Dépressions, maniaco-dépressions : maladies méconnues - Partie 1
1. Dépressions, maladies maniaco-dépressives : portraits de maladies méconnues
Par le docteur Christian Gay,
Service de santé mentale et de thérapeutique de l’Hôpital Sainte-Anne à Paris.
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La maladie maniaco-dépressive, dénommée aujourd’hui trouble bipolaire est fréquente. Elle touche à peu près 1,5 % de la population. Certaines catégories sociales, comme les journalistes, les médecins, les avocats, les créatifs… en résumé toutes les activités professionnelles souvent confrontées à des situations de stress, sont plus touchées que d’autres. Jusqu’à 10 % de personnes dans certains milieux peuvent être touchés par cette maladie. Mais le chiffre à retenir est 1,5 %, c’est celui qui concerne la population générale.
Lorsqu’on évoque la notion de spectre bipolaire, on fait référence à différents troubles de l’humeur, que ce soit les troubles maniaco-dépressifs et cyclothymiques, les tempéraments… On arrive dans ce cas facilement à atteindre un chiffre de 6 ou 8 % de la population.
Une maladie grave
C’est une maladie qui fait souffrir considérablement le sujet atteint. Cette souffrance est partagée par l’entourage : le conjoint, les enfants et les parents souffrent considérablement de voir quelqu’un dans un état de détresse ou qui a des comportements incompréhensibles. C’est une maladie responsable d’une désinsertion sociale, familiale, professionnelle importante.
C’est une maladie coûteuse. D’après les données actuelles, qui viennent des pays anglo-saxons, le coût direct et indirect de cette maladie se chiffre en dizaines de milliards de dollars.
En outre, la mortalité chez les patients non-traités est trois fois plus élevée que dans la population générale du fait de conduites suicidaires, de conduites à risques des personnes en phase d’excitation et de pathologies cardio-vasculaires plus fréquentes.
C’est une maladie qui a une incidence médico-légale. De nombreux maniaco-dépressifs s’exposent à la loi et à la justice et se retrouvent poursuivis pour toutes sortes de crimes et délits. La majorité des délits sont commis avant que le diagnostic n’ait été posé. Il est important de savoir que sous traitement, le taux de mortalité se normalise et devient inférieur à celui de la population générale, que les traitements médicamenteux et psychothérapeutiques permettent de contrôler ce trouble et la souffrance qu’elle engendre et que les conséquences de la maladie deviennent maîtrisables.
Des difficultés de diagnostic et de traitement
Cette maladie a priori est facile à diagnostiquer, avec ses phases de "haut" où la personne est très en forme, et ses phases de "bas" où elle se sent triste, ralentie, amortie, éteinte, fatiguée. Pourtant elle est diagnostiquée tardivement, après 7 ans d’évolution en moyenne.
> Le diagnostic : nous avons tous des fluctuations d’humeur. Quelle est la différence entre la tristesse et la dépression, la joie et l’excitation maniaque ? Trois éléments permettent de faire le diagnostic : l’intensité des symptômes, leur durée et leurs conséquences invalidantes permettent d’établir le diagnostic.
> Le traitement : comme pour beaucoup de maladies, en psychiatrie, un patient sur deux prend correctement son traitement. Les patients ne sont pas informés sur les conséquences et les risques du non-traitement de la maladie. Dès qu’ils vont mieux, ils l’arrêtent ce qui entraîne très souvent un phénomène de rebond, et de nouveau ils se retrouvent dans un cercle infernal.
Cette maladie est perçue comme complexe ayant plusieurs déterminants.
La prise en charge tient compte des différents déterminants : thérapeutique médicamenteuse, psychothérapie, thérapie comportementale, psycho-éducation, respect des règles d’hygiène de vie. De même, il existe fréquemment des troubles associés : anxiété généralisée, troubles paniques et obsessionnels, troubles de conduite alimentaire, notamment les boulimies, consommation d’alcool et de toxiques, qui sont des facteurs d’aggravation et qui justifient parallèlement une prise en charge spécifique.
Une maladie avec plusieurs phases
Le patient fonctionne avec des "hauts" et des "bas".
> Dans la phase de haut, il est dans un état d’euphorie pathologique, d’optimisme démesuré, ayant la sensation d’être très intelligent : « il est champion du monde ». La pensée fuse, à tel point que, par moments, il y a une fuite des idées tellement elles vont vite et partent dans tous les sens. S’ajoute aussi un état de désinhibition, avec des dépenses d’argent inconsidérées, des conduites sexuelles excessives, des troubles du sommeil. Le patient n’a pas de besoin de dormir, il n’est pas fatigué et a mille projets à réaliser.
> Brutalement, ce patient va se retrouver dans l’état opposé, de tristesse, de mal être, accompagné d’un ressenti très pénible, le sentiment d’être nul, une perte d’estime de soi, une dévalorisation, un sentiment d’inutilité, une culpabilisation, une incapacité à se projeter dans un futur. Cette souffrance est abominable et s’accompagne d’autres symptômes, pensée ralentie, efforts surhumains pour se concentrer, fixer son attention, se souvenir, troubles du sommeil, perte de l’appétit, grande fatigue, état d’aboulie (perte de la volonté) et désintérêt pour tout.
> Entre ces phases d’excitation et ces phases de dépression se placent des intervalles libres. Le patient a un niveau de fonctionnement normal, même s’il garde en mémoire cet état de fragilisation. Beaucoup de maniaco-dépressifs ne sont jamais véritablement «bien» : ils ont toujours cette peur de la rechute et conservent des séquelles post-dépressives et maniaques.
Les différentes modalités évolutives
Ces modalités correspondent à différents modes d’expression de la maladie.
> Il y a d’abord des formes d’excitation atténuées : on n’est pas “champion du monde”, on est deuxième ou troisième sur le podium. Ces formes d’excitation modérée sont compatibles avec une vie normale, mais la personne s’épuise tout de même : il existe une réduction du temps de sommeil, des projets multiples, une hyperactivité, des facilités de contact...
> Ensuite des formes délirantes. Ce matin, une patiente me disait qu’il y a 7 ans s’étant prise pour le messie, elle avait enterré du miel dans son jardin. Persuadée que le miel était radioactif du fait des abeilles qui venaient de Tchernobyl, elle ne voulait pas contaminer des gens. Elle n’en a parlé à personne, elle ne m’en avait jamais parlé : j’ai mis 7 ans avant de poser le diagnostic correct.
> Des formes mono-symptomatiques : un seul symptôme au premier plan. Ces sujets vont présenter des troubles obsessionnels récurrents avec des intervalles libres et ou d’autres types de manifestation qui masquent l’état de dépression et d’excitation.
Certaines formes de la maladie évoluent en fonction des saisons, d’autres évoluent très vite avec plusieurs cycles au cours d’une année. On trouve des formes mixtes avec une intrication d’excitation et de dépression. Le diagnostic est alors plus difficile à poser et s’oriente souvent vers des pathologies comme la schizophrénie. Ces troubles sont beaucoup plus difficiles à traiter.
Quand les malades sont sous antidépresseurs, cela peut aggraver l’excitation et lorsqu’ils sont mis sous neuroleptiques, cela peut favoriser l’apparition de la dépression. Il y a aussi des formes qui ont une évolution complètement indéterminée, allant dans tous les sens.
> Enfin, il existe une forme très particulière, qu’on appelle circulaire ou rémittente, c’est-à-dire, sans intervalles libres. Ce sont des sujets qui ne sont jamais “ bien ”. Ils sont soit “ champions du monde ” soit "nuls" et sans phases intermédiaires, sans répit. C’est très épuisant pour eux mais aussi pour la famille.
2. Comment en sortir ? Médicaments, psychothérapie… La prise en charge des troubles bipolaires
Par le Dr Chantal Henry,
Département de psychiatrie adulte, Hôpital Charles Perrens, Bordeaux.
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Les troubles bipolaires sont méconnus avec des conséquences parfois dramatiques : il y a un risque de désinsertion familiale, sociale et professionnelle chez les patients non traités et 19 % d’entre eux décèdent par suicide. Il est nécessaire de développer des réseaux spécifiques pour améliorer la prise en charge des patients en travaillant sur la prévention, en développant les soins spécialisés, en formant les médecins, en informant les patients et en participant à l’effort de recherche.
Comment organiser et concevoir la prévention et les soins ?
> Il est nécessaire de développer des consultations de dépistage. Ces consultations auraient pour but notamment de chercher des facteurs de risque de pathologie récurrente chez des patients présentant une première dépression. Ces consultations auraient également pour but de faire du dépistage chez les apparentés de patients souffrant de troubles bipolaires. En effet, lorsqu’un patient souffre de troubles bipolaires, il y a plus de risques de développer cette pathologie au sein de la famille. Les consultations de dépistage pourraient recevoir les familles et expliquer les stratégies de prévention.
> Il faudrait aussi, évidemment, des consultations spécialisées afin de développer des stratégies de bilan et d’aide au diagnostic. Ceci permet de constituer des réseaux avec des psychiatres libéraux ou des médecins généralistes qui ont besoin parfois d’un avis mais peuvent participer à la prise en charge des patients et de leurs familles. Ces consultations sont des aides au diagnostic, à la mise en place et aux ajustements éventuels du traitement. Les traitements médicamenteux ont évolué, de nouvelles stratégies se sont développées et de nouvelles molécules sortent actuellement sur le marché. Le médecin généraliste ne saura peut-être pas utiliser les nouvelles molécules en fonction des différentes formes cliniques de la maladie. Il est donc très important de pouvoir donner un avis, des conduites générales à suivre et de réévaluer les patients de temps en temps. Au sein de ces consultations il est aussi important de pouvoir proposer des approches pédagogiques mais également des thérapies brèves par exemple de type cognitivo-comportemental. En effet, 20 à 40 % des patients atteints de troubles bipolaires présentent des troubles anxieux associés et ces troubles peuvent bénéficier de ce type de thérapies. D’autre part, on peut également développer des techniques de gestion du stress dont on sait qu’il occasionne bon nombre de rechutes chez les patients bipolaires.
> Il est nécessaire de créer des unités de soins spécialisés. En France, on est hospitalisé en fonction du lieu où l’on habite dans des unités de soins mixtes où l’on rencontre toutes les pathologies. Dans de nombreux pays, des unités de soins spécialisées regroupent les patients par pathologie pour leur proposer un soin plus spécifique, reposant sur des équipes soignantes ayant acquis des compétences spécifiques dans ce domaine. Lors de l’hospitalisation, l’équipe a un travail d’accompagnement à faire auprès du patient pour l’aider à repérer ses troubles et le soutenir. Les infirmiers sont souvent totalement débordés en France, car ils ont à gérer des pathologies multiples et ne peuvent pas réellement faire ce travail d’accompagnement essentiel pour la résolution rapide des troubles et une meilleure compréhension de la pathologie par le patient.
Des réseaux de ce type permettraient aussi de répondre à la mission du service public de proposer des soins spécialisés au niveau de la région. Dans toutes les spécialités médicales, le CHU régional constitue a priori un pôle de référence. Ce n’est pas le cas en psychiatrie qui doit s’harmoniser avec les autres spécialités médicales.
Quels sont les traitements ?
Ils reposent sur le traitement des accès aigus et sur la prévention des rechutes. Si les traitements médicamenteux sont essentiels, il est indispensable de proposer une aide psychologique et éducative adaptée au patient et à son entourage immédiat.
> Traitement des accès dépressifs
Les caractéristiques de l’accès dépressif vont guider la conduite à tenir en premier lieu et déterminer la nécessité (ou pas) d’une hospitalisation. Celle-ci se justifiera lors de la présence d’éléments psychotiques (idées délirantes ou hallucinations) et/ou d’un risque suicidaire. Les recommandations actuelles faisant l’objet d’un consensus préconisent en première intention diverses stratégies en fonction de la symptomatologie. En l’absence d’éléments psychotiques, l’association d’un régulateur de l’humeur et d’un antidépresseur s’avère représenter le traitement de choix.
> Traitement des accès maniaques, hypomaniaques ou mixtes
L'accès maniaque justifie la plupart du temps une hospitalisation qui pourra, comme pour l'épisode dépressif, s'effectuer de façon contrainte afin de protéger le patient des actes dommageables que peut engendrer son état. Il conviendra également d'évaluer la nécessité de mesures de protection, au premier rang desquelles figure la sauvegarde de justice si l'on suspecte des dépenses inconsidérées ou tout acte contraire aux intérêts personnels du patient. L'entretien s'attachera à retrouver la prise de produits susceptibles de favoriser l'émergence de cet état, tels que les antidépresseurs, les corticoïdes ou les psychostimulants.
Le lithium et les anticonvulsivants, qui constituent les traitements régulateurs de l’humeur ou thymorégulateurs, sont également les traitements de choix des accès maniaques et peuvent être associés à des neuroleptiques en cas d'agitation importante et d'insomnie majeure. Tandis que l'évolution spontanée des accès maniaques vers la guérison nécessiterait en moyenne 4 à 6 mois, un traitement adéquat permet d'obtenir le retour à une humeur adaptée au bout de 4 à 6 semaines. Il est alors nécessaire de s'assurer de l’acceptation et du suivi régulier des soins prodigués. Cela nécessite d'une part une bonne connaissance de la part du patient de sa pathologie et des symptômes avant-coureurs des accès, d'autre part une alliance thérapeutique avec le psychiatre.
> Traitement préventif des rechutes
Les troubles bipolaires étant caractérisés par leur récurrence, le risque de récidive justifie la mise en oeuvre d'un traitement prophylactique (préventif). A l'heure actuelle, il est admis que ce traitement peut être débuté dès le premier épisode maniaque ou mixte. Il repose essentiellement sur les thymorégulateurs.
Dans la mesure où il s'agit d'un traitement préventif, la prescription de thymorégulateur peut se concevoir comme un traitement à vie. En cas de souhait de la part du patient d'interrompre le traitement, il importe de l'informer sur le risque important de rechutes (50% de rechutes à trois mois en cas d'arrêt brutal). Lorsque les effets secondaires sont trop importants, on peut proposer une réduction de la posologie ou un changement de thymorégulateur. Ici encore, l’acceptation du traitement et son suivi régulier seront meilleurs si le patient a une bonne connaissance de son trouble, si le traitement est efficace et les effets secondaires contrôlés.
> Prise en charge psychologique
Au-delà du traitement médicamenteux, il est donc indispensable d’apporter au patient et à son entourage un soutien pédagogique et psychologique. En effet, le patient devra apprendre à gérer sa vulnérabilité. A cette fin, il est nécessaire qu’il connaisse parfaitement son trouble et qu’il puisse repérer une symptomatologie atténuée annonçant une éventuelle décompensation. Assortie d’une bonne alliance thérapeutique avec le médecin ou psychiatre, il devient alors possible de contrôler la plupart des fluctuations thymiques en ambulatoire et d’éviter le recours aux hospitalisations. La famille proche sera également sensibilisée au repérage des signes annonciateurs d’accès maniaques ou dépressifs.
Le respect de certaines règles hygiéno-diététiques telles que la régularité du temps de sommeil, l’évitement de périodes de surmenage et le contrôle de la prise d’alcool et de toxiques, favoriseront une bonne évolution de la maladie. La gestion des évènements de vie stressants s’appuiera sur le renforcement momentané du soutien psychologique. Enfin, certains patients pourront bénéficier de la mise en oeuvre de psychothérapies plus structurées.
Formation et information des professionnels, des patients et de leurs familles
> En premier lieu, il faut informer les professionnels de la santé. Les médecins généralistes sont en première ligne pour établir le diagnostic ou orienter le patient vers un spécialiste. Les psychiatres eux-mêmes ont parfois besoin d’un avis spécialisé tellement cette pathologie est hétérogène. Enfin, les psychologues pourraient avoir une part très active pour l’éducation des patients et de leur entourage sur la maladie maniaco-dépressive.
Il est en effet essentiel d’informer les patients et leurs familles à travers des groupes d’information et de soutien, qui sont nés des recommandations internationales. Il y a actuellement très peu de groupes d’informations en France, Christian Gay en anime un à Sainte Anne à Paris et j’anime un autre groupe à Bordeaux. Il paraît essentiel de développer de tels groupes en France afin que tous les patients et leur famille puissent y avoir accès. Ce sont des groupes de discussion au cours desquels on donne une information structurée. Les différents symptômes sont passés en revue : on parle de la manie, de la dépression, du traitement pour que les patients apprennent à reconnaître leur pathologie. Les familles sont également informées pour mieux gérer et soutenir le patient.
Les patients doivent aussi se mobiliser pour dire qu’ils existent et dénoncer ces manques en France. Actuellement, chacun devrait pouvoir localiser sur un site Internet l’association de patients la plus proche. On sait aujourd’hui que les programmes psycho-éducatifs pour les patients et leurs familles ont une forte incidence sur la baisse des rechutes des patients bipolaires.
La recherche clinique
Il est important également d’améliorer la recherche clinique sur ces maladies en France. Cela permettra d’améliorer les stratégies thérapeutiques par une meilleure définition des troubles qui tiendra compte de leur diversité clinique. Cela permettra aussi une meilleure compréhension des mécanismes biologiques en cause dans cette pathologie et des facteurs environnementaux qui favorisent son émergence et les rechutes.
Pour cela, des unités spécialisées devront participer à des activités de recherche afin de continuer à proposer un soin spécialisé et diffuser largement les résultats de ces recherches dans chaque région.
Ces unités contribueront aussi à tisser un réseau repérable pouvant proposer de la prévention, des consultations spécialisées, dispenser des formations et de l’information, en lien avec les associations de patients et de familles, et également participer à des programmes de recherche.
Ces réseaux doivent être créés en France pour favoriser l’accès aux soins et développer la prévention sur une pathologie qui a une forte mortalité et morbidité. Il s’agit aussi de lutter contre la stigmatisation des troubles psychiatriques - ce type de rencontre y contribue également - et de renforcer les droits des malades. Améliorer la qualité de la prise en charge contribuerait à diminuer la souffrance des patients et des familles ainsi que le coût direct et indirect de cette maladie pour la société. Il s’agit, enfin, de préserver d’autres richesses : la bipolarité est associée à une certaine créativité, mais son expression en est compromise si les patients ne sont pas bien stabilisés.
3. Quelles sont les voies de recherche actuelles ?
Par le professeur Marion Leboyer,
Service de psychiatrie adulte,
Hôpitaux Albert Chenevier et Henri-Mondor, Créteil.
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Les troubles bipolaires sont des maladies fréquentes, qui touchent 1,5 % de la population, soit 500 000 français. Ce sont des maladies chroniques, invalidantes et coûteuses qui figurent parmi les 10 premières maladies génératrices de handicaps et de coûts socio-économiques et leurs causes sont complexes.
Il est essentiel de développer en France la recherche en psychiatrie et l’information sur la maladie, sur les réseaux de soins, les résultats thérapeutiques et les résultats de cette recherche. Il s’agit d’aller plus facilement voir le généraliste ou le psychiatre pour éviter des situations difficiles qui sont la conséquence d’une information insuffisante.
Nous annonçons la naissance d’une nouvelle association, PARI (Psychiatrie : Agir Pour la Recherche et l’Information) qui va réunir l’ensemble des associations de malades pour l’ensemble des pathologies psychiatriques afin de développer l’information pour le grand public et de soutenir la recherche sur les maladies psychiatriques. Un site Internet sera créé, le plus didactique et le plus simple possible, sur lequel vous pourrez trouver les informations, les adresses des centres experts, les outils du diagnostic, les outils du traitement, les adresses des associations, les calendriers des manifestations, etc. L’association a aussi pour objectif de soutenir la recherche insuffisamment développée dans ce pays alors qu’il s’agit de pathologies extrêmement graves et invalidantes.
Quels sont les outils qui permettent de comprendre et de rechercher les mécanismes de ces maladies ?
> L’outil épidémiologique cherche à décrire la fréquence des pathologies psychiatriques ainsi que les facteurs environnementaux déclenchants.
> Les outils pharmacologiques comprennent le développement et l’étude de l’action des médicaments.
> L’imagerie cérébrale fait des progrès considérables et permet de mieux connaître les régions du cerveau impliquées dans les symptômes présents dans les différentes pathologies psychiatriques. On sait maintenant que, dans la dépression, il y a un hypo-fonctionnement dans la région préfrontale gauche du cerveau.
> La génétique, elle, a pour but l’identification des facteurs de vulnérabilité génétique en cause dans les troubles bipolaires.
A quoi sert la psychiatrie génétique ?
> La mise en évidence de facteurs génétiques, prouvant l’existence d’une base biologique pour les maladies psychiatriques, permet de modifier la perception sociale de ces maladies. Il s’agit d’une maladie comme les autres, avec un terrain biologique, et qui se traite avec des médicaments.
> Les progrès de la recherche clinique sont indispensables pour utiliser au mieux l’outil génétique. Nous sommes, en effet, en train d’identifier les différentes formes cliniques de la MMD : on ne parle plus de la maladie maniaco-dépressive mais de troubles bipolaires, des troubles très hétérogènes. Cela nécessite donc d’identifier les différentes formes cliniques, mais aussi d’améliorer les diagnostics.
> La psychiatrie génétique permettra, à moyen ou à long terme, de comprendre les mécanismes génétiques et neurobiologiques qui sous-tendent cette maladie et de développer de nouveaux traitements de plus en plus ciblés.
Quels arguments en faveur d’un terrain génétique dans la maladie maniaco-dépressive ?
Si on compare la fréquence de cette maladie dans la population générale (1/100) et au sein d’une fratrie dont un membre est atteint de maladie maniaco-dépressive (10/100), le risque est multiplié par 10. Cela signifie que des facteurs familiaux entrent en jeux dans le développement de cette maladie. Le poids des facteurs familiaux existe donc bien, mais il est faible. Cependant, si on compare cette augmentation du risque de MMD au sein d’une fratrie avec l’augmentation du risque observée pour d’autres maladies, on observe que les chiffres sont voisins de ceux observés dans les maladies à hérédité complexe comme par exemple, le diabète de type I.
Autre stratégie de recherche, les études de jumeaux. Cette stratégie permet de comparer la ressemblance, pour la maladie étudiée, entre des jumeaux dizygotes (qui se ressemblent comme frères et soeurs et ont 50 % de gênes en commun, appelés aussi « faux jumeaux ») et des jumeaux monozygotes (qui ont 100 % de leurs gènes en commun, « vrais jumeaux »). L’ensemble des études faites pour les troubles bipolaires a trouvé une concordance de 69 % pour les jumeaux monozygotes, et de 13 % pour les jumeaux dizygotes. L’augmentation du risque familial est donc pour partie seulement expliquée par des facteurs génétiques, mais pas exclusivement, puisque deux personnes qui ont exactement le même patrimoine héréditaire ne sont pas à 100 % malades. Il y a donc bien des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux qui jouent un rôle dans le déclenchement de la maladie.
La maladie maniaco-dépressive fait donc partie des pathologies à hérédité complexe comme le diabète, les maladies cardio-vasculaires, l’hypertension, l’obésité, l’asthme, etc. Pour toutes ces maladies, il y a interaction de nombreux gènes à effet mineur et de facteurs environnementaux.
On sait aussi que les troubles bipolaires sont extrêmement hétérogènes, sur le plan clinique (symptômes présents au cours de la maladie) mais aussi sur le plan des causes et des facteurs génétiques. Ils ne sont pas déterminés par un seul gène, mais par l’interaction de très nombreux facteurs génétiques et environnementaux.