Immortalité

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Le Juif errant, de Gustave Doré, condamné à errer sur Terre jusqu'au Jugement Dernier
Le Juif errant, de Gustave Doré, condamné à errer sur Terre jusqu'au Jugement Dernier

On nomme immortalité le fait d’échapper à la mort et d’exister pour une période de temps indéfinie, voire éternelle.

Sommaire

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Chronologie inverse [modifier]

Il est difficile de savoir quand ce concept est apparu. Nous allons essayer ici de remonter progressivement le temps.

  • Le Symbole de Nicée (premier Credo, établi par le concile de Nicée en 325 - il y aura des modifications par la suite) mentionne « Je crois à la résurrection de la chair ». C’est là quelque chose de nouveau par rapport à la religion gréco-romaine où on pouvait tout au plus espérer une existence posthume chez Pluton (Hadès), mais celui-ci ne laissait en principe aucun membre de ses effectifs revenir sur Terre. Seuls avaient le droit de le faire ses visiteurs occasionnels (Orphée, Télémaque), et bien entendu, six mois par an, son épouse Proserpine (Perséphone).
  • Si l’on en croit le philologue Renan, la majorité du peuple juif adore le Dieu de ses pères sans espérer la moindre récompense dans l’au-delà, ni même l’existence d’un au-delà. Il n’est certes pas interdit d’y croire, ni même à la résurrection physique (vision de Daniel Chapitre 12), mais la religion ne se prononce pas à ce sujet. L’Ecclésiaste, par exemple, déclare que les morts ne voient rien et ne sentent rien. Les Pharisiens croient cependant à l'immortalité de l'âme, selon l'historien Flavius Josèphe et le livre de Tobie (IIème siècle avant notre ère) évoque une vie après la mort. Si les morts n'espèrent plus en la vie ici-bas, il est jugé concevable de les réveiller et les interroger, puisque le Dieu de l'Ancien Testament interdit à ses fidèles de le faire.
  • Au IVe siècle av. J.-C., Platon rédige ses propos sur l’immortalité de l’âme.
  • Les briques ayant servi à construire la tour de Babel (Etemenanki) - en fait une ziggourat - aux VIe siècle av. J.-C. portent l’inscription suivante, qui était gravée dans leur moule :
J’ai, Nabuchodonosor, fils de Nabopolassar, fait ériger cette tour en hommage au dieu Mardouk. Seigneur Mardouk, accorde-nous la vie éternelle.

Dans la même sphère culturelle, l'Épopée de Gilgamesh décrit la quête d'un héros recherchant l'immortalité suite à la mort de son ami Enkidu. Il ne l'obtiendra pas, seuls les dieux étant immortels, et sera condamné à mourir lui aussi, et à se coucher dans le sommeil de la mort.

  • L’Égypte des pharaons avait depuis longtemps son Osiris, pesant le bien et le mal de la vie du mort pour déterminer où l’orienter, mais nous n’avons pas d’élément permettant d’affirmer que cette immortalité était promise à la totalité de la population. (à vérifier)
  • Plus loin encore, les hommes de Cro-magnon et même de Néandertal enterraient leurs morts avec des fleurs ou des outils, la présence de l'ocre dans ses sépultures est régulièrement attestée, mais rien ne permet de déterminer si c’était parce qu’ils pensaient que cela leur serait utile dans un au-delà où s'il s'agissait plus simplement de marques posthumes d’affection au même titre que nous fleurissons les tombes de nos morts. Dans tous les cas, cela dénote un rituel d'ensevelissement.

Vision moderne [modifier]

Nous n’entendons pas par moderne le fait que les visions des religions soient archaïques : même si plusieurs ont disparu dans le passé avec les civilisations qui les avaient adoptées, toutes celles qui survivent se considèrent comme intemporelles. Ce terme précise simplement que ces autres visions sont apparues plus récemment, ce qui ne constitue pas un jugement de valeur.

Carrel : Le cœur de poulet "éternel" [modifier]

Le prix Nobel de médecine 1912 Alexis Carrel réussit à maintenir vivant in vitro un cœur de poulet pendant une durée dont les estimations varient, selon les sources, de 28 ans à 37 ans. Or la durée de vie typique d'une poule est de 5 ans. Cette expérience a amené à se demander si la longévité d'un organisme n'était vraiment limitée que par celle de ses composants ou s'il fallait rechercher une autre cause, interne, au processus de mortalité.

Rostand : La fleur ou la chaise [modifier]

Le biologiste Jean Rostand (1894-1977) déclare dans une interview que « nous ne savons pas si l’homme est une fleur ou une chaise » et s’explique de ce propos provocateur : la chaise est potentiellement éternelle dès lors qu’elle est traitée avec soin et réparée régulièrement. La fleur, au contraire, porte déjà en elle le programme de sa propre destruction. Dans les deux cas, les hommes peuvent espérer découvrir un jour l’immortalité physique : un entretien, c’est en général affaire de technique et de discipline; un programme, ça peut sans doute s’altérer au niveau du gène. Mais, pour Rostand, le plus urgent est d’y voir plus clair afin de savoir dans laquelle des deux directions travailler.

Au soir de sa vie, Rostand se dira persuadé que « si l’on avait consacré aux recherches en biologie toutes les sommes consacrées aux budgets militaires de tous les pays, la question de l’immortalité ou au moins de la jouvence éternelle serait déjà réglée ».

Limite de Hayflick. Les télomères [modifier]

En 1961, le biologiste Leonard Hayflick découvre que certaines cellules spécialisées ne semblent pouvoir se diviser qu’environ 50 fois successivement. Mieux : si on les laisse se diviser 30 fois, puis qu’on les met ensuite au repos pendant un temps élevé, une reprise des reproductions les limitera à 20 divisions successives : ces cellules semblent donc posséder une sorte de compte à rebours interne. Ses pairs lui donnent le nom de limite de Hayflick. On découvrira par la suite que cette limite est due à une reproduction incomplète des extrémités du brin d’ADN (télomères). Or cette reproduction est complète en ce qui concerne les cellules sexuelles. On finit par découvrir des agents inhibant ces télomérases. Toutefois, en rendant des cellules immortelles, il faut prendre garde à ne pas en faire des cellules cancéreuses (voir Henrietta Lacks). Par ailleurs se pose le problème de traiter la totalité des cellules d’un organisme vivant.

Ettinger : la salle d’attente cryologique [modifier]

En 1964, Robert Ettinger publie son livre L’homme est-il immortel ?.

Ce livre contient quatorze expériences de pensée sur le thème de l’identité. Sa préoccupation est de cerner quelles sont les transformations d’un individu qui nous paraissent acceptables (cryogénisation comprise) pour considérer qu’il est toujours lui-même. La question se pose avec une acuité plus grande encore si on crée (expérience de pensée) une copie à distance d’un individu : peut-on alors sans problème de conscience détruire l’original et considérer que l’individu a simplement été téléporté ?

Gamow et Hofstadter : qu’est-ce que le « moi » ? [modifier]

Dans M. Tompkins s’explore lui-même (ouvrage non réédité) le physicien Gamow s’interroge sur la question de savoir où est le moi dans un individu. Il imagine par la pensée une population de clones à l’esprit conservé vierge (peu importe comment) et dans lesquels on pourrait transférer par un procédé donné toutes les connaissances et habitudes d’un individu ainsi que ses goûts. Une fois l’esprit transféré dans le nouvel individu, peut-on considérer que la personne a changé de corps et simplement se débarrasser de l’ancien ? Il est difficile de répondre à cette question, voisine de la précédente.

Douglas Hofstadter et Daniel Dennett, passionnés par cette question de la cognition et de l’identité, décident pour établir une sorte d’état de l’art de créer une compilation des plus intéressants articles, d’après eux, écrits sur le sujet. Ce sera The mind’s I, traduit en français sous le nom Vues de l’esprit. On y trouve beaucoup d’expériences de pensée, dont une qui permet de penser que le moi peut fort bien être délocalisé en plusieurs endroits si les communications suivent (« Where am I? »). Voir aussi l’article noosphère.

Gordon Bell et le projet Mylifebits [modifier]

Dans l'immédiat, Gordon Bell estime que l'ont doit pouvoir stocker une très grande partie du vécu d'une personne sur un ou plusieurs téraoctets, et y avoir accès de façon directe par le procédé d'hyperliens imaginé par Vannevar Bush. Il s'agit surtout ici d'une mémoire auxiliaire et en principe parfaite, mais si la mémoire constitue le fondement de l'identité, alors peut-être y aurait-il dans cette sorte de backup de quoi reconstituer de façon au moins virtuelle un individu. Ce projet de recherche est financé par la société Microsoft.

La thèse de Bruno Marchal (CPC) [modifier]

Cette thèse, en principe d’informatique, développe une quantité d’expériences de pensée s’inspirant de la réalité virtuelle, de la mécanique quantique et de réflexions sur l’identité pour en arriver à la démonstration, alléguée dans son chapitre 4 que « le mécanisme est incompatible avec le matérialisme ». La question de l’immortalité individuelle est abordée, bien que ne constituant pas le sujet principal de la thèse qui est plutôt celui de l’identité.

Kurzweil et le rêve d'immortalité par l'intelligence artificielle [modifier]

Kurzweil reprend l'exemple de substitution progressive également exposé par Bruno Marchal :

  • Si on remplace UN neurone par son équivalent fonctionnel, a-t-on altéré en quoi que ce soit l'individu ? Non, puisque son comportement va être en tous points semblable.
  • Si on les remplace tous un par un, on finit par avoir un individu complet, identique fonctionnellement au précédent, sous forme électronique. Pour Kurzweil, telle est la voie par laquelle l'homme a le plus de chances d'atteindre, sinon à l'immortalité, du moins à une espérance de prolongation de sa vie consciente d'un facteur 10, voire 100… tant que la stabilité politique et économique permet d'assurer la maintenance des machines et de payer leur facture d'électricité.

Sur le plan pratique, le problème se présente en trois phases :

  1. Il faut dans un premier temps scanner le cerveau non pas avec une résolution du dixième de millimètre comme le permettent les procédés d’imagerie médicale par résonance magnétique nucléaire, mais bel et bien aller chercher l’information sur chaque cellule là où elle se trouve. Kurzweil rappelle qu’il y a bien quelque chose qui passe partout dans le cerveau et qui est le flux sanguin. Son pari raisonné est que quelques millions de micromachines pourraient partir à la découverte du terrain, transmettre immédiatement l’information (qu’elles ne pourraient bien entendu stocker), et celle-ci être collationnée par ordinateur
  2. Le processus ne saurait être instantané, et l’on ne pourrait sans doute pas même espérer qu’il soit total. Nous ne savons pas quelle durée aurait un scan (probablement entre quelques dizaines d’heures et quelques années), et dans l’intervalle nos opinions sur une quantité de sujets auraient changé, ainsi que notre « moi ». Kurzweil ne s’inquiète pas outre mesure de la question : au cours d’une nuit de sommeil, notre « moi » change aussi légèrement, sans que nous nous en inquiétions outre mesure (excepté les très jeunes enfants, alors en pleine phase d’apprentisssage); par ailleurs il nous arrive au cours de notre vie d’oublier quelques connaissances anciennes ou récentes sans grand dommage pour notre intégrité mentale
  3. Plus complexe sera la reconstitution de l’état mental scanné (avec de très fortes redondances puisqu’un endroit sera analysé au cours du temps par des quantités de microcapteurs), la représentation de chaque neurone et cellule gliale, et enfin la gravure du tout dans le silicium ou sa reconstitution sur des machines de traitement de l’information d’un type ou d’un autre. Toutefois cette troisième phase peut se faire attendre si besoin plusieurs décennies, les deux premières seules ayant à être réalisées du vivant de l’intéressé.

Il est important de se rappeler que tout cela reste pour le moment spéculatif, en d’autres termes théoriquement envisageable, mais pour le moment nullement certain. Les flux monétaires susceptibles de s’investir dans la question se situent cependant probablement quelque part entre le marché des PDA (qui promettent une extension très limitée des capacités cérébrales) et celui des religions, dont certaines promettent également l’immortalité, mais sur des bases jugées par une partie de la population comme incertaines.

La société Imagination engines (start-up créée par des anciens du MIT) affirme travailler sur un projet de ce genre nommé InItsImage qui est détaillé sur son site.

Aubrey de Grey et les 7 causes biologiques du vieillissement (SENS) [modifier]

Le projet SENS (Strategies for Engineered Negligible Senescence (2002)) a pour but l'extension radicale de l'espérance de vie humaine (et de la jeunesse) au moyen de procédures médicales créées afin de contrer les dysfonctionnements de l'organisme.

Par exemple le sous-projet ambitieux et novateur WILT prévoit de bloquer la réparation des télomères dans l'organisme en interdisant la synthèse de télomérase (afin de rendre le cancer impossible) tout en repeuplant périodiquement l'organisme à l'aide de cellules souches saines (les télomères de ces cellules souches étant intacts, la limite de Hayflick n'est plus un problème).

La stratégie de financement repose sur le Methuselah Mouse Prize (Prix de la Souris Mathusalem). William Haseltine, le pionnier du séquençage du génome humain, a déclaré à ce sujet : « Il n'y a aucun effort comparable à celui-ci, et il a déjà significativement contribué à la prise de conscience que la médecine régénérative est une réalité très proche, pas une hypothèse ».

Le pour et le contre [modifier]

Arguments et actions en faveur de l'immortalité biologique [modifier]

(en anglais)

(en français)

Quelques contre-arguments [modifier]

  • Paul Valéry estime dans Tel quel que de même que les hommes ont besoin de changer de vêtements, les idées ont besoin de changer d'hommes : le renouvellement des générations évite à son avis que la société ne se sclérose.
  • Georges Wolinski, dans un épisode de La vie compliquée de Georges le tueur, répond indirectement aux préoccupations d'immortalité de Cavanna en expliquant qu'un immortel remet éternellement au lendemain ce qu'il n'a pas envie de faire, et que donc c'est dans l'ensemble la certitude (ou presque) de la mort qui pousse l'homme à agir.
  • Robert Ettinger mentionne l'avis généreux des personnes qui refusent l'immortalité parce qu'il faut faire de la place aux générations futures, tout en trouvant cette philanthropie étrange quand elle émane de personnes "qui ne donnent même pas aux œuvres de charité le 1% déductible de leur revenu".

L'immortalité comme source d'inspiration [modifier]

L'immortalité dans la littérature [modifier]

  • 1845 : Eugène Sue : Le juif errant : l’immortalité peut-elle être une calamité pour qui en est doté ? Cette idée sera reprise dans Highlander
  • 1862 : Edmond About, L’homme à l’oreille cassée : la réanimation sous le Second Empire d’un grognard gelé pendant la retraite de Russie, et quelques problèmes afférents.
  • 1891 : Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray (The Picture of Dorian Gray) : Dans l'Angleterre victorienne, un homme conserve sa jeunesse tandis que son portrait vieillit à sa place.
  • 1939 : Aldous Huxley, Jouvence ("After Many Summer"), essai sur la jeunesse éternelle
  • 1946 : Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels : Roman sur un homme, le comte Fosca qui ,une fois devenu immortel, se rend compte à ses dépends que l'immortalité tue... l'esprit, la volonté, l'amour, l'envie de vivre...
  • 1976 : François Cavanna, Stop-crève : Essai sur l’absence officielle d’intérêt des pouvoirs publics sur le sujet.

L'immortalité a beaucoup inspiré les auteurs de science-fiction :

  • 1950 : A. E. van Vogt, la Maison éternelle : Éviter le vieillissement en se protégeant des radiations cosmiques, sources de mutations.
  • 1956 : John Wyndham, L’herbe à vivre (The seeds of time) : sur quel critère éthique décider de consommer, ou au contraire de conserver pour en augmenter le nombre, une espèce végétale rare bloquant net le processus de vieillissement ?
  • 1963 : Vladimir Volkoff, Métro pour l’enfer : survivre éternellement... mais à quel prix !
  • 1967 : Clifford D. Simak Eterna : La cryogénation d’Ettinger devenue un mode de vie, le but d’une existence, le graal de tout un chacun.
  • 1969 : Norman Spinrad, Jack Barron et l’éternité : Aspects sociologiques d’un chantage à l’immortalité.
  • 1973 : René Barjavel, Le grand secret : Et si quelques-uns l’avaient déjà ?
  • 1978 : David Rorvik, À son image : un dirigeant de multinationale, qui n’est pas sans rappeler Thomas J. Watson, se fait cloner pour avoir un fils à son image; son clone est-il « lui »?
  • 1989: Joe Haldeman, Immortalité à vendre: Au XXIe siècle Stilemenan Enterprise vend l'immortalité par tranche de 10 ans…
  • 1995 : Greg Egan, La cité des permutants : Paul Durham propose à quelques milliardaires du XXIe siècle, de vivre éternellement grâce à des Copies informatiques d’eux-mêmes. Titre original: « Permutation city ». 1996 pour la traduction.
  • 2004 : Minouz, Le Minouz, selon les manuscrits récemment découverts en Grèce, serait une figure représentant l'immortalité chez les peuples sous-instruits. Encore aujourd'hui, cette figure serait encore présente dans plusieurs religions, mais sous forme de symboles.

L’immortalité au cinéma [modifier]

L’immortalité dans le jeu vidéo [modifier]

Voir aussi [modifier]

La catégorie Mort contient d'autres articles sur le sujet du thème de la Mort.

Liens internes [modifier]

Lien externe [modifier]



08/08/2007
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