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Définition
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Etiopathogénie
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Accès maniaques
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Accès mélancoliques
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Prévention des accès maniaques ou dépressifs
I - Définition
La psychose maniaco-dépressive est une maladie mentale caractérisée par des dérèglements de l'humeur, qui évolue par accès se détachant plus ou moins franchement les uns des autres et de l'état normal.
C'est la succession chez le même patient d'accès maniaques et d'accès dépressifs. Le patient peut retrouver son état normal dans l'intervalle qui sépare les différents accès.
Ces deux états peuvent se reproduire régulièrement suivant un rythme cyclique très visible (en moyenne de 6 mois à 2 ans).
On parle de psychose à propos de cette affection psychiatrique car durant les accès :
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le patient n'a pas conscience du caractère pathologique des troubles ;
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il existe une altération du contact avec la réalité ;
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il est fréquent d'observer des idées délirantes soit à thématique mégalomaniaque (dans l'accès maniaque), soit à thématique dépressive avec idées délirantes d'incurabilité, d'indignité, et une forte culpabilité. (dans les accès mélancoliques).
De plus en plus on utilise le terme de troubles bipolaires à la place de psychose maniaco-dépressive. (cf. cours sur les troubles de l'humeur)
II - Etiopathogénie
II.1 Étude génétique
Environ 1% de la population avec des prédispositions génétiques importantes.
Risque élevé dans 15 à 25 % quand quelqu'un est déjà atteint dans la famille.
Pour de vrais jumeaux : 70 %.
II.2 Classification
II.2.1 Formes bipolaires
Accès maniaque (II.2.1.A)+ accès dépressif ou mélancolique(II.2.1.B)
Souvent il y a un début précoce (avant 30 ans).
L'hérédité est encore plus importante.
Le lithium est particulièrement efficace.
L'évolution est sévère.
II.2.2 Formes unipolaires
Accès dépressif mais sans accès maniaque.
Début plus tardif (40 à 60 ans).
Cela touche plus les femmes que les hommes.
Les facteurs héréditaires sont importants.
Le lithium est efficace.
II.2.1.A - Accès maniaques
a) Mode de début.
Soit brutal.
Soit progressif.
Un même patient rechute toujours avec les mêmes symptômes.
b) Période d'état.
Excitation évidente. Le patient est jovial, volubile (mimiques expressives).
Tenue voyante.
Son lieu de vie est dans le désordre le plus complet.
Il a un contact très familier avec tout le monde mais très superficiel.
Il plaisante beaucoup, est très à l'aise en toutes circonstances.
Il ne tient pas en place. En entretien, plus cela se prolonge, plus l'excitation augmente et plus la pensée est désordonnée.
Troubles de l'humeur, de la vie intellectuelle.
Excitation euphorique de l'humeur.
Le sujet a l'impression de vivre intensément. Il se sent infatigable et il l'est. Tout Lui semble familier, rien ne l'intimide. Tout est perçu avec ravissement.
Il échafaude des projets grandioses et se voit capable de tout entreprendre et de tout réussir.
Versatilité de l'humeur.
Il a des moments d'impatience, d'irritabilité pour la moindre contrariété au milieu de l'exaltation.
Il peut passer du rire aux larmes, de l'inconscience au découragement.
Désordre intellectuel.
Relâchement des censures morales et sociales : il mange sans retenue, a des rapports sexuels répétés, peut déclencher des propos orduriers. Il peut aussi entraîner des incidents (tapage nocturne, scandale sur la voie publique, attentat à la pudeur).
Troubles de l'idéation.
La pensée maniaque est concrétisée par le désordre, la précipitation, l'improductivité. l'imagination est débordante.
Une fuite des idées. Des souvenirs resurgissent en désordre. Les idées s'enchaînent sans aucune cohérence. Il fait des jeux de mots. Cela se traduit par des logorrhées.
Troubles de l'activité.
Il se manifeste par une hyper-activité par des lettres, des démarches, des achats inconsidérés, une agitation constante. Il gesticule en permanence, il déambule, il manipule des objets avec un caractère ludique.
Symptômes somatiques.
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L'insomnie.
Le plus important.
C'est souvent le premier symptôme à apparaître. Elle est constante, rebelle aux hypnotiques. C'est également le dernier symptôme à disparaître.
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Augmentation de la faim et de la soif.
Le patient ne grossit pas car il est hyper-actif.
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Aménorrhées.
Pendant la crise.
Formes cliniques.
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Accès hypomaniaque.
C'est l'accès mineur d'un accès maniaque.
La symptomatologie est la même mais plus atténuée. Il y a quand même des complications (conflit familial, problèmes professionnels, matériels).
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Etats mixtes.
C'est l'association de symptômes maniaques et dépressifs.
c) Diagnostic différentiel.
Les ivresses excitatrices.
Toutes les ivresses peuvent entraîner un tableau d'allure maniaque mais se sera de courte durée.
La schizophrénie.
Le syndrome frontal.
Atteinte du lobe frontal du cerveau.
Une origine médicamenteuse.
Corticoïdes, dopamine.
d) Le traitement.
Sans traitement, il y a une évolution spontanée en 5 à 6 mois.
Avec un traitement, la guérison se fait en un mois maximum avec une amélioration progressive.
Chimiothérapie.
Les neuroleptiques à forte dose. Traitement per os ou en intramusculaire si le patient refuse.
La fabulation délirante va diminuer, ainsi que l'excitation, la logorrhée et l'hyper-activité.
On diminue progressivement la dose de neuroleptiques et on poursuit le traitement pendant plusieurs mois.
e) Hospitalisation.
Il faut hospitaliser l'accès maniaque et si besoin en hospitalisation à la demande d'un tiers. (voir cours sur la législation en psychiatrie)
f) La sauvegarde de justice.
(voir également le cours sur la législation en psychiatrie)
Pour le protéger au niveau des biens.
Durée de deux mois renouvelables.
Ensuite c'est une demande de tutelle ou de curatelle.
II.2.1.B - Accès mélancoliques
a) mode de début.
Il est souvent progressif.
Le premier signe est la fatigue et l'insomnie. Puis après quelques semaines ou quelques mois il apparaît un sentiment d'incapacité et de dépréciation.
Une difficulté à s'intéresser à ses proches, à ses loisirs habituels.
Dans 25 % des cas on retrouve une cause déclenchante.
Dans certains cas, à l'accès mélancolique succède l'accès maniaque.
b) La période d'état.
Il a un visage terreux, une hypomine, des yeux fixes et l'activité est réduite au minimum.
Humeur dépressive.
Quand le patient parle, il a un sentiment de tristesse importante, d'abattement, de désespoir, de découragement.
Il a une douleur morale quand le sentiment de tristesse est très intense.
Parfois cette humeur dépressive est remplacée par :
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La dysphorrhée. C'est une humeur nuisible et incessible avec des colères agressives.
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L'anédonie. c'est un sentiment de lassitude, de désintérêt général, d'émoussement affectif. Le sujet n'éprouve plus de plaisir.
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L'hyperthymie. C'est une hypersensibilité à des évènements sans aucune importance et à certaines émotions tendres. Elle prédomine au réveil puis s'atténue en fin de journée.
Globalement le sujet a perdu toute capacité d'effort et d'initiative. il est totalement passif. Il y a un laisser aller général.
Ralentissement psychomoteur.
Ralentissement moteur.
Tout est lent chez le sujet. Il traîne le pas, le corps est affaissé, les gestes sont lents. Il parle très peu d'une voix monocorde, affaiblie. Sa mimique est très pauvre et son expression est très lente.
Ralentissement psychique.
La pensée est appauvrie et laborieuse. Le patient parle toujours des mêmes choses. Les pensées n'ont pas de souplesse, de fluidité. La pensée est fatiguée.
Il y a une baisse de l'attention, de la mémoire.
Le sujet s'en plaint de façon disproportionnée. C'est la mémoire à certain terme qui est touchée.
Distorsion de la pensée.
La pensée dépressive est caractérisée par l'infériorité, la déchéance, l'échec, l'impuissance, l'auto-dépréciation, le pessimisme, le désespoir.
Le sujet n'arrive pas à se débarrasser de ses pensées. Il y a un trouble du jugement qui va l'empêcher de voir le caractère excessif de toutes ses plaintes.
Il va y avoir une auto-dévaluation permanente, une auto-dépréciation sur ses capacités intellectuelles, sur ses rapports avec sa famille. Cette culpabilité entraîne des auto-accusations.
Perte de tout espoir de guérison. La vision de l'avenir est modifiée. Sa vision du monde est déformée. Il se sent menacé, incompris, maltraité par son entourage. Ce sentiment se développe au niveau du corps avec des plaintes hypochondriaques.
Conduite suicidaire.
Le sujet s'interroge sur l'intérêt qu'il a à vivre.
Il va se dire qu'il éprouverait un soulagement à l'idée de mourir.
Il s'accuse souvent de manquer de courage pour passer à l'acte.
Il y a une volonté manifeste de se donner la mort.
Ces 4 stades peuvent être très rapides.
Anxiété.
Quasiment constante.
Signes psychiques.
Ils sont constants et très précoces. Ils peuvent précéder les autres symptômes.
Asthénie. Le plus fréquent des symptômes.
Troubles du sommeil. Très fréquents, de plusieurs types (insomnie d'endormissement, du milieu de nuit, de fin de nuit).
Appétit. Le plus souvent il y a une anorexie (cela peut aller du désintérêt alimentaire à l'anorexie). Il y a parfois une hyperphagie.
Troubles sexuels. C'est très fréquent et souvent dissimulés (baisse de la libido jusqu'à un dégoût de la sexualité).
Signes digestifs (sensation de lenteur digestive).
Signes urinaires (dysurie).
Tachycardie.
Hypertension artérielle.
Formes cliniques.
Mélancolie simple.
Forme mineure très fréquente où les symptômes sont atténués.
On retrouve une asthénie, une insomnie et une baisse de l'activité.
Le sujet s'isole.
Mélancolie stuporeuse.
Le retentissement psychomoteur est maximum avec un patient figé, mutique et immobile.
Mélancolie agitée ou anxieuse.
L'angoisse est au premier plan avec beaucoup de signes psychiques. Parfois il y a un débordement émotionnel.
Mélancolie délirante.
Délire alimenté par des interprétations et parfois des hallucinations.
Délire ayant une tonalité dépressive avec une adhésion totale.
Plusieurs thèmes : idée de culpabilité, d'indignité, idée de deuil et de ruine, idée hypochondriaque avec la certitude d'avoir une maladie mortelle.
Dépression marquée.
Dépression dissimulée par des signes psychiques qui sont surtout l'insomnie et la fatigue.
c) Diagnostic.
Il est parfois difficile à faire.
Disproportion entre les symptômes et les conséquences sur l'état général.
Tonalité pessimiste.
Chercher les troubles du sommeil.
Prédominance matinale des troubles.
Antécédent dépressif.
d) Traitement.
Sans un traitement l'évolution se fait vers la guérison en 6 à 7 mois en moyenne.
Avec un traitement la guérison se fait en un mois si le traitement antidépresseur est efficace. L'amélioration est progressive avec une reprise de l'activité et de l'appétit et par la suite le rétablissement du sommeil et une reprise de poids.
Il faut toujours se méfier des améliorations incomplètes.
Le traitement devra être poursuivi pendant plusieurs mois.
Traitement médicamenteux.
Les antidépresseurs tricycliques (anafranil, laroxyl).
Contres indications : glaucome, hypertrophie prostatique, troubles du rythme et de la conduction (infarctus du myocarde récent, insuffisance cardiaque décompensée), épilepsie.
Effets indésirables : Les antidépresseurs ont des propriétés anticholinergiques et peuvent entraîner une sécheresse de la bouche, une constipation, des troubles de l'accommodation visuelle.
Les antidépresseurs entraînent également une hypotension orthostatique, des troubles de la conduction cardiaque. Un bilan cardiovasculaire avec entre autre un ECG est nécessaire.
Les antidépresseurs peuvent également provoquer, insomnie, agitation, crise anxieuse, somnolence.
Les IMAO. (inhibiteurs de la monoamine oxidase)
Ce sont des antidépresseurs très difficiles à utiliser du fait de son régime alimentaire associé très contraignant et de ses nombreuses interactions médicamenteuses. Ils sont donc très rarement prescrits.
Autres antidépresseurs.
Les antidépresseurs non tricycliques et non IMAO ont des profils différents. Ils ont pour intérêt de ne pas présenter les effets secondaires des tricycliques et peuvent ainsi plus facilement être prescrit pour les personnes agées, les patients cardiaques, ou atteint de glaucome ou d'adénome de prostate.
Sismothérapie. (cf. cours sur l'électroconvulsivothérapie)
Psychothérapie.
Psychothérapie de soutien : dédramatiser et expliquer le traitement.
e) L'hospitalisation.
Elle n'est pas systématique. Il y a plusieurs critères.
Risque de suicide. Dépression morale intense, anxiété intense, insomnie très importante, formulation d'un désir de suicide très concret, présence d'idées délirantes, surtout si auto-accusation, antécédents suicidaires personnels, quand l'entourage est défavorable, solitude, cadre de vie difficile.
Autres. Le danger pour les autres, altération de l'état général, décompensation d'une maladie, autre pathologie psychique associée, pour une prescription d'un traitement en intraveineux, si mauvaise observance du traitement, surveillance des contres-indications particulières, devant une inefficacité du traitement antidépresseur, pour une sismothérapie.
III - Prévention des accès maniaques ou dépressifs
Traitement thymorégulateur (baisse de la fréquence et intensité des rechutes).
1. Les sels de lithium.
Efficace dans 70 % des cas. Plus efficaces chez les bipolaires que chez les unipolaires.
Contres indications.
Absolues : toutes les crises d'hyponatrémie (régime sans sel, traitement diurétique, corticoïdes), insuffisance rénale, insuffisance cardiaque et trouble du rythme, grossesse, allaitement.
Relatives : insuffisance rénale modérée, insuffisance cardiaque modérée, hypothyroïdie.
Interaction médicamenteuse aux diurétiques.
Bilan pré-thérapeutique.
Fonction rénale (urée, créatinine, protéinurie).
Bilan ionique pour l'hyponatrémie.
Bilan cardiaque.
Bilan thyroïdien.
Bilan neurologique.
Bilan gynécologique.
Surveillance.
Surveillance de la lithiémie dans les 3 mois.
Surveillance des troubles digestifs, polyurie, polydipsie, prise de poids, tremblement des doigts, problèmes thyroïdiens, baisse de la libido.
Surdosage.
Fièvre, diarrhées importantes, augmentation des tremblements, somnolence, vertiges, maladresse due aux mouvements, faiblesse musculaire, coma.
Arrêt du traitement.
2. Les autres normothymiques
Il existe d'autres normothymiques, prescrit d'entrée ou en cas d'intolérance de contre indications ou d'inefficacité du lithium. Nous avons le tégrétol, dépamide, dépakine, dépakote. Un dosage sanguin doit permettre de pouvoir réguler la posologie et rester ainsi dans la zone d'efficacité.
Olivier GUILLOU
Infirmier en secteur psychiatrique
Responsable psychiatrie sur Infirmiers.com