Le songe qui m’a éveillé

 

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Le songe qui m’a éveillé

Certains rêves sont décisifs. Ils nous parlent plus que les autres, nous poussent à changer, nous apportent un autre point de vue sur notre vie. Témoignages de trois rêveurs devenus plus lucides.

Anne-Laure Gannac

Un rêve peut-il inviter à un changement de vie ? Sans doute, répond le psychanalyste Norbert Chatillon qui, dans la lignée de Carl Gustav Jung, rappelle que « le rêve a non seulement une vision causale et analytique mais aussi une vision finale et prospective ». Certains des symboles qu’il propose au rêveur parlent en effet de l’avenir. Il s’agit alors de les saisir pour être « créateur de son futur ». Mais comment ?

« Le rêve n’est pas un GPS ! prévient Norbert Chatillon. Il ne fournit pas un itinéraire qu’il suffirait de suivre immédiatement, mais il donne un éclairage au dialogue entre le moi et l’inconscient sans jamais se réduire à une simple explication rationnelle. Car à chaque fois que l’on tente d’interpréter à la va-vite les symboles d’un rêve, on le fait avec nos repères extérieurs existants, ce qui est donc contraire à la transformation profonde que le rêve contient en lui. »

Le laisser agir

Jung lui-même n’a pas manqué de prévenir des dangers d’une interprétation hâtive et rationalisante : « La compréhension est un pouvoir qui enchaîne furieusement (in Correspondance, 1906-1940, vol. I, Albin Michel, 1992) », écrivait-il.

En d’autres mots, mieux vaut pratiquer la patience : c’est progressivement que le germe du rêve doit se développer en nous, et ainsi permettre la métamorphose. « Les rêves créateurs ne sont donc pas ceux que l’on va interpréter immédiatement – et seulement – au réveil ou après une séance de psy, explique Norbert Chatillon, mais ceux dont nous sentons intuitivement qu’ils vont nous habiter longtemps ; ce sont des rêves accompagnateurs d’une évolution qui se dévoilera chemin faisant. Il faut les laisser agir. »

Marie Lise, Louis et Delphine ont une nuit fait cette expérience déroutante du rêve « créateur » : ils nous racontent comment, à travers ses images et symboles, ils ont intimement perçu un message leur proposant un changement dans leur mode de vie, et comment ils ont accepté de le suivre.

Je pouvais changer

Marie Lise, 53 ans
Il m’a montré que j’avais en moi les moyens de changer la donne

« J’avance dans un endroit lumineux et je rencontre une amie d’enfance : l’air abattu, elle me raconte que son mari est décédé et que l’on vient de lui annoncer qu’elle avait un cancer du sein. Je lui explique que, pour guérir, elle doit absolument cesser de vivre enfermée dans la souffrance du deuil ; je l’exhorte à sortir de cet état de victimisation, à rebondir. Ma première réaction au réveil a été la peur : à cette époque, je vivais dans le traumatisme de la mort de mon mari, survenue deux ans auparavant, et depuis peu, je ressentais des douleurs à un sein. J’ai immédiatement pensé que j’étais en train de me “fabriquer” un cancer. Pourtant, en même temps, j’étais confiante, comme si ce rêve me faisait sentir que j’avais en moi les moyens de changer la donne. Je devais absolument réapprendre à ouvrir mon cœur aux autres, et notamment aux hommes, même si, depuis la mort de mon mari, je me sentais incapable et, surtout, terrorisée à l’idée d’aimer de nouveau.

Ce même matin, sans plus réfléchir, j’ai appelé un ami qui m’invitait depuis longtemps à le rejoindre en Corse. Ç’a été une étape décisive : moi qui n’étais plus qu’une immense blessure, j’acceptais de me réaliser de nouveau en tant que femme ; je choisissais de me rouvrir à la sensualité, à la sexualité et à l’amour, quitte à bouleverser tous mes repères. Trois ans après ce rêve, je vis toujours en Corse avec mon compagnon… »

Marie Lise Labonté est coauteure, avec Nicolas Bornemisza, de Se guérir grâce à ses images intérieures (Albin Michel, 2006).

Prendre soin de moi

Louis, 40 ans
Il était comme une invitation à prendre soin de moi

« Je marche dans la campagne quand, tout à coup, j’entends le crash assourdissant d’un avion qui s’écrase. Au fur et à mesure que je m’approche des débris, une émotion très forte me saisit parce que je réalise que cet avion, c’est moi. Effrayé, je veux faire demi-tour, mais une voix de femme m’incite à m’approcher encore… A mon réveil, j’ai ressenti une profonde tristesse. Je sentais que ce rêve m’indiquait qu’une partie de moi-même était en souffrance, que je me malmenais.

J’ai écrit ce rêve et j’ai réfléchi à ce que chacun de ses éléments représentait pour moi. Il ne faisait pas de doute que cet avion symbolisait mon côté actif, productif. La voix de femme, à l’inverse, m’évoquait la douceur, le repos. Or, j’étais à un moment de ma vie où je mettais toute mon énergie au service de mes ambitions professionnelles. J’ai donc relu ce rêve comme une invitation à prendre davantage soin de moi, à favoriser la détente au détriment de l’action. Dans les jours qui ont suivi, j’ai choisi d’annuler certains projets de travail et de me mettre au vert, sans rien produire. Cela m’a été salutaire car, dans le même temps, j’ai fait des examens sanguins qui m’ont révélé que je développais une mononucléose. Depuis ce rêve, mon rythme de vie a totalement changé. J’ai une cadence de travail raisonnable, je ne fais plus d’extra le week-end, et j’accorde une place majeure aux amis et à ma famille. J’ai cessé de vivre uniquement pour ma carrière, je me sens épanoui. »

Le divorce ne suffisait pas

Delphine, 31 ans
Il m’a fait prendre conscience que le divorce ne suffisait pas

« Je roule sur l’autoroute, mon fils est à l’arrière, sur le siège auto. Soudain, je perds le contrôle de mon véhicule et des mains invisibles se saisissent du volant qu’elles tournent dans tous les sens, tandis qu’un rire sarcastique résonne. Les mains tentent alors de détacher mon fils de son siège, mais je l’attrape et le serre contre ma poitrine pour le protéger… et je me réveille en hurlant. J’étais terrorisée et j’ai passé les heures suivantes sous l’effet de cette angoisse. Je n’ai jamais accordé une importance particulière aux rêves, mais celui-là me hantait.

C’est quelques jours plus tard, alors que je me relaxais le temps d’un massage chez mon ostéopathe, que j’ai tissé des liens entre ce rêve et ma réalité : je venais de quitter mon mari, mais il continuait d’exercer une forte emprise sur moi. Il “dirigeait” ma vie, comme ces mains invisibles qui conduisaient ma voiture à ma place. Ce rêve m’a fait prendre conscience que le divorce ne suffisait pas pour signer une rupture et que si je voulais être seule “au volant” de ma nouvelle vie, je devais rompre tout contact avec lui, au moins momentanément. Dès le lendemain, j’ai cessé de répondre à ses appels. Il a fini par comprendre ; ses coups de fil sont devenus plus rares et, surtout, il a cessé de me donner des conseils quant à la façon dont je devais éduquer notre fils et gérer ma vie de femme. Ce rêve a été un formidable coup de pouce dans mon évolution de mère et de femme divorcée. J’ai enfin la sensation de vivre pleinement mon autonomie. »

 



04/06/2013
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