La sexualité, le couple et les troubles de l’humeur

 

La sexualité, le couple et les troubles de l’humeur

vendredi 18 mai 2007

Bien que vivant dans une société moderne, où les hommes et les femmes paraissent de plus en plus égaux dans leurs rôles, dans leurs responsabilités et dans leur individualité, la tâche de « réussir » un couple dans sa continuité ne semble pas être plus aisée. En effet, malgré la vulgarisation des conseils psychologiques dont nous sommes abreuvés via les différents médias, il semble que les couples vivent toujours des difficultés de communication. Et si la possible complexité de vivre ensemble peut toucher tous les couples, la tâche est encore plus difficile lorsqu’un des partenaires souffre de troubles de l’humeur (trouble bipolaire ou dépression). Dans cette optique, si l’on considère que, selon les statistiques, 17 % des personnes seront atteintes de dépression (1) à un moment donné au cours de leur vie et que près de 6 à 8 % de la population souffrent d’un trouble bipolaire actuellement (2), beaucoup de couples seront donc affectés. Car, lorsqu’une personne est diagnostiquée dépressive ou bipolaire, ce sont toutes les sphères de sa vie qui sont touchées, pouvant ainsi amener le couple à vivre un grand désarroi, des mésententes, voire une séparation.

LES TROUBLES BIPOLAIRES ET DÉPRESSIFS : LES SYMPTÔMES

Sans faire une liste complète des symptômes concernant ces affections (une description complète peut être consultée sur le site www.revivre.org), on peut dire succinctement que la personne vivant une dépression aura plusieurs symptômes, dont une tristesse omniprésente, des troubles du sommeil et/ou de l’appétit, une perte d’énergie, une fatigue intense ainsi qu’une perte de l’intérêt et du plaisir. Elle pourra se sentir rejetée, avoir une propension à culpabiliser, avoir une perte d’estime de soi et des pensées négatives importantes (2). Quant au trouble bipolaire, il se caractérise par des changements d’humeur exagérés, la personne allant d’une humeur stable à un pôle dépressif (correspondant aux symptômes de dépression majeure) ou à un pôle maniaque, dont les symptômes sont également multiples : pensées rapides, réduction du besoin de sommeil, activité mentale et physique intenses, sensation de plaisir augmentée avec exagération de l’activité (sexuelle, achats inconsidérés, projets farfelus, alcoolisme, usage de psychotropes, etc.) (1).

QUELS SONT LES BESOINS PARTICULIERS D’UNE PERSONNE DÉPRESSIVE OU BIPOLAIRE DANS SA SEXUALITÉ ?

La perception de sa masculinité ou de sa féminité, la perception de soi et de l’autre, l’estime de soi et la confiance en soi, la communication, l’expression des besoins, les troubles sexuels, les dysfonctions sexuelles, la dynamique de couple, la performance et la satisfaction sexuelle, l’érotisme ou encore la fantasmatique sexuelle sont quelques thèmes parmi ceux pouvant être touchés par l’impact de la maladie et abordés avec un sexologue.

LE COUPLE ET LA SEXUALITÉ

Outre les difficultés que peuvent ressentir les couples sans dépression ou bipolarité dans leur façon de communiquer, ceux dont un des partenaires est atteint d’un trouble bipolaire ou de dépression doivent faire face à d’autres difficultés, comme par exemple l’instabilité d’humeur qui interfère avec une communication adéquate, une estime de soi plus fragile du fait de la perception du conjoint en tant que « malade » (ou émanant de la personne atteinte par la difficulté d’acceptation de sa maladie) ou encore la possible influence de l’usage de drogues ou d’alcool, toutes ces composantes étant importantes dans la bonne continuité de la communication au sein du couple. Étant donné les changements de perception de soi générés par l’annonce de la maladie bipolaire ou dépressive, la personne peut se sentir diminuée dans son rôle d’homme ou de femme dans la société mais aussi et surtout par rapport à son partenaire, ou encore ne plus se sentir valable ou attirant, se sentir inadéquat. Le partenaire non atteint, quant à lui, peut voir sa vision de l’autre modifiée et doit parfois s’adapter au fait qu’il ne reconnaît plus son partenaire comme celui qu’il a connu avant la maladie par exemple, ou encore ressentir des troubles du désir sexuel parce que l’autre ne représente plus un « idéal » pour lui. Il arrive aussi souvent qu’il y ait un amalgame entre la personnalité propre et les actes ayant pu être posés pendant la manifestation de la maladie de la personne atteinte.

Le fait de favoriser la compréhension dans le couple pourrait permettre un renforcement de l’estime de soi pour une meilleure satisfaction sexuelle des deux partenaires.De plus, étant donné les modifications comportementales pouvant découler de l’une ou l’autre de ces affections mentales, l’équilibre du couple s’en trouve modifié également et le risque est grand, si le couple n’avait pas développé une communication efficace avant le diagnostic, que chacun des partenaires se retranche sur sa position et que le rejet de part et d’autre soi vif. La personne atteinte peut être dépressive et montrer des signes d’agressivité, argumenter, être suspicieuse mais aussi être hostile voire paranoïaque. Par ailleurs, certains symptômes de la personne bipolaire, comme l’agressivité ou l’hostilité par exemple, peuvent entraver une bonne compréhension de son partenaire, avec tous les troubles de la communication qui peuvent en découler. Ces attitudes ont donc une incidence sur la communication au sein du couple.

LA SEXUALITÉ ET LES MÉDICAMENTS

La prise de médicaments nécessaire à la stabilisation des personnes atteintes peut entraîner des troubles de l’érection et/ou du désir sexuel, de l’excitation sexuelle ou encore de l’orgasme. Quant à la fantasmatique sexuelle, elle peut devenir absente ou modifiée, changements pouvant avoir in impact sur le partenaire qui lui n’a pas changé. La perception de leurs performances sexuelles semble avoir une forte incidence surtout chez les hommes, pour qui la notion de performance génère de l’anxiété (3). Or l’anxiété peut prendre encore plus d’importance chez une personne déjà fragilisée par la maladie et par conséquent avoir un impact plus élevé sur ses performances sexuelles. Investiguer ces modifications, trouver des solutions, et ce malgré les effets secondaires possibles des médicaments peut donc aider le couple à revoir ses attentes et à améliorer sa sexualité, tout en faisant éviter des rechutes par l’abandon des médicaments par la personne atteinte (qui risque souvent de ne plus prendre ses médicaments pour pallier des difficultés sexuelles).

Malgré une levée de tabous de plus en plus présente concernant la maladie mentale, il reste que ces couples font face très souvent à l’impuissance et au manque de ressources mises à leur disposition pour répondre à leurs besoins spécifiques. Les troubles bipolaires et dépressifs sont diagnostiqués par le médecin psychiatre et sont traités par divers moyens, principalement des médicaments spécifiques. Or, et s’il paraît évident de pallier le plus urgent en traitant la personne pour que son humeur se stabilise et soit plus acceptable par la médication, peu de couples vont consulter un sexologue pour « réapprendre » à vivre ensemble, faire des modifications et/ou des ajustements après le diagnostic. Car, même si un traitement médicamenteux existe et est essentiel, il peut se passer beaucoup de temps entre le diagnostic et le rééquilibrage de l’humeur, sans compter que plusieurs personnes resteront vulnérables toute leur vie et ne retrouveront plus l’état psychologique dont ils jouissaient avant les symptômes de leur maladie. Le sexologue pourra donc utiliser ses compétences à travers plusieurs types d’intervention parmi lesquelles l’information et le soutien du couple, l’évaluation de leurs besoins, son aide lors de situations de crise et le traitement des problématiques sexuelles (4).

Un environnement le plus stable possible, l’expression des besoins de chacun, l’écoute, la compréhension, le renforcement de l’estime de soi sont parmi les moyens pouvant permettre à la personne diagnostiquée ainsi qu’à son partenaire de traverser cette épreuve dans les meilleures conditions possibles. Consulter un sexologue dans ce cas apparaît donc judicieux en parallèle au médecin qui n’a pour rôle le plus souvent que de rééquilibrer la personne atteinte par les médicaments, démarche essentielle mais insuffisante au regard des différentes problématiques pouvant toucher les couples concernés. En cela, les interventions d’un sexologue permettraient de pallier les lacunes correspondant aux problématiques sexuelles que ces couples peuvent rencontrer, tout en leur permettant d’accéder à une redécouverte d’eux-mêmes, de leur couple et accéder à un épanouissement sexuel ensemble.

Pour de plus amples renseignements sur les ressources et les informations concernant la dépression ou le trouble bipolaire, veuillez contacter l’organisme Revivre (5).

PROCHAINE CONFÉRENCE GRATUITE LE 29 JANVIER 2008

THÈME : LA SEXUALITÉ ET LES TROUBLES DE L’HUMEUR Renseignements à Revivre

(1) Bexton B., psychiatre, 2003. « Les troubles bipolaires ». Brochure Revivre. Pavillon Albert-Prévost, Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal (2) Gouillu P., Référence Internet www.revivre.org. Consulté le 13 avril 2005 (3) Trudel G., 2002. « Sexuality and marital life : results of a survey ». Journal of Sex and Marital Therapy, vol. 28, n 3, Mai-Juin, 229-249 (4) Aubertin L., 2005. « L’intervention sexologique ». Université du Québec à Montréal (5) Revivre. Association québecoise de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires. 514-529-3081 ou www.revivre.org

Claudine Decaux



02/05/2008
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