Destin : provoquer des hasards heureux, c’est possible !

Destin : provoquer des hasards heureux, c’est possible !
 
 
Isabelle a besoin d’Antoine et tombe sur lui dans le métro ! Signe du destin ou coïncidence ? “Synchronicité”, affirment les psys. Un phénomène que l’on peut favoriser en étant attentif à soi, aux autres et au monde. Initiation en trois étapes.
 
Erik Pigani
 
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ncroyable. Isabelle n’en revient toujours pas. Hier, elle se rendait chez des amis en métro, songeant au coup de téléphone angoissé d’un copain. Il avait besoin d’un avocat pas trop cher. Isabelle réfléchissait : qui, dans ses relations, pouvait l’aider ? Elle se rappelait Antoine, un jeune maître du barreau, perdu de vue depuis cinq ans. Mais comment retrouver ses coordonnées ? Plongée dans ses pensées, elle manque sa station et s’en aperçoit deux arrêts plus loin. Sortant précipitamment du wagon, elle monte les escaliers et tombe nez à nez avec… Antoine !

Hasard ? Coïncidence ? Signe du destin ? Pas forcément.
Selon les analystes jungiens et les psychologues du transpersonnel, ce hasard heureux est une synchronicité : l’apparition simultanée de deux événements indépendants reliés par une signification. Aux Etats-Unis, de plus en plus de psys intègrent cet étrange concept à leurs pratiques et à leurs recherches scientifiques. Un intérêt qui commence à toucher les Français. Deux exemples : Christine Hardy, docteur ès lettres et sciences humaines, vient de publier en anglais un modèle scientifique des « champs sémantiques » sur l’interaction entre l’esprit et la matière (1), et Jacques Salomé lui a consacré un chapitre dans son dernier livre, “le Courage d’être soi” (2). Pour tous, une certitude : ces coups de chance, il est possible de les provoquer. Pour titiller le destin, parcours en trois étapes.

1 - “Networks of Meaning”, Praeger, 1998.
2 - Editions du Relié, 1999.
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Première étape : savoir observer
Le hasard n’arrive-t-il que… par hasard ? Pas vraiment. Les coïncidences ne sont ni des raretés ni des vues de l’esprit, et sont même si fréquentes qu’elles ont été étudiées de manière scientifique. Jusqu’au début du XXe siècle, certains, comme l’astronome Camille Flammarion, collectionnaient les coïncidences – comme d’autres les timbres-poste ou les papillons –, confectionnant des catalogues bourrés d’histoires personnelles, de récits d’amis, de coupures de journaux qui relataient de telles aventures. Peut-être pour prouver que ces événements étranges « signifiaient quelque chose », et certainement en se sentant coupables de pécher contre les lois de la rationalité. Dans “le Réquisitionnaire”, Balzac avait même écrit que ces « sympathies qui méconnaissent les lois de l’espace », rassemblées par ces amateurs d’impossible, « serviront un jour à asseoir les bases d’une science nouvelle à laquelle manque un homme de génie ».

Cet homme, ce sera Paul Kammerer. En 1900, ce jeune biologiste autrichien commence sa propre collection. Des banalités. Noms ou chiffres identiques qu’il rencontre au cours d’une journée, lettres similaires qu’il reçoit de correspondants différents, rêves de personnes diverses évoquant les mêmes thèmes, etc. Il note méticuleusement tous les événements concordants et met au point une classification par genre et importance des points communs, comme d’autres ont classé les lézards de l’Adriatique. Exemple : un jour, sa femme commence un roman dans lequel apparaît une madame Rohan ; le soir même, le prince Joseph de Rohan leur rend visite à l’improviste. Voilà une série simple, avec un point commun. Kammerer relève aussi des événements beaucoup plus spectaculaires totalisant parfois jusqu’à six points communs. Exemple : en 1915, deux soldats sont admis le même jour dans un hôpital militaire de Bohême. Jusque-là, rien d’extraordinaire. Sauf que tous deux ont 19 ans, sont nés en Silésie, se sont portés volontaires, souffrent de pneumonie, et s’appellent… Franz Richter !

Le biologiste passe des heures sur les bancs des jardins publics à observer les passants, leurs particularités, leurs vêtements, les objets qu’ils transportent, et commence à mettre à jour des groupements —phénomène plus connu sous l’appellation populaire de «loi des séries». En 1919, devenu un éminent scientifique, Paul Kammerer publie le résultat de ses observations, assorti d’analyses statistiques et d’une tentative de théorie : il y aurait, dans l’univers, une force qui, comme la gravitation, regrouperait les «semblables» par affinités. Albert Einstein lui-même déclare que ce livre est «original et nullement absurde».

Quasiment inconnus du grand public, les travaux de Kammerer ne sont cités que par quelques spécialistes. Pourtant, ils mettent en évidence deux choses fondamentales de notre vie quotidienne. D’abord, que le principe de « sérialité », ou loi des séries — le fameux « jamais deux sans trois » — n’est pas un pur produit de l’imagination, mais un phénomène très courant que connaissent bien statisticiens, compagnies d’assurance ou habitués du Loto. Ensuite, que les coïncidences apparaissent si l’on apprend à regarder le monde qui nous entoure. Etre attentif à soi, aux autres et à son environnement est d’ailleurs l’une des bases du développement personnel.
Deuxième étape : écouter son intuition
Il s’agissait jusque-là d’une approche physique, matérielle des coïncidences. Quelques années plus tard, Carl Gustav Jung les intègre dans le champ de la psychologie. Au cours des années 20, alors qu’il commence à explorer les couches les plus profondes de notre inconscient, le psychiatre suisse observe, lui aussi, quantité d’événements étranges. Mais quelle est donc leur utilité ? Il obtient un début de réponse en s’occupant d’une femme dont l’approche très rationnelle de la vie et l’étroitesse d’esprit rendaient la thérapie particulièrement difficile. Un jour, cette patiente lui raconte un rêve dans lequel elle a vu un scarabée d’or. Dans l’Egypte ancienne, c’est un symbole de renaissance. Jung le sait et se demande si cette femme n’est pas sur le point d’opérer un début de transformation intérieure. Tout à coup, il entend un tapotement à la fenêtre. Il l’ouvre et un beau scarabée vert doré entre en voletant. Jung le saisit et le montre à sa patiente. Pour elle, c’est un choc : le symbole dont elle venait de parler s’est présenté de lui-même. Ce hasard heureux a ébranlé ses convictions rationalistes et permis à leurs entretiens de devenir plus constructifs.

Passionné par ces signes impromptus, Jung les regroupe sous le nom de «synchronicité», un mot qu’il forge pour désigner des événements reliés par une signification, et non par une relation de cause à effet. Pour lui, il y aurait donc, entre psyché et matière, une relation très étroite. « Pour appliquer cette conception au quotidien, il faut commencer par se dégager du carcan de notre éducation rationaliste », explique Robert H. Hopcke. Directeur du Center for Symbolic Studies de Berkeley (Californie) et auteur d’un best-seller, “There Are No Accidents” (3). Ce psychothérapeute explique que ces phénomènes ne sont pas simplement des curiosités bousculant notre conception de l’espace-temps. Ils peuvent aussi nous apporter des bénéfices considérables, personnels et professionnels.

L’une des techniques les plus efficaces au cours de cette étape est le développement de l’intuition. Lise, Québécoise et auteur de chansons, raconte une expérience particulièrement significative. Alors qu’elle était encore étudiante, elle décide d’investir toutes ses économies pour ouvrir un « bar à chansons » à Québec. Pour l’inauguration, elle aimerait faire venir des journalistes, mais tous lui répondent qu’elle doit créer un événement en faisant parrainer son bar par une personnalité. Le chanteur Félix Leclerc par exemple. Elle cherche donc à contacter celui-ci, en vain. « C’était terrible. J’avais vraiment besoin de sa présence pour l’ouverture, raconte Lise. Sans lui, pas de presse. Mais je ne me suis pas découragée, j’ai eu confiance en la vie, sachant qu’elle apporte souvent des réponses à nos besoins fondamentaux. » Le soir même, la jeune femme éprouve l’envie de faire un tour en voiture. Pourtant, c’est l’hiver, il fait nuit et froid. Elle roule donc. Tout à coup, devant elle, une voiture fait une embardée et se fiche dans un banc de neige. Lise s’arrête, le conducteur sort de son véhicule… C’est Félix Leclerc ! Quinze jours plus tard, le chanteur faisait l’ouverture du bar de Lise.

3 - Riverhead Books, 1997.
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Troisième étape : cerner ses besoins
Au XVIIe siècle déjà, l’écrivain Horace Walpole avait décrit ces phénomènes synchronistiques dans un conte, “les Trois Princes de Serendip”. En résumé, les princes rencontrent toujours ce dont ils ont envie ou besoin et, à chaque fois, comme par la « chance d’un hasard heureux ». Ce qui, on s’en doute, les tire d’affaire dans les circonstances difficiles. Serendip est l’ancien nom de l’île de Ceylan. Walpole a donc créé le mot « serendipité » pour désigner la chance d’un hasard heureux qui se produit au bon moment, et la capacité de rencontrer des choses essentielles « comme par miracle ». Un concept plus « actif » que celui de la synchronicité : il demande d’être capable de discerner ses besoins essentiels – ceux qui permettent de progresser dans la vie – des simples désirs ou des satisfactions plus éphémères.

Cette étape va bien plus loin que le développement personnel car, du travail «sur soi», on entre dans le travail «du soi». En effet, selon les psychologues du transpersonnel, pour découvrir nos véritables besoins, il est indispensable d’entrer en contact avec notre «soi supérieur», l’essence de notre être, notre âme, et de lui poser une question fondamentale : quel est le sens de ma vie ? La méditation, par exemple, devient alors un outil nécessaire pour permettre au soi de répondre. Comme il est en contact permanent avec l’univers, c’est lui qui provoque les «miracles» de la synchronicité.

Impossible ? Si vous ne croyez toujours pas que nos besoins peuvent être comblés par la vie, demandez à Anthony Hopkins. En 1973, à Londres, le célèbre acteur est engagé pour jouer dans “The Girl From Petrovka”, l’adaptation à l’écran du roman de l’écrivain britannique George Feifer. Pour s’imprégner de l’histoire, Hopkins cherche à se procurer l’ouvrage. Il visite plusieurs librairies, peine perdue. Alors qu’il se dirige vers le métro pour rentrer chez lui, il passe près d’un banc public et aperçoit un vieil exemplaire usé et annoté du roman, abandonné là ! « Mais ce n’est pas le plus incroyable, ajoute Hopkins. Presque un an plus tard, au cours du tournage, à Vienne, j’ai eu la chance de rencontrer George Feifer en personne. Je lui raconte combien il m’avait été difficile de trouver son livre, et comment le hasard m’en avait fait découvrir un. Il me répond que lui-même n’en avait plus : il avait prêté son seul exemplaire à un ami, qui se l’était fait voler dans sa voiture. J’ai sorti de mon sac celui que j’avais trouvé. C’était le sien ! »

Si ces quelques cas semblent extraordinaires, les phénomènes de synchronicité ne sont pas réservés à une élite, à quelques initiés amateurs d’étrange et d’insolite. Leur apparition dépend de notre disponibilité intérieure et de la façon dont nous envisageons le monde : est-ce un territoire fermé, limité, dénué de sens ? Ou, au contraire, un vaste champ d’expériences et d’interactions possibles ?
A chacun de choisir.

 

CINQ CLES :
Pour titiller la chance
Comme si c’était un jeu, observez le monde qui vous entoure, et vous constaterez que le réel présente de lui-même quantité de « signes » inattendus.

1. Tenez un carnet de notes
Comme pour les rêves, plus vous notez les coïncidences, plus elles se multiplient. En demandant à votre mental de prêter attention aux détails de l’existence, vous les intégrez à votre vécu. Alors, votre champ de conscience s’élargit et vous êtes capable d’accueillir pus facilement d’autres synchronicités.

2. Ne jugez pas
En notant une coïncidence, évitez de vous laisser influencer par votre esprit rationnel avec des réflexions du genre « ce n’est pas assez important », « cela n’a pas de sens ». Tous les événements concordants ne sont pas forcément extraordinaires, mais n’en rejetez aucun.

3. Reliez-vous à votre environnement
Oubliez le principe rationaliste selon lequel l’univers est composé d’éléments séparés : toutes les traditions spirituelles – et la physique quantique moderne – nous expliquent le contraire. Des techniques orientales, telles que le qi-gong, le taï-chi ou encore le feng shui sont fondées sur le principe que tout est relié.

4. Déterminez vos besoins essentiels
Aiguisez votre lucidité et votre honnêteté par rapport à vous-même en clarifiant sans cesse ce dont vous avez réellement besoin. Plus une demande est claire, plus la réponse le sera.

5 . Visualisez les réponses
Prenez 10 minutes par jour pour vous relaxer et imaginer avec le plus de détails possibles la résolution de votre problème. Base du développement personnel, ce type d’exercice donne des résultats parfois stupéfiants.
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Erik Pigani
septembre 1999

 



08/08/2007
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