Les conditions pour faire une TCC : faut-il être stabilisé ? par Vincent Trybou
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Les conditions pour faire une TCC : faut-il être stabilisé ? par Vincent Trybou |
Voici le premier d'une serie de trois (courts) articles rédigés par Vincent Trybou, notre consultant psychologue du CTAH, pour le mois d'avril 2013. Vincent a pioché dans la liste de questions que vous aviez établie il y a environ un an et il répond ici à la question suivante : pour tirer bénéfice d'une thérapie cognitivo-comportementale (TCC), faut-il être stabilisé ?
Commençons déjà par définir ce que nous entendons par « stabilisé ». Stabilisé veut-il dire « guéri » ? Si le patient est guéri, on pourrait dire qu’il n’a pas besoin de thérapie du tout. Moi je dirais, peut être à tort, que « stabilisé » veut dire « bien armé pour amorcer une évolution ». Si la biologie du cerveau n’est pas apaisée, la thérapie est compliquée.
Si la personne est trop déprimée pour réfléchir, trop maniaque pour gérer son impulsivité, trop anxieuse pour s’exposer, trop déprimée pour limiter sa consommation d’alcool, trop suicidaire pour accepter une séparation, on ne peut rien faire en thérapie. La biologie dépasse la personne. On est hors contrôle. Autant dire qu’on n’est pas prêt pour avancer en thérapie. Il me paraît, par exemple, très compliqué de faire une TCC pour les TOC chez un patient cyclothymique non stabilisé (il subit les zigzag, il est impulsif, …) ou quand il y a un état dépressif important qui pompe l’énergie. C’est très dur de gérer des achats compulsifs s’il y a un état mixte ou de l’hypomanie. On ne peut rien construire sur un sol qui s’enfonce ou bouge.
Le patient doit avoir un bon diagnostic et un bon traitement. Quand le traitement est opérationnel depuis quelques semaines ou quelques mois, on commence la thérapie : quels sont les comportements, pensées, situations et émotions qui provoquent ou maintiennent la maladie, provoquent ou maintiennent des fragilités ?
Le traitement aide le cerveau à être mieux régulé chimiquement, calme l’amplitude des oscillations chez le cyclothymique, apaise l’hypersensibilité émotionnelle, l’irritabilité, calme les hypomanies qui fatiguent le cerveau et provoquent les rechutes dépressives. La thérapie, elle, va porter sur l’heure à laquelle se lève et se couche le patient (bon sommeil = moins de rechutes dépressives, moins d'hypomanies, moins de burn out), les rapports amoureux et affectifs (comment je conçois le rapport à l’autre, mes fragilités, ma peur de l’abandon, mes émotions non remises en cause), l’affirmation de soi en entreprise et dans son entourage (j’apprends à dire ce que je pense, je ne me laisse pas faire, sinon cela me déprime ou me rend irritable), sur comment il va gérer ses rituels TOC ou de l’anxiété ou de la Phobie Sociale par exemple (en me confrontant).
Maintenant il est clair que très souvent on voit des patients pas du tout stabilisés par le traitement : ils sentent que le traitement ne les aide pas ou n’a pas d’impact. On décide alors de regarder en thérapie ce qui peut expliquer cela : chez une personne souffrant de dépression chronique, cela peut être (quand ce n’est pas un souci de diagnostic ou de mauvais médicament) un souci d’affirmation de soi, un schéma de pensées trop rigide. Chez un impulsif qui n’arrive pas à être moins impulsif malgré les médicaments, on regarde ses pensées automatiques, sa façon de voir le monde. De même, dans un cas d’agression sexuelle, le traitement vient aider la personne à être moins déprimée, mais c’est la thérapie qui va faire l’essentiel du travail. Ce n’est pas le médicament qui va changer l’état de ce patient.
Pour résumer, c’est une décision qui se fait en bonne intelligence :
Vincent Trybou |