Confiance en soi, défense maniaque pour une vie différente

 

 

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Confiance en soi, défense maniaque pour une vie différente

1/01/2009

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Avis des cyclothymiques

Réflexion au sujet de la "défense maniaque" - la recherche et la lutte pour trouver du sens à sa vie ou simplement pour ne pas déprimer ; post de R. Blain
Certains d’entre nous sont "existentiellement désordonnés" ("messy") d’après Eric Abrahamson et David Freedman (auteur du merveilleux livre, "A perfect mess", traduit en français ). Ces individus sont doués pour le chaos et le désordre, ils changent de pays, de travail, de mari ou de femme, ils sont toujours en mini-crises. Est-ce de la malchance ou une vocation à être instable se demandent les auteurs ?

Cette instabilité, ces changements de cap, ces mutations et sentiments divergents ne traduisent qu’une nature inconstante certes mais en évolution permanente, à la recherche d’un sens et parfois d’un équilibre ou d’une vocation tardive. Erikson a nommé cette gestation qui peut durer des années , le "moratoire psychosocial".

Cette versatilité apparente ou réelle pour certains nʼinduit pas toujours une confiance en soi mais plutôt un doute généralisé, source de beaucoup de malheurs pour de nombreux cyclothymiques (ceux qui consultent généralement et d’autres aussi) mais les cas inverses se présentent aussi.

Erikson a écrit que "le doute est le frère de la honte" tandis que la confiance de base à lʼégard de soi-même et du monde est la condition préalable la plus fondamentale de la vitalité mentale. Lʼinverse, selon Erikson, conduit au repli, au désaccord avec soi-même et avec les autres, à lʼaliénation.

En lisant "Les Nouvelles Solitudes" de Marie France Hirigoyen on comprend bien que le doute au sein de notre société génère ce repli, ce désir de distance par la virtualité et cette défiance qui devient un cancer dans notre relation avec les autres.

La solution vient du principe clef de Frankl et de la logothérapie, la recherche et la lutte pour trouver du sens à sa vie sans craindre les tensions qui lʼaccompagnent. Le grand psychologue américain, William James, le soulignait dans une de ces lettres : "Le caractère d’un homme peut se dévoiler quand une attitude mentale et morale sʼempare de lui grâce à laquelle il se sent très profondément et foncièrement actif et vivant". Erikson , comme Frankl d’ailleurs, décrit dʼune tension active (plutôt que dʼune question qui vous inhibe- tension qui doit susciter, par ailleurs une sorte de défi "sans garantie" (...).

Frankl va plus loin dans "Manʼs search for meaning", en affirmant que le thérapeute pour renforcer la santé mentale, ne doit pas avoir peur de créer une certaine tension afin de permettre une réorientation vers le sens de la vie de chacun.

Au XIX et au début du XX eme, Willmans et Kahn recommandaient la psychothérapie pour que  "le cyclothymique se sente en confiance vis à vis de son médecin" et il pourrait ainsi "reprendre courage pendant sa période de dépression".

Des psychanalystes comme Mélanie Klein, Donald Winnicott et surtout Karl Abraham ont crée le terme de "défense maniaque". Nous en parlons dans notre livre au sujet des personnes créatives car la défense de l’ego semble jouer un rôle primordial dans la lutte contre la dépression ou la psychopathologie. La force de lʼego les protège  tout comme dʼautres formes de coping : activisme, altruisme, humour, anticipation, refuge dans la rêverie, intellectualisation, la sublimation. Ces mécanismes contrairement à dʼautres (retrait apathique, retournement contre soi-même) sont positifs.

Selon certains thérapeutes, les traits maniaques (contrôle omnipotent, triomphe, mépris) protègent lʼego contre le désespoir et jouent parfois un rôle non négligeable dans lʼévolution de lʼindividu bipolaire. Cʼest pourquoi en général, beaucoup de cyclothymiques de tendance hyperthymiques ne consultent pas ou peu. Ils ont peut-être une tendance à nier leur état, à vouloir s’en sortir seul, à utiliser leur atouts hyperthymiques pour sʼen sortir ( activité, créativité, séduction, energie et resistance physique et surtout sociabilité). Disons en un mot, qu’ils conservent une certaine estime d’eux-mêmes, ce qui a des conséquences mixtes : Déni possible mais aussi confiance en soi pour aller de lʼavant.

Janowsky et al (1974)  explique que la patient maniaque essaie de créer la révolte ou la confusion au sein des patients ou des médecins et personnels soignants dans les hôpitaux (Kraeplin faisait la même remarque)

Anthony Storr a décrit avec beaucoup de finesse les "défenses maniaques" de Winston Churchill, lequel n’aurait "jamais inspiré une nation s’il avait été stable". Sa stratégie, la même que Burton, lʼauteur de lʼAnatomie de la mélancolie, était celle de ne jamais s’arrêter, ne pas se relaxer pour ne pas penser à sa dépression : peindre, écrire, combattre, faire de la politique, etc... Ce n’est quʼà la fin de sa vie que sa dépression ("Black dog")  a vaincu Churchill. Storr explique quʼil compensait ses doutes par de la bravoure et une volonté de fer. Toute sa vie, il a voulu être admiré et aimé pour compenser son manque de confiance en lui. Sa défense a donc été efficace.

Pour les cyclothymiques à tendance hyperthymique, leur "hypomanie" est un "doubtful blessing" car lʼénergie et lʼoptimisme peuvent masquer parfois la vraie souffrance ou la pathologie...

Cependant, et comme nous lʼavons souligné avec Elie Hantouche dans notre livre "Cyclothymie, pour le pire et pour le meilleur", il n’y pas de créativité (de santé mentale ?) sans une force de lʼego, une confiance en soi parfois hors du commun même si elle sʼaccompagne paradoxalement dʼune dépression ou de doutes. C’est cette lutte entre les deux pôles qui génèrent la tension créatrice et si la mélancolie prévaut, le sujet ne crée plus.

Je ne peux quʼinsister sur le fait que vivre avec sa cyclothymie chronique ne peut devenir acceptable que si elle sʼaccompagne dʼune véritable acceptation de cette nature et de lʼassurance que lʼexistence est linéaire pour certains et cycliques pour dʼautres. A chacun son rythme et son chemin. Cette différence ne devrait altérer notre confiance en nous-mêmes même si elle génère une certaine douleur qui finalement nous redonne à chaque moment le goût, retrouvé et donc précieux, de la vie.
 


30/04/2013
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