La chasteté volontaire
La chasteté volontaire
À une époque où le sexe n'a jamais été autant montré, promu et permis, certaines font le choix de mettre leur vie sexuelle en veilleuse. Il y a quarante ans, leur comportement n'aurait pas créé d'émoi. Mais aujourd'hui, cette disette volontaire nous apparaît suspecte.
Pourquoi se priver alors que nous pouvons maintenant s'ébattre en toute liberté? Qu'est-ce qui pousse ces femmes à l'abstinence? Et pourquoi est-ce que leur choix dérange tant?
La course à la normalité
Il y a aujourd'hui une telle emphase mise sur la sexualité qu'on est rendue à s'inquiéter de la moindre baisse de libido. On se demande si on est normale si on sent qu'on est moins portée sur la chose que nos copines. On lit avec empressement les sondages qui font état de la fréquence des rapports sexuels dans la population pour savoir si on est dans la « norme ».
C'est assez ironique quand on y pense. Il y a trente ans, la principale tâche des sexologues était de convaincre leurs patientes qu'il était normal d'éprouver du désir, alors que maintenant ils doivent enseigner aux couples qu'il est naturel de pas toujours en ressentir.
Dans ce contexte, pas étonnant donc que les abstinentes dérangent. Il faut admettre que d'aller ainsi à contre-courant demande une certaine dose de courage. Les raisons qui les poussent vers la chasteté sont multiples.
S'arrêter pour se retrouver
Pression de la performance
Chez les célibataires, on décide parfois de ne plus avoir de relations sexuelles simplement pour se retrouver. Ces femmes parlent souvent de la pression à performer partout, y compris dans la chambre à coucher. Épuisées par l'obligation de toujours devoir séduire et par des relations qui leur ont laissé un goût amer, elles décident de prendre une pause. Au lieu de ne penser qu'à l'autre, on se concentre sur soi, sur nos envies, nos aspirations.
Dépendance affective
Cet exercice s'avère particulièrement bénéfique pour celles qui ont tendance à développer des liens de dépendance affective. Au lieu de sans cesse être à la recherche d'un « autre » pour combler le vide qui nous habite, on essaie de trouver des moyens d'être bien avec soi-même.
S'abstenir pour désirer
Ce peut également être une occasion pour explorer la nature de notre désir afin de mieux en comprendre les rouages. Dans une société où toute envie est rapidement transformée en besoin qu'il faut satisfaire, rester dans un état de désir relève du luxe.
Des couples décident également d'être abstinents pendant un certain temps afin de relancer le désir et de modifier un peu la dynamique qui s'est installée. Si les relations sexuelles sont devenues monotones et convenues, voire programmées, un espacement des rencontres peut attiser le désir. Pour que cette méthode soit efficace, il faut que les deux partenaires soient d'accord. Et, surtout, il ne faut pas que le désir soit déjà éteint.
Être abstinent par foi
On peut aussi décider d'être chaste pour des motifs moraux ou religieux. Depuis les dernières années, on voit naître aux États-Unis un mouvement de plus en plus populaire prônant l'abstinence. Cette vague touche autant les adolescents qui sont invités à signer un virginity pledge (ou voeu d'abstinence) par lequel ils s'engagent à ne pas avoir de relations sexuelles avant le mariage, que les adultes qui se disent born-again virgins (ou « vierges régénérées »).
Ces derniers, bien qu'ils ne soient pas vierges techniquement, décident d'être abstinents jusqu'à ce qu'ils rencontrent l'âme soeur et se marient. Pour eux, cette période de chasteté et de réflexion efface les traces du passé. Malheureusement, ce désir de retrouver la « pureté » perdue peut aller loin. Il existe maintenant des interventions chirurgicales visant à recoudre l'hymen.
L'asexualité
Mise sur la sellette en 2001 par David Jay, l'asexualité commence à être reconnue comme une orientation au même titre que l'hétérosexualité, l'homosexualité ou la bisexualité. L'asexualité est définie comme étant l'absence de désir sexuel et représenterait environ 1% de la population. Même si, contrairement aux abstinents volontaires, les asexuels n'ont pas fait de choix, ils sont quand même aux prises avec la même pression sociale en ce qui a trait à la sexualité.
La question de leur orientation sexuelle est aussi source de tension, surtout à l'adolescence, période particulièrement difficile pour les asexuels qui se sentent dans un monde à part alors que leurs congénères carburent aux hormones. Difficile également pour les parents et amis qui se questionnent et attendent le fameux coming out.
On voit donc que diverses raisons peuvent pousser une personne à mettre en veilleuse cette partie d'elle-même sans que ce soit inquiétant. Plutôt que de porter un jugement sur la copine qui « prend son temps », on devrait peut-être plutôt essayer de mieux comprendre sa démarche. Et il faut se rappeler que la liberté sexuelle si chèrement acquise, c'est en fait la liberté de choisir le type de sexualité qui nous convient.
Caroline Bouffard, rédactrice Canal Vie