Lutter contre la Stigmatisation en psychiatrie

 

 

Stigmatisation en psychiatrie

Le stigmate se construit à travers ce que Goffman nomme l'identité sociale virtuelle. Elle correspond aux caractéristiques que nous prêtons à une catégorie de personnes (par exemple les « malades mentaux »), alors que l'identité sociale réelle correspond au véritable profil de la personne. C'est lorsque l'écart entre l’identité sociale réelle et l’identité sociale virtuelle devient significatif qu'on peut parler de stigmatisation. Le stigmate « représente un désaccord particulier entre les identités sociales virtuelles et réelles » (Goffman, 1975).  C’est un produit social, lié aux interactions entre différents groupes.

Le processus de stigmatisation

Par le biais des représentations sociales, nous établissons différentes catégories de personnes ou groupes (les schizophrènes, les dépressifs, les bipolaires, etc.), auxquels nous attribuons des caractéristiques communes. Parmi la multitude d'informations dont nous disposons par rapport à une catégorie, nous en sélectionnerons certaines. Cette sélection se fera selon un principe de pertinence qui dépend de notre contexte social et culturel. Lorsque nous rencontrons des personnes appartenant à un groupe identifié, nous aurons tendance à leur attribuer d'emblée ces caractéristiques présélectionnées. On nomme ces croyances préétablies des stéréotypes (par exemple: « les schizophrènes sont violents », « les dépressifs manquent de volonté », « les bipolaires sont ingérables »).
Les représentations sociales liées à ces stéréotypes nous amènent à nous figurer le monde de façon simplifiée. Ils donnent du sens à nos comportements et sont à l’origine d’attitudes stigmatisantes (distance sociale, méfiance, peur) et de comportements discriminatoires (rejet, exclusion).
Pour en savoir plus sur les stéréotypes en santé mentale, cliquer ici.

Les représentations sociales des personnes souffrant de troubles psychiques

L’enquête Santé Mentale en Population Générale , lancée par le Centre Collaborateur de l'OMS en 1998, a mis à jour certaines représentations sociales associées aux termes « fou » et « malade mental ». Parmi les caractéristiques attribuées à ces groupes, les plus fréquemment citées sont :

  • l'irresponsabilité : pour près de 80% des personnes interrogées, le « fou », comme le « malade mental » n'est pas responsable de son état, ni de ses actes. 79% pensent même que le « fou » n'est pas conscient de son état, 58% pour le « malade mental » ;
  • l’incurabilité : le « fou », et, dans une moindre mesure, le « malade mental », sont difficilement guérissables pour une grande partie des interrogés (31% pour le  « fou », 44% pour le « malade mental ») ;
  • la dangerosité : les termes meurtre, viol, inceste, agression sont fréquemment associés au « fou » et au « malade mental ». Pour 40% des personnes interrogées, quelqu’un qui est violent envers les autres, bat sa femme (son mari), ses enfants, est « malade mental ».

Les médias, aussi, véhiculent des stéréotypes sur la maladie mentale, que ce soit à travers la presse, des émissions de télévision ou des fictions. En plus de ceux déjà cités, on y trouve :

  • l’asociabilité : les personnes souffrant de troubles psychiques sont représentées comme étant sans domicile fixe, au chômage, sans famille et amis, dépendantes à l'égard des autres, une charge économique pour la société (Olstead, 2002) ;
  • la déficience intellectuelle : elles ont fréquemment un caractère enfantin et simple d'esprit. 43% des personnages fictifs ayant des troubles psychiques apparaissent comme perdus et confus, parlant avec une voix enfantine et un langage simpliste (Wilson, 1999).

Les conséquences de la stigmatisation

Selon plusieurs travaux de recherche (Thompson et al., 2002 ;  Schulze, 2007 ; Castillo et al., 2007 ; Caria, 2008 ; Thornicroft et al., 2009), les conséquences de la stigmatisation sont multiples :

  • conséquences sur un plan personnel : baisse de l’estime de soi, sentiment de honte, de culpabilité, d’infériorité, stress, isolement
  • conséquences sociales : exclusion du monde du travail, difficultés à obtenir un logement, pertes des droits civiques (pour les personnes sous tutelle ou curatelle), difficultés d’adaptation, marginalisation
  • conséquences sur les soins : difficultés d’accès aux soins, abandons thérapeutiques, privations de liberté, manque d’information

Ces facteurs participent à l’exclusion sociale des personnes souffrant de troubles psychiques et réduisent leurs chances de guérison.

Campagnes de déstigmatisation

La lutte contre la stigmatisation des personnes souffrant de troubles psychiques a fait l’objet de nombreuses initiatives au niveau politique et associatif ces dernières années :

  • la Conférence ministérielle européenne de l'OMS (Helsinki 2005) : elle a mis l'accent sur la lutte contre la stigmatisation des personnes atteintes de troubles psychiques, qu'elle qualifie comme un problème majeur.
  • la Commission Européenne a lancé un livre vert le 14 octobre 2005 intitulé « Améliorer la santé mentale de la population. Vers une stratégie sur la Santé Mentale pour l'Union Européenne ». Elle dénonce certaines attitudes de l'opinion publique : « les malades mentaux et les personnes mentalement diminuées se heurtent à des appréhensions et à des préjugés qui augmentent les souffrances personnelles et aggravent l'exclusion sociale. ».
    L’ « European pact for mental health and well-being » proposé lors de la conférence de Bruxelles en juin 2008 a intégré la lutte contre la stigmatisation et l’exclusion sociale parmi ses 5 axes d’actions prioritaires.
  • En France, le « Plan Psychiatrie et Santé mentale 2005-2008 » prévoyait des « campagnes de communication à long terme et en différents volets », afin d’améliorer l’information du grand public sur certains troubles (dépression, schizophrénie).

De nombreuses initiatives associatives ont vu le jour ces dernières années pour lutter contre la stigmatisation en Psychiatrie. En France, on peut notamment citer la campagne de sensibilisation « Accepter les différences, ça vaut aussi pour les troubles psychiques ».  Elle a été  lancée en 2005 par le Centre collaborateur de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS) en partenariat avec la Fédération nationale des patients en psychiatrie (FNAPSY), l'Union Nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM) et l'Association des Maires de France (AMF). Il s'agit de la première campagne de sensibilisation aux troubles psychiques en France.
Elle avait pour objectif d’initier un changement de perception des troubles mentaux par le grand public et de lutter contre la discrimination et l'exclusion des personnes ayant des troubles psychiques en cherchant à faire passer un message de tolérance (à travers des affiches, spots TV, annonces dans la presse générale et spécialisée, des brochures d'information ciblées et la création d'un site internet).

Au niveau international, les pays anglo-saxons se sont beaucoup engagés dans les campagnes anti-stigmatisation. Quelques initiatives en témoignent :

  • « Rethink’s Antistigma Campaign » (Irlande)
  • « Campaign for Mental Health Recovery » (USA)
  • « Changing Minds » (Grande Bretagne)
  • « See me Scotland » (Ecosse)
  • « Open the doors » (programme international porté par l’Association de psychiatrie internationale visant à lutter contre la stigmatisation des personnes souffrant de troubles schizophrèniques).

Pour en savoir plus sur les outils de déstigmatisation, cliquer ici.

Rédaction

Synthèse réalisée par Marc Oeynhausen, octobre 2011.



13/04/2013
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