article détaillé : Attentat du Petit-Clamart.

Un polytechnicien ingénieur de l'armement nommé Jean Bastien-Thiry âgé de 35 ans considérait l'indépendance de l'Algérie, même ratifiée par référendum, comme une forfaiture. Il conçut donc, avec l'aide de personnes partageant son point de vue (appartenant à l'OAS - Organisation armée secrète), d'enlever de Gaulle, voire, si ce rapt se révélait impossible, de le tuer.

Un attentat fut ainsi organisé au Rond Point du Petit-Clamart le 22 août 1962. Il échoua, bien que la DS présidentielle montrât, parmi les impacts (environ 150 balles tirées), une trace de balle passée latéralement à quelques centimètres des visages du couple présidentiel. « Cela aurait fait une belle fin », commenta de Gaulle en regardant le trou laissé par l'impact.

Dans la déclaration qu'il fit lors de l'ouverture de son procès en 1963, Bastien-Thiry développa les motivations du complot basé essentiellement sur la politique algérienne du général de Gaulle. Parce qu'il avait fait tirer sur une voiture occupée par une femme et parce que, contrairement aux autres membres du commando, il n'avait pas pris de risques directs, Bastien-Thiry ne fut pas gracié par le général de Gaulle, comme le furent les autres membres du commando tout comme d'ailleurs les autres membres de l'OAS qui furent pris, mais fusillé au fort d'Ivry, le 11 mars 1963.

Une autre version circule, d'après laquelle Michel Debré et Georges Pompidou ont demandé à de Gaulle la grâce du colonel Bastien-Thiry. De Gaulle aurait répondu qu'il pouvait accepter à la condition que Bastien-Thiry s'engage à ne plus jamais faire de politique. Michel Debré et Georges Pompidou se seraient précipités à la prison la veille de l'exécution pour inviter Bastien-Thiry à accepter l'offre qui lui était faite, mais ce dernier aurait refusé.

De nombreux autres attentats furent également organisés malgré le fait accompli de l'indépendance, aliénant progressivement l'opinion publique face aux agissements terroristes de ces soldats perdus.

En 1968, une première amnistie permit aux derniers responsables de l'OAS, aux centaines de partisans de l'Algérie française encore détenus, et à d'autres, exilés, comme Georges Bidault ou Jacques Soustelle de rentrer en France. D'anciens activistes de l'Algérie française se rallièrent alors au gaullisme, en adhérant au SAC ou aux Comités de défense de la République (CDR). De Gaulle déclare à Jacques Foccart le 17 juin 1968 : « Il faut que nous allions vers une certaine réconciliation. » Les autres condamnations pénales sont effacées par les lois d'amnistie de 1974 et 1987. Les militaires sont réintégrés dans le cadre de réserve par l'amnistie de 1982.

Autres attentats

L'attentat du Petit-Clamart fut celui qui fut le plus près de réussir. Cependant de Gaulle fut plusieurs fois (une vingtaine ?) la cible d'attentat du fait de l'évolution de l'affaire algérienne.

  • 8 septembre 1961 : une bombe commandée à distance est enterrée sur la route de Colombey, à Pont-sur-Seine, mais la DS présidentielle n'est pas endommagée.
  • 15 août 1964 : De Gaulle est au Mont Faron, près de Toulon. Une jarre avait été piégée de huit pains de TNT mis à feu à distance. Ceux-ci n'explosent que le 28 août à 17 h 00 : en fait la bombe avait été trouvée par les RG qui l’avaient secrètement modifiée.[réf. nécessaire]

Le thème d'un attentat imaginaire contre le Général de Gaulle faisant suite à celui du Petit-Clamart fut exploité dans le film Chacal (1973) tiré du roman éponyme de Frederick Forsyth.

Mai 1968

Icône de détail Article détaillé : Mai 1968.

Outre la réforme financière de 1958, la France bénéficie des « Trente Glorieuses » et de la croissance amorcée sous la IVe République. Les structures économiques sont modernisées, le niveau de vie s'accroît. Mais la croissance profite inégalement à tous, et un certain désenchantement apparaît face au blocage de la société. Les événements de Mai 1968 en sont le révélateur. Comme dans de nombreux pays étrangers, la contestation des étudiants se développe à partir de mars 1968. Les syndicats et les partis politiques de gauche profitent des manifestations étudiantes pour lancer une grève générale qui sera suivie par les ouvriers. Cette grève générale paralyse le pouvoir pendant le mois de mai, provoquant une crise sévère qui ébranle le sommet de l'État.

De l'avis de ses propres partisans, De Gaulle a été complètement surpris par une crise qu'il ne prévoit pas et ne comprend pas. Indifférent aux revendications étudiantes et à la "crise de civilisation" qu'elles révèlent, il ne voit là au mieux qu'un gigantesque chahut de jeunes qui ne veulent pas passer leurs examens, au pire une contestation de l'autorité de l'État à faire cesser sur-le-champ. Dans les premiers jours de mai, ses seules consignes sont de réprimer brutalement les manifestations étudiantes, contre l'avis de plusieurs de ses ministres qui conseillent l'apaisement. Mettant de l'huile sur le feu, le Général contribue de fait à l'escalade d'un conflit qu'il aurait été facile de circonscrire.

Après la nuit des barricades du 11 mai, De Gaulle, sceptique, laisse toutefois son Premier ministre Georges Pompidou, rentré d'Iran, mener une nouvelle politique d'apaisement. Pompidou, qui a dû mettre sa démission dans la balance, veut éviter désormais les heurts, et parie sur l'essoufflement à terme du mouvement.

Du 14 au 18 mai, de Gaulle part en Roumanie, renonçant à annuler un déplacement prévu de longue date. Or, en son absence, la grève générale se développe et des millions de grévistes paralysent la France, tandis que la Sorbonne et l'Odéon sont occupés sans réaction de la police. Seul aux commandes de l'État et de la majorité parlementaire, Pompidou paraît entre-temps devenu le vrai chef du pays, ne jugeant même plus nécessaire de faire référence au Général.

À son retour anticipé de Roumanie le 18 au soir, De Gaulle déçoit jusqu'à des fidèles inconditionnels en apparaissant dépassé et flottant, sans cette vivacité et cette efficacité de réaction qui le caractérisent d'habitude. Il se montre incapable de choisir clairement entre la prudence pompidolienne et la fermeté qu'il prêche lui-même. Il attend le 24 au soir pour parler en public, et pour n'annoncer des mesures déjà éventées depuis plusieurs jours, qui ne répondent à aucune préoccupation de l'heure. "J'ai mis à côté", confesse-t-il aussitôt après avoir visionné son allocution.

Le Général expose, dans cette allocution, qu'il entend que l'État doit rétablir l'ordre, maintenir la République. 'La rue, c'est le désordre, la menace du totalitarisme, "la chienlit"'. Propos du 19 mai, lors d’une entrevue entre le Général et quelques-uns de ses ministres, dont Georges Pompidou qui le rapporta aux journalistes à sa sortie de l’Élysée. Le soir même, de violents incidents éclatent à Paris, on relèvera des centaines de blessés et plusieurs barricades érigées.

Le 26 mai, les accords de Grenelle passés entre le gouvernement Pompidou, les représentants des syndicats et du patronat aboutissent à un train de mesures classiques. De Gaulle préside le conseil des ministres qui ratifie aussitôt les accords, mais à la surprise de Pompidou et des chefs syndicaux, la base rejette les avancées de Grenelle, estimant que c'est la société entière qui est en cause. Les grèves continuent.

Le 27, une manifestation au stade Charléty lance l'idée d'un gouvernement provisoire. Le jour même, François Mitterrand reprend cette solution et annonce sa candidature à la présidence de la République. La crise politique atteint son sommet. À ses visiteurs, De Gaulle apparaît alors épuisé et las. Il gémit sur cette crise "insaisissable" ("on ne saisit pas un torrent avec ses mains") et semble accablé, vieilli, découragé.

La disparition soudaine et inexpliquée du chef de l'État, parti en hélicoptère le 29 mai pour une destination inconnue, provoque la stupeur et ouvre la voie à toutes les supputations. Il passe par Baden Baden où il est reçu par le général Massu. Pense-t-il à se retirer ? Veut-il s'assurer des sentiments de l'Armée ou simplement prendre du recul ? Veut-il déconcerter l'adversaire en laissant planer le doute sur ses intentions, et reprendre ainsi l'initiative ? Il semble que toutes ces raisons se soient conjuguées.

En tous cas, dès son retour à Paris le lendemain, son allocution radiodiffusée a le ton de la fermeté. Il y annonce la dissolution de l'Assemblée nationale. Elle est suivie d'une immense manifestation organisée par les gaullistes sur les Champs-Élysées.

De Gaulle était prêt à accepter certaines des revendications des manifestants. Il voulut faire approuver les réformes par référendum mais Georges Pompidou le persuada de dissoudre plutôt l'Assemblée nationale. De Gaulle l'annonça le 30 mai 1968, dans un discours radiodiffusé, comme l'appel du 18 juin ou l'intervention de 1960 pendant les barricades d'Alger. Les phrases étaient courtes, chacune ou presque une décision :

  • « Étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j'ai envisagé, depuis vingt-quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir » (on savait que de Gaulle avait juste avant ce discours été voir en hélicoptère le général Massu à Baden-Baden)
  • « J'ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. »
  • « Je ne changerai pas le Premier ministre, qui mérite l'hommage de tous. »
  • « Je dissous aujourd'hui l'Assemblée nationale »
  • « Je charge les préfets, devenus ou redevenus commissaires du peuple, d'empêcher la subversion à tout moment et en tous lieux »
  • « Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier, en l'empêchant de s'exprimer en même temps qu'on l'empêche de vivre, par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue date en conséquence et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s'il a déjà des rivaux à cet égard ». De Gaulle opposait ainsi le Parti communiste français aux groupes maoïstes, alors que le premier semblait déjà bien dépassé par les événements. En clouant le PCF au pilori et lui prêtant une visée subversive délibérée, de Gaulle rompt avec la stratégie de Pompidou, qui n'a cessé de négocier avec le Parti au long du mois : ce dernier étant objectivement l'allié du gouvernement contre les gauchistes et pour le retour à l'ordre.

La fin du discours mentionne au sujet d'une déclaration juste antérieure, et sans la citer, « l'ambition et la haine de politiciens au rancart » et affirme qu'après avoir été utilisés « ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids, qui ne serait pas lourd ». Pour les besoins de la polémique, de Gaulle néglige juste les 45% des voix qui se sont portées en 1965 sur Mitterrand au second tour de la présidentielle, ou encore le simple siège de sa majorité aux élections législatives de 1967

Après les discours un peu décevants qui avaient précédé, la France semblait retrouver son « de Gaulle des grands jours ». Une manifestation fut organisée pour faire pendant à celle du 13 mai 1968 et fut créditée d'un million de participants selon les organisateurs, trois cent mille selon la préfecture de police. Les élections de juin 1968 furent un grand succès pour les gaullistes qui obtinrent 358 des 487 sièges (du jamais vu dans l'histoire du parlementarisme français). Georges Pompidou fut remplacé par Maurice Couve de Murville au mois de juillet.

La campagne des législatives occupa les forces politiques, tandis que la reprise du travail se faisait progressivement. La reprise en main, autoritaire, se fait parfois sans ménagement. Les groupuscules gauchistes sont dissous, l'Odéon et la Sorbonne évacués, les journalistes grévistes de l'ORTF licenciés (un tiers de l'effectif total). Des Comités d'action civique, répondant à l'appel de De Gaulle, se constituent pour dresser des listes noires de grévistes et d'agitateurs notoires, et la police même renoue avec la brutalité des premiers jours de mai (quatre morts à déplorer en juin 1968). Cependant, De Gaulle bénéficie de la lassitude d'une opinion qui après avoir manifesté jusque fin mai sa sympathie majoritaire pour les révoltés, commence à se fatiguer de l'absence de perspectives du mouvement.

Les élections n'ont pourtant pas assez redynamisé le pouvoir. L'Assemblée nationale, plus à droite, est aussi plus frileuse face aux réformes pourtant nécessaires (participation, régionalisation, réforme de l'Université…). L'Élysée semble plus coupé des Français, la confiance n'est pas vraiment rétablie. L'éviction du vrai vainqueur de la crise, Pompidou, a été mal comprise, et ce dernier fait désormais figure de recours et de successeur potentiel. De Gaulle n'est plus irremplaçable.

Le référendum du 27 avril 1969 : départ du pouvoir

Charles de Gaulle et le président américain Richard Nixon le 3 février 1969.
Charles de Gaulle et le président américain Richard Nixon le 3 février 1969.

Dans un référendum portant sur le transfert de certains pouvoirs aux régions et la transformation du Sénat, de Gaulle proposait d'introduire des représentants des organisations professionnelles et syndicales au sein des conseils régionaux. Mettant tout son poids dans le référendum, il annonça à l'avance son intention de démissionner en cas de victoire du « non ». Celui-ci, auquel s'était rallié Valéry Giscard d'Estaing l'emporta par 52,41% le 27 avril 1969. Quelques minutes après minuit, le 28 avril 1969, un communiqué laconique tombe de Colombey : « Je cesse d'exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi ».

L'après-pouvoir

Ce communiqué est le dernier acte public de « l'homme du 18 juin » : pour éviter d'être impliqué dans sa propre succession, il passe le temps de la campagne en Irlande où il vote par procuration; ensuite il s'enferme à La Boisserie pour y écrire ses Mémoires d'espoir qui prendront la suite des Mémoires de guerre; il y mènera une existence retirée voire recluse, n'y recevant que quelques anciens collaborateurs ou anciens ministres auxquels il conserve estime et confiance.

Il voyagea aussi en Espagne où il rendit visite de courtoisie au général Franco, (Winston Churchill et Dwight Eisenhower l'avaient précédé plusieurs années auparavant, l'un officieusement lors de ses nombreuses escapades en Espagne, l'autre officiellement), déclarant regretter ne pas avoir pu le rencontrer plus tôt du fait des circonstances internationales. Même si de Gaulle n'exerçait plus alors de charge publique, qu'un homme de son prestige aille conférer admirativement avec le dictateur espagnol suscita de nombreuses critiques. André Malraux ne cacha pas que, si elle s'était tenue du temps où il était au gouvernement, il aurait démissionné.

Décès

Tombe de Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises
Tombe de Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises

Le 9 novembre 1970, comme à l'accoutumé, il entame une partie de patience. À 19h10, il est pris d'un malaise causé par une rupture d'anévrisme. Il meurt à 19h30. La nouvelle n'est communiquée que le lendemain par une brève allocution télévisée de Georges Pompidou. Sa mort, qui selon l'expression de son successeur, laisse « la France veuve », est l'occasion de prendre la mesure du rôle joué par de Gaulle dans l'histoire de France. Le soir de ses obsèques à Colombey et alors que de nombreux chefs d'État étrangers sont rassemblés pour honorer sa mémoire à Notre-Dame de Paris, plusieurs centaines de milliers de Parisiens remontent l'avenue des Champs-Élysées dans la nuit, par une pluie battante, pour rendre hommage à de Gaulle.

Seul l'hebdomadaire satirique Hara-Kiri osa un titre provocateur (Bal tragique à Colombey, un mort; l'opinion était encore sous le choc de l'incendie d'un dancing qui avait causé 146 morts une semaine plus tôt à Saint-Laurent-du-Pont), et fut interdit de diffusion.

Son testament qu'il avait rédigé en 1952 reste une dernière gifle d'outre-tombe aux conventions :

Tous les autres officiels, le président Nixon compris, se contentent d'assister au même moment à une simple messe en son honneur à Notre-Dame de Paris.

  • « Sur ma tombe : Charles de Gaulle, 1890-19... Rien d'autre »

Postérité

Hommages

Statue du Général de Gaulle dans la ville de Québec au Canada
Statue du Général de Gaulle dans la ville de Québec au Canada

Le nom de Charles de Gaulle a été donné à de nombreuses artères, des ponts ou des bâtiments importants des villes françaises : la rue du Général-de-Gaulle à Sainte-Adresse (ville où le père de De Gaulle est enterré), par exemple. Sans dresser de liste de ces milliers de communes qui lui ont ainsi rendu hommage, on peut citer notamment la place Charles-de-Gaulle (anciennement place de l'Étoile) et le pont Charles-de-Gaulle à Paris, l'aéroport Charles de Gaulle (ex-aéroport de Roissy) et le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle. À l'étranger, au Caire par exemple, on trouve la rue Charles-de-Gaulle, adjacente à la rue Georges-Pompidou, ou alors, au Québec, un pont qui relie l'île de Montréal à sa rive-nord, a été nommé en son honneur.

Quelques années après la mort de De Gaulle, beaucoup hommes qui l'avaient critiqué de son vivant commencèrent à se réclamer de lui. Lors du 25e anniversaire de son décès, en 1995, un sondage publié par Le Monde établissait que 80 % des Français jugeaient positivement l'action du Général. Une émission de France 2 le proclama élu par les téléspectateurs « le plus grand Français de tous les temps » (2006). Une partie des centristes, de la gauche voire de l'extrême-gauche, à l'image de Régis Debray, déclare aujourd'hui trouver en lui un inspirateur. Tout cela a permis à beaucoup de rappeler une phrase célèbre d'André Malraux : « Tout le monde a été, est ou sera gaulliste. »

Charles de Gaulle est probablement le Français le plus connu au monde avec Napoléon. Des statues lui ont été érigées aussi bien à Québec ou Londres qu'à Varsovie ou Moscou. La Chine communiste lui garde une forte reconnaissance publique pour l'avoir reconnue diplomatiquement en 1964. Israël ressentit d'autant plus durement ses déclarations fracassantes de 1967 que le culte populaire qui y était voué à l'homme du 18 Juin ne pouvait se comparer jusque-là, comme le rappelle Éric Roussel, qu'à celui du « Père de la nation » David Ben Gourion. Le monde arabe se souvient de ses critiques contre l'occupation de Gaza et de la Cisjordanie, et un Ben Bella rendit hommage à de Gaulle comme au plus valeureux adversaire du FLN, « celui qui nous porta les plus rudes coups », mais qui finit par accepter l'indépendance algérienne. [1]. À ceux qui lui reprochaient d'être resté un client de la France gaullienne, Léopold Senghor répliquait que peu de chefs d'État occidentaux pouvaient se vanter d'avoir risqué personnellement leur vie pour conduire une colonie à l'indépendance. Il n'est pas jusqu'au maître de Cuba, Fidel Castro, qui ne déclara devant les caméras avoir trouvé un modèle en de Gaulle à la lecture de ses Mémoires de guerre. L'Amérique latine ou le Viet-Nam apprécient encore le pourfendeur de la domination américaine, le Québec le contempteur de la prédominance anglophone. Seuls les États-Unis gardent un souvenir mêlé d'un homme qui fut leur allié, mais qui se mit aussi souvent en travers de leur chemin, et qui leur sembla symboliser les travers nationalistes et les prétentions excessives d'un pays devenu une puissance de deuxième ordre.

Legs historique

Les années que Jean Fourastié a nommées les Trente glorieuses (1945-1975) ont laissé aux Français le souvenir d'une époque, sinon heureuse (deux guerres coloniales), au moins de croissance et de prospérité. « Nous ne sommes pas les plus riches, nous ne sommes pas les plus puissants, mais je vous garantis que nous sommes parmi les plus heureux », affirma Georges Pompidou lors de vœux usuels de nouvel an aux Français. Or la fin de cette période heureuse se trouve correspondre à peu près à celle de de Gaulle : difficile dans ces conditions de séparer objectivement ce qui est dû à l'homme et à son dauphin désigné de ce qui est dû à l'économie, d'autant que les deux n'étaient pas exempts d'imbrication.

Le premier président de la Ve République apparaît en revanche aujourd'hui comme un des derniers grands fabricants d'histoire, qui a comme on le voit plus haut su souvent mener les événements au lieu de se laisser mener par eux. Son vocabulaire non conventionnel pour un homme politique de l'époque et de cet âge (culbute, chienlit), son humour (« Croit-on que je vais commencer, à soixante-sept ans, une carrière de dictateur ? »), son sens de la repartie (au cours d'une conférence de presse, il répondit à un journaliste dont la question était simplement « Comment allez-vous ? » : « Je vais bien, mais rassurez-vous, je ne manquerai pas de mourir »), son mépris affiché des partis politiques, sa défiance envers une droite qui ne l'aimait pas et le lui fit voir en 1969, comme envers une gauche qui n'avait jamais vraiment soutenu le projet de participation (des salariés aux bénéfices de leur entreprise) qui lui était cher, tout cela a conduit nombre de Français à ressentir pour lui, fût-ce tardivement, le même genre de sympathie qu'envers Jean Yanne ou Coluche. De Gaulle, c'était, dans un esprit très « Astérix » : « Le petit qui n'a pas peur des gros ». On ne s'étonnera pas de sa déclaration que son livre préféré était Cyrano de Bergerac. Et il fit un jour cette remarque ironique : « Au fond, je n'ai qu'un seul rival international : c'est Tintin. ».

Bibliographie

Œuvres de Charles de Gaulle

  • Une mauvaise rencontre Imp. de Montligeon, 1906 (écrit à 15 ans)
  • La Congrégation, Hors de France Revue du collège d'Antoing (n° 6) 1908
  • Carnet de campagne d'un officier français Revue de Paris (n° 6) 1920
  • La Discorde chez l'ennemi Berger-Levrault 1924
  • Le Flambeau (1re et 2e parties) Revue militaire (n° 69 et 70) 1927
  • La Défaite, question morale 1927-1928
  • Philosophie du recrutement Revue de l'Infanterie (n° 439) 1929
  • La Condition des cadres dans l'armée 1930-1931
  • Histoire des troupes du Levant Imp. nationale 1931 (en collaboration avec le cdt Yvon, le col de Mierry collaborant à la préparation du texte final)
  • Le fil de l'épée Berger-Levrault 1932
  • Combats du Temps de paix Revue de l'Infanterie (n° 476) 1932
  • Pour une politique de défense nationale Revue Bleue (n° 3) 1933
  • Le soldat de l'Antiquité Revue de l'Infanterie 1933
  • Forgeons une armée de métiers Revue des Vivants 1934
  • Vers l'armée de métier Berger-Levrault 1934
  • Le problème belge Revue Défense Nationale 1936
  • La France et son Armée Plon 1938
  • Trois études Berger-Levrault 1945 (Rôle historique des places fortes ; Mobilisation économique à l'étranger ; Comment faire une armée de métier) suivi par le Mémorandum du 26 janvier 1940.
  • Mémoires de guerre
    • Volume I - L'Appel, 1940-1942 Plon 1954
    • Volume II - L'Unité, 1942-1944 Plon 1956
    • Volume III - Le Salut, 1944-1946 Plon 1959
  • Mémoires d'espoir
    • Volume I - Le Renouveau, 1958-1962 Plon 1970
    • Volume II - L'effort, 1962... Plon 1971
  • Discours et Messages
    • Volume I - Pendant la Guerre, 1940-1946 Plon 1970
    • Volume II - Dans l'attente, 1946-1958 Plon 1970
    • Volume III - Avec le Renouveau, 1958-1962 Plon 1970
    • Volume IV - Pour l'Effort, 1962-1965 Plon 1970
    • Volume V - Vers le Terme, 1966-1969 Plon 1970
  • Lettres, Notes et Carnets
    • Tome 1 - 1905-1918 Plon 1980
    • Tome 2 - 1919-Juin 1940 Plon 1980
    • Tome 3 - Juin 1940-Juillet 1941 Plon 1981
    • Tome 4 - Juillet 1941-Mai 1943 Plon 1982
    • Tome 5 - Juin 1943-Mai 1945 Plon 1983
    • Tome 6 - Mai 1945-Juin 1951 Plon 1984
    • Tome 7 - Juin 1951-Mai 1958 Plon 1985
    • Tome 8 - Juin 1958-Décembre 1960 Plon 1985
    • Tome 9 - Janvier 1961-Décembre 1963 Plon 1986
    • Tome 10 - Janvier 1964-Juin 1966 Plon 1986
    • Tome 11 - Juillet 1966-Avril 1969 Plon 1987
    • Tome 12 - Mai 1969-Novembre 1970 Plon 1988
    • Tome 13 - Compléments de 1924 à 1970 Plon 1997
  • Textes, allocutions déclarations et notes. La Documentation française n° 216 (25 septembre 1967)


Œuvres consacrées à Charles de Gaulle

L'homme

  • Jacques Laurent, Mauriac sous de Gaulle, éditions de La Table Ronde, 1964.
  • Charles Morazé, Le Général de Gaulle et la République, éd. Flammarion, 1993, coll. Vieux Fonds Fic, (ISBN 2080605593)
  • Henri de Kerillis, De Gaulle dictateur. Une grande mystification de l'histoire, Montréal, Beauchemin, 1945 (pamphlet contestable).
  • Alain de Boissieu : Pour combattre avec de Gaulle (1940-1945) et Pour servir le Général (1946-1970).
  • Anne et Pierre Rouanet, Les Trois Derniers Chagrins du général de Gaulle, Paris, Grasset. 480 p., 1980.
  • Jean-François Revel, Le Style du Général, éd. Complexe, 1988
  • Jean Lacouture, De Gaulle, Paris, Éditions du Seuil (3 volumes) : 1 — Le Rebelle (1890-1944), 2 — Le Politique (1944-1959), 3 — Le Souverain (1959-1970), 1984, 1985 et 1986. Paris, « Points Histoire », 1990
  • Odile Rudelle, De Gaulle pour mémoire, Éditions Gallimard, 1991
  • Paul-Marie de La Gorce, De Gaulle, Éditions Perrin, 2000
  • Éric Roussel, De Gaulle (2 tomes : 1890-1945 et 1946-1970), Éditions Gallimard et Tempus, 2002
  • Max Gallo, De Gaulle (4 tomes : L'Appel du Destin (1890-1940), La Solitude du Combattant (1940-1946), Le Premier des Français (1946-1962) et La Statue du Commandeur (1963-1970)), Éditions Robert Laffont et Pocket, 1998
  • Paul-Marie Coûteaux, Le génie de la France. Tome I : De Gaulle philosophe, Paris, Éd. Jean-Claude Lattès. 323 p., 2002.
  • Philippe de Gaulle, De Gaulle, mon Père. Entretiens avec Michel Tauriac , Paris, Plon 2003.
  • Dominique Venner, De Gaulle, la grandeur et le néant, Monaco, Éditions du Rocher. 300 p., 2004.
  • Julian Jackson, De Gaulle. Au-delà de la légende, éd. Alvik, 2004
  • Guy Forzy, Ça aussi, c'était De Gaulle, Dualpha, 2004
  • Henri-Christian Giraud (dir.), Réplique à l'amiral de Gaulle, Monaco, éd. du Rocher, coll. « Documents », 2004
  • Henri Guillemin, le Général clair obscur. – Paris : Le Seuil.
  • Alain Larcan, De Gaulle : le soldat écrivain. – Paris : Textuel, coll. « Passion », 2005, 191 p., 29 cm, (ISBN 2-84597-115-X).
  • Guillaume Piketty, Dictionnaire de Gaulle, Robert Laffont 2006.
  • Philippe de Gaulle-Michel Tauriac, Mon père en images, Michel Lafon 2006 (ouvrage de photos inédites).
  • Yves Guéna, De Gaulle, Gründ, collection Histoire sur le vif, 2007, 64 pages (illustrations couleurs, plus de 60 fac-similés) (ISBN 2700016963)
  • Corinne Maier, Le Général De Gaulle à la lumière de Jacques Lacan, L'harmattan 2001 (ISBN 274750297X)

La politique

Ouvrages généraux

Études thématiques

La Résistance

De Gaulle, opposant à la IVe République
  • Fondation Charles-de-Gaulle et université Michel-de-Montaigne-Bordeaux-III, De Gaulle et le RPF, éd. Armand Colin, 1998
  • Jean Charlot, Le Gaullisme d'opposition. 1946-1958, Éditions Fayard, 1983
  • Frédéric Turpin, De Gaulle, les gaullistes et l'Indochine, éd. Les Indes savantes, 2005

La Guerre d'Algérie
  • Pierre Abramovici et Gabriel Periès, « La Grande Manipulation », Éditions Hachette, 2006.
  • Georges-Marc Benamou, « Un mensonge français », Éditions Robert Laffont, 2003.
  • Jean-Paul Brunet, « Charonne. Lumières sur une tragédie», Éditions Flammarion, 2003.
  • Alain Dewerpe, « Charonne, 8 février 1962. Anthropologie historique d'un massacre d'État », Éditions Gallimard, coll. « Folio »-histoire, 2006.
  • Mohamed Harbi et Benjamin Stora (dir.), « La Guerre d'Algérie », Éditions Robert Laffont, 2004, (rééd. Hachette, « Pluriel »-histoire, 2005).
  • Irwin Wall, Les États-Unis et la guerre d'Algérie, Éditions Soleb, 2006.

Le retour au pouvoir en 1958

La présidence
  • Serge Berstein, La France de l'expansion, t.1 La République gaullienne (1958-1969), éd. Seuil, coll. Points Histoire, 1989
  • Jean Charlot, Le Phénomène gaulliste, éd. Fayard, 1970
  • Jean Clémentin, L'Affaire Fomasi, éd. Grasset, 1969
  • Jean Cosson, Les Industriels de la fraude fiscale, éd. Jean de Bonnot, 1986
  • François Mitterrand, Le Coup d'État permanent, éd. Plon, 1964, rééd. Julliard, 1984, et 10/18, 1993
  • Pierre Péan, Affaires africaines, Paris, éd. Fayard, 1983 ; L'Homme de l'ombre. Éléments d'enquête sur Jacques Foccart, l'homme le plus mystérieux et le plus puissant de la Ve République, éd. Fayard, 1990
  • Pierre Viansson-Ponté, Histoire de la République gaullienne, éd. Hachette, « Pluriel », deux vol., 1994 [1re éd., 1970]

Témoignages et souvenirs

  • Fondation Charles de Gaulle, Avec De Gaulle : témoignages. Tome 2, Le temps du rassemblement, 1946-1958, Paris, Nouveau monde éd., 2005. 502 p., 23 cm. (ISBN 2-84736-053-0).
  • Lucien Bitterlin, Nous étions tous des terroristes, Paris, éd. Témoignage chrétien, 1983
  • Jacques Foccart, Journal de l'Élysée, Paris, éd. Fayard/Jeune Afrique, tomes 1 (Tous les soirs avec de Gaulle. 1965-1967, 1997) et 2 (Le Général en mai. 1967-1968, 1998)
  • Claude Guy, En écoutant de Gaulle. Journal. 1946-1949, Paris, éd. Grasset, 1996
  • Constantin Melnik, Mille jours à Matignon. Raisons d'État sous de Gaulle. Guerre d'Algérie, 1959-1962, éd. Grasset, 1988 ; La mort était leur mission, Paris, éd. Plon, 1996 ; Politiquement incorrect, éd. Plon, 1999
  • Jules Moch, Rencontres avec Charles de Gaulle, éd. Plon, 1971
  • Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, Paris, éd. Gallimard, « Quarto », 2002
  • Jean Pierre-Bloch, De Gaulle ou le temps des méprises, Paris, éd. La Table ronde, 1969

Discographie

  • Charles de Gaulle, Discours historiques 1940-1969 (disque 33t)

Références et notes

  1. Cabinet des Titres : Chérin et d'Hozier. Régis Valette Catalogue de la noblesse française subsistante au XXIe siècle, mais aussi Jouglas de Morenas, etc., sans oublier Philippe du Puy de Clinchamps.
  2. cf. aussi William/Wilhelm et Guillaume
  3. cf. actes notariaux du XVIIe siècle notamment
  4. Mémento typographique, Ch. Gouriou, éditions du Cercle de la Librairie, §58
  5. François Flohic, Souvenirs d’Outre-Ga


18/05/2008
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