Je devais sortir de prison en 2040 : tu deviens fou ou tu t’évades
Je devais sortir de prison en 2040 : tu deviens fou ou tu t’évades
Des barbelés (Amandabhslater/Flickr/CC)
La mort lente dans un cercueil en béton ou s’arracher avec un calibre, le choix est vite fait. Il n’y a aucune perspective, aucune chance pour les détenus condamnés à de longues peines. On ne peut pas accepter ce sort de « mort vivant ».
Je suis rentré en prison en 1984 pour dix ans. Un jour, je ne suis pas rentré de permission : ma première cavale. On m’a rattrapé, j’ai pris un an de plus.
Dix ans plus tard, en 1994, je suis retombé. Je me suis évadé avec un autre détenu le 9 octobre 1994 – symboliquement la date anniversaire de l’abolition de la peine de mort – lors d’une prise d’otages avec séquestration, enlèvement et usage d’armes.
Nous avons fait quatre mois de cavale ponctuée de divers braquages et quelques tentatives d’arrestation de la part des forces de l’ordre... Finalement, j’ai été cerné et arrêté par le Raid dans l’Oise, en janvier 1995.
Pour cette évasion, j’ai été condamné à douze ans de réclusion criminelle, sans confusion possible, ce qui s’ajoute aux autres peines. Total des condamnations : trente ans à faire !
En 1997, j’ai fait une nouvelle tentative d’évasion avec prise d’otages, à la cour d’assises de Metz. J’ai été arrêté juste avant de sauter par la fenêtre. J’ai pris deux ans de plus.
S’évader, une obsession
A l’époque, je sortais en 2040 et je n’avais donc plus rien à perdre et pas du tout envie de finir mes jours en prison.
La justice nous demande de crever à l’intérieur et en plus de ne pas réagir ? Comment un être humain peut-il accepter, supporter, subir des peines aussi monstrueuses qui n’ont plus aucun sens ? On devient fou ou on s’évade.
Je considère que pour tout homme privé de liberté, l’évasion est un droit ! Et encore plus pour ceux condamnés à une trop longue peine.
La liberté, on ne vit que pour ça, elle est sacrée : s’évader, en prison, c’est une obsession. C’est ce que je veux essayer de faire comprendre à ceux qui n’ont jamais connu l’enfermement.
Lorsque l’on ne laisse aucune chance à un être humain, soit il renonce, soit il tente le tout pour le tout. Alors les risques, on les prend : il n’y a pas d’autre solution. Naturellement, un détenu pense à s’évader, c’est un rêve récurrent, même si beaucoup ne passent pas à l’acte.
S’il y avait un espoir...
L’administration pénitentiaire fait payer cher les candidats à l’évasion, surtout ceux qui ont pratiqué la prise d’otages – la hantise de l’administration pénitentiaire. Après mon arrestation, lors de ma deuxième évasion, j’ai passé cinq ans en quartier d’isolement, puis chez les détenus particulièrement signalés (DPS)... J’ai fait du tourisme pénitentiaire, avec des transferts tous les trois mois pendant quinze ans.
S’il y avait plus d’aménagements de peines, de meilleures conditions de détention, des peines moins lourdes, un espoir de voir le bout du tunnel pour les longues peines, si la justice était moins répressive, si la prison traitait les détenus d’une manière plus humaine, ces derniers s’évaderaient peut-être moins. Mais rien n’est moins sûr, car l’appel de la liberté est plus fort que tout pour celui qui en est privé...