Maladie maniaco-dépressive ou troubles bipolaires

 

 

Henry C, Gay C: Maladie maniaco-dépressive ou troubles bipolaires. Encyclopédie Orphanet, janvier 2004 http://www.orpha.net/data/patho/FR/fr-troublesbipolaires.pdf

Maladie maniaco-dépressive ou troubles bipolaires


Auteurs : Dr Chantal Henry1, Dr Christian Gay

Date de création : janvier 2004

Editeurs scientifiques : Pr Marion Leboyer, Pr Paolo-Lucio Morselli

1

Hôpital Charles Perrens, Bâtiment Lescure, 121, rue de la Béchade, 33076 Bordeaux cedex. henry@bordeaux.inserm.fr

Résumé

Mots-clés

Nom de la maladie et de ses synonymes

Définition

Fréquence

Description clinique

Manifestations de la maladie

Commentaires sur le diagnostic différentiel

Etiologie

Evolution de la maladie

Traitement

Prise en charge pédagogique

Etat de la recherche clinique

Bibliographie

Résumé

Les troubles bipolaires sont caractérisés par la survenue généralement répétée d'épisodes dépressifs, maniaques, hypomanes ou mixtes, séparés par des périodes au cours desquelles les sujets sont

a priori indemnes de dysfonctionnement psychique majeur. Les troubles de l’humeur ont été baptisés successivement psychose maniaco-dépressive, maladie maniaco-dépressive puis selon les classifications actuelles troubles bipolaires. Il s’agit d’une pathologie fréquente dont la prévalence sur la vie entière au sein de la population générale est estimée à environ 1 à 2%. Son déterminisme est complexe, il associe des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux. L'existence d'une vulnérabilité génétique vis-à-vis de la maladie maniaco-dépressive est établie depuis longtemps. Elle repose sur l'observation d'une augmentation du risque de présenter la maladie chez les apparentés de premier degré (10%) ; les études de jumeaux donnent également des arguments en faveur de cette hypothèse. Le traitement des troubles bipolaires repose sur le traitement des accès aigus et sur la prévention des rechutes. Si les traitements médicamenteux sont essentiels, il est indispensable de proposer une aide psychologique adaptée au patient et à son entourage immédiat. Dans une grande proportion des cas, lorsque le traitement préventif des rechutes est correctement suivi le retentissement social, relationnel et professionnel est minime.


Mots-clés

psychose maniaco-dépressive, fluctuation de l’humeur, dépression, manie,, hypomanie, oscillations thymiques, lithium, valproate, carmazépine

 

Nom de la maladie et de ses synonymes

Psychose maniaco-dépressive

Maladie maniaco-dépressive

Troubles bipolaires

Définition

Ces troubles de l’humeur ont été baptisés successivement psychose maniaco-dépressive, maladie maniaco-dépressive puis selon les classifications actuelles troubles bipolaires.

Les troubles bipolaires sont caractérisés par la survenue généralement répétée d'épisodes dépressifs, maniaques, hypomanes ou mixtes séparés par des périodes au cours desquelles les sujets sont a priori indemnes de dysfonctionnement psychique majeur.

Dans les années 60, les troubles unipolaires caractérisés par des épisodes dépressifs récurrents et les troubles bipolaires ont été séparés en deux entités distinctes.

Fréquence

Il s’agit d’une pathologie fréquente dont la prévalence sur la vie entière au sein de la

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population générale est estimée à environ 1 à 2%. Ce trouble est aussi fréquent chez l'homme que chez la femme. Le diagnostic de trouble bipolaire devra toujours être évoqué face à un épisode dépressif. Il reposera sur la recherche auprès du patient et de sa famille d’une alternance de manies ou d’hypomanies et d’épisodes dépressifs. Cette démarche se justifie d’une part, pour éviter la récurrence des épisodes thymiques et de leurs conséquences et d’autre part, dans la mesure où il existe un traitement préventif des rechutes.

Quelques chiffres permettent appréhender l’importance de cette démarche :

- il se passe en moyenne 8 ans entre le début des troubles et le fait que le diagnostic correct soit posé

- 73% des patients reçoivent au moins 1 diagnostic incorrect

- 3 à 5 médecins sont vus avant que le bon diagnostic ne soit posé

Malheureusement cela n’est pas sans conséquence : la mortalité est 2,5 fois plus importante que dans la population générale, et 19% des patients non traités décèdent par suicide (Goodwin et Jamison, 1990). De plus le risque de désinsertion familiale, sociale et professionnelle augmente avec le retard dans la prise en charge.

Description clinique

Les troubles bipolaires sont caractérisés par une vulnérabilité à présenter des fluctuations marquées de l’humeur de manière récurrente. Les caractéristiques des accès et leur évolution dans le temps permet de distinguer plusieurs formes cliniques. Cette pathologie est en effet extrêmement hétérogène, cependant chaque patient présente ses propres symptômes qui dans la majeure partie des cas se répéteront à l’identique.

Il est classique d’individualiser deux types principaux de troubles bipolaires : le trouble bipolaire I et le trouble bipolaire II.

Le trouble bipolaire de type I

 

 

 

est le plus typique, il est caractérisé par un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes habituellement accompagnés d’épisodes dépressifs majeurs (le trouble sera qualifié de bipolaire même en l’absence d’épisode dépressif).


Le diagnostic de trouble bipolaire II

 

 

 

sera posé lors de l’association d’au moins un épisode dépressif majeur et d’un épisode d’hypomanie. Bien que l’hypomanie corresponde à une forme atténuée de la manie, la forme bipolaire de type II n’en reste pas moins invalidante et le taux de mortalité de ces patients est tout aussi important.


Citons également le trouble bipolaire de type III

 

 

 

pour lequel il n’existe pas de consensus de définition. Pour certains auteurs, il s’agit de troubles associant des dépressions récurrentes et des antécédents familiaux de troubles bipolaires ou bien, des dépressions survenant chez des patients présentant un tempérament de base particulier de type hyperthymique ou cyclothymique ou encore, de patients qui ont présenté au moins un virage de l’humeur induit par antidépresseur.


Il existe également des états « frontières »

 

 

 

qui sont des formes atténuées de la maladie. Entre dans ce cadre, le trouble cyclothymique définit par l’existence, pendant au moins deux ans, de fluctuations de l’humeur, caractérisées par la présence de symptômes dépressifs alternant avec des symptômes hypomaniaques sans que ces oscillations thymiques puissent répondre aux critères d’un épisode caractérisé. Ce trouble peut évoluer ultérieurement vers un trouble bipolaire de type I ou II, il est fréquemment retrouvé chez les apparentés de patients maniaco-dépressifs.


L’âge de début

 

 

des troubles est très variable en fonction de la définition retenue pour en faire l’évaluation. L’âge moyen de survenue de la maladie se situe entre 20 et 25 ans, cependant il apparaît de plus en plus évident qu’il existe des formes à début précoce entre 13 et 15 ans. Un début précoce de la maladie semble prédictif d’un trouble plus sévère avec notamment des rechutes plus fréquentes, la présence d’éléments psychotiques au cours des accès, un plus grand nombre d’épisodes maniaques et davantage de sujets atteints parmi les membres de la famille (30%). A l’inverse, il existe des formes à début tardif après l’âge de 50 ans.


L’évolution longitudinale

 

 

 

des accès permet de définir des formes particulières du trouble. Ainsi, il peut exister un caractère saisonnier lorsque les épisodes dépressifs majeurs présentent une récurrence et une rémission à une période particulière de l’année. Dans la plupart des cas, les épisodes dépressifs débutent à l’automne ou en hiver et guérissent au printemps.


Les cycles « rapides

 

 

 

»

Depuis 1974, un sous-groupe dit à cycles rapides a été défini par la présence d’au moins 4 épisodes thymiques au cours des 12 derniers mois. Chacun de ces épisodes peut être un épisode dépressif majeur, maniaque, hypomaniaque ou mixte et il doit exister une période de rémission entre les épisodes d’au moins 2 mois ou bien les fluctuations thymiques doivent correspondre à un virage de l’humeur vers un épisode de polarité opposée. L’individualisation de ce sous-groupe semble se justifier par une réponse moins bonne au traitement par lithium et par une prévalence de 70 à 90% chez les femmes. Ces cycles rapides peuvent survenir puis disparaître à tout moment

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au cours de l’évolution d’un trouble bipolaire, mais leur survenue pourrait être favorisée par l’utilisation d’antidépresseur.

Manifestations de la maladie

L’épisode dépressif

Critères diagnostiques de l’épisode dépressif

L’humeur

 

 

est triste et ce sentiment est généralement présent tout au long de la journée et assorti de ruminations douloureuses dominées par le sentiment d’incapacité, d’inutilité, de culpabilité et d’incurabilité. Ce sentiment prégnant est peu sensible à la réassurance et l’entourage échoue dans ces tentatives de stimulations qui généralement ne font qu’aggraver le sentiment d’incapacité du patient. Tout au plus celui-ci répondra aux sollicitations par de l’irritabilité. Finalement, le sujet s’installe dans un désintérêt pour le monde environnant ainsi qu’une incapacité à éprouver du plaisir (anhédonie). Au-delà de cette douleur morale, un sentiment de véritable anesthésie affective peut envahir le sujet, le renvoyant à une incapacité à ressentir des affects.

La tristesse peut s’accompagner d’angoisses plus ou moins envahissantes.

L’altération des processus cognitifs

 

 

peut être également très marquée et s’apparente à un ralentissement et une pauvreté du contenu idéïque, entraînant des difficultés pour se concentrer. L’attention devient fluctuante, la concentration difficile voire impossible, la compréhension limitée, le raisonnement entravé et la mémoire inopérante. Ceci renforce la mésestime de soi éprouvée par le patient. La communication avec l’autre est coupée et le patient se décrit souvent comme « décalé » dans ses relations interpersonnelles.


La composante motrice et motivationnelle

 

 

constitue le troisième volet fondamental de la dépression. L’aspect du patient est contaminé par ce ralentissement qui se traduit par l’appauvrissement des gestes et de la mimique. La démarche est lente et fastidieuse. Le patient reste le plus souvent prostré au fond de son lit et se plaint d’une grande lassitude. Dans ce contexte, il est facile de concevoir que les activités les plus élémentaires comme s’habiller ou se laver ne sont réalisées qu’au prix d’efforts considérables voire sont impossibles à effectuer. A un degré moindre, les patients se plaignent d’une asthénie, d’une plus grande fatigabilité ou encore d’une difficulté à initier les activités.

A cette symptomatologie, se surajoutent des

perturbations somatiques à type de perte d’appétit avec pour conséquence fréquente une perte de poids, des troubles du sommeil avec difficultés d’endormissement. Plus typiquement il s’agit d’une insomnie de fin de nuit. Dans certaines formes de dépression il peut exister également un cortège de plaintes somatiques à type de céphalées, de phénomènes anxieux avec manifestations somatiques, de troubles digestifs.

Le risque majeur est le

passage à l’acte suicidaire.


Les formes cliniques des accès dépressifs

Les épisodes dépressifs sont variables dans leur sévérité. Bien que le DSM-IV (the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - Fourth Edition) les qualifie tous de « majeurs » – qu’il faut entendre dans le sens de caractérisé–, leur intensité peut être graduée de légère à sévère. Ainsi, tous les tableaux cliniques de dépression, du plus banal au plus marqué, peuvent se rencontrer au cours de la maladie maniaco-dépressive. Cependant certaines formes graves devront faire évoquer systématiquement le diagnostic de trouble bipolaire.

Ainsi, ce diagnostic devrait être évoqué lorsqu’il existe une accentuation matinale des troubles avec une morosité persistante, peu mobilisable par les événements positifs intercurrents, et accompagnée d’une diminution marquée des intérêts et des plaisirs qui sont les caractéristiques de la mélancolie. Il en va de même dans les formes cliniques avec caractéristiques psychotiques (idées délirantes et /ou hallucinations) qui constituent le tableau classique de mélancolie délirante. Les thèmes délirants les plus fréquemment rencontrés sont dits congruents à l’humeur c’est-à-dire de tonalité négative, en accord avec la tristesse de l’humeur. Il s’agit d’idées délirantes d’incurabilité, d’indignité, de ruine, de culpabilité ou encore d’idées délirantes hypocondriaques. Peuvent également être présentes des idées non congruentes à l’humeur et notamment à thème de persécution.

Enfin, lorsque le tableau est dominé par une inhibition motrice et un mutisme interrompus uniquement par des réactions motrices paradoxales on évoque le diagnostic d’épisode dépressif majeur avec caractéristiques catatoniques ou mélancolie stuporeuse.

Quelques particularités cliniques de l’état dépressif bipolaire par rapport aux autres états dépressifs

Les dépressions bipolaires ont un début plus précoce que les dépressions unipolaires. Elles sont également plus à risque suicidaire et sont plus souvent associées à des éléments psychotiques. De plus, la symptomatologie retrouvera plus fréquemment : une hypersomnie (à la place de l’insomnie), une hyperphagie à la place de la perte d’appétit (notamment avec une appétence pour le sucré), un ralentissement moteur important, un ralentissement des processus idéiques, un émoussement affectif, un état plus sévère le matin avec difficultés importantes pour se mettre en route, et un risque de virage de l’humeur sous antidépresseur.

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L’épisode maniaque

Critères diagnostiques de l’épisode maniaque

La symptomatologie de l’épisode maniaque est généralement décrite comme l’inverse de celle de l’épisode dépressif et concerne également l’humeur, les facultés cognitives, et les comportements moteurs et motivationnels.

Dans un désir de parfaite symétrie,

l’humeur est généralement considérée comme euphorique et expansive, renvoyant à une image un peu caricaturale du patient maniaque heureux, prompt aux plaisanteries, enthousiaste et empreint d’un optimisme à toute épreuve. Il semblerait cependant que ce qui caractérise le mieux l’humeur du maniaque soit une hyper réactivité émotionnelle, c’est-à-dire une augmentation de l’amplitude des émotions ou encore, une capacité exagérée mais syntone – en résonance avec le contexte – à ressentir les affects. Bien qu’il puisse exister une tonalité de base relativement uniforme, la coloration des affects peut être très fluctuante. Cette labilité émotionnelle conduit très souvent les patients à osciller entre l’euphorie, l’irritabilité, la tristesse, voire l’angoisse.

Les

facultés cognitives font l’objet d’une accélération des processus idéiques donnant l’impression au sujet que ses idées défilent (tachypsychie). Le discours se traduit par une logorrhée intarissable avec fuite des idées, émaillé de jeux de mots souvent construits sur des associations par assonance. La cohérence du discours est parfois altérée par la multitude de coq-à-l’âne. L’accélération idéique confère au sujet une impression de supériorité intellectuelle qui augmente son estime de soi. De manière générale le sujet a un plus grand besoin de communiquer et peut faire preuve d’une familiarité parfois grossière.


La composante motrice et motivationnelle

 

 

est la plupart du temps mue par la même agitation fébrile. Le patient est sans cesse en activité, mais malheureusement cette hyperactivité est le plus souvent stérile. Au gré de cette frénésie comportementale, les débordements instinctuels sont fréquents. Ils peuvent prendre la forme d’alcoolisation massive, de désinhibition sexuelle ou de transgression des interdits sociaux.

Parmi

les perturbations somatiques, les troubles du sommeil à type d’insomnie sont les plus fréquents. La réduction du besoin de sommeil peut être majeure, le sujet ne dormant que 2 à 3 heures par nuit sans pour autant ressentir des signes de fatigue. De manière symétrique, une réduction du temps de sommeil circonstancielle peut favoriser la survenue d’un accès maniaque. Au cours d’un épisode maniaque, il existe très souvent un amaigrissement.


Les formes cliniques des états d’agitation

Comme pour les épisodes dépressifs majeurs, la sévérité de l’accès maniaque peut être variable. Ainsi, aux symptômes précédemment décrits peuvent se surajouter des idées délirantes et des hallucinations. Le plus souvent leur contenu est congruent à l’humeur avec notamment une nette propension à la mégalomanie, enrichie souvent d’éléments mystiques et d’idées délirantes de référence (impression que la télévision ou les journaux contiennent des messages personnels). Les thèmes délirants de persécution peuvent être soit congruents à l’humeur s’ils sont en relation directe avec les idées de grandeur (la persécution est dans ces cas la conséquence du pouvoir ou de l’importance particulière du sujet), soit non congruents au même titre que les idées de pensées imposées ou de diffusion de la pensée (ces deux derniers thèmes délirants sont beaucoup plus rares). La présence de certains de ces éléments conduit au diagnostic d’épisodes maniaques avec caractéristiques psychotiques congruentes ou non à l’humeur selon le DSM-IV et correspond à la manie délirante de la nosographie classique.

A côté de ces formes sévères, il existe une forme atténuée qualifiée d’

hypomanie. Les troubles sont du même registre que ceux de la manie mais sont généralement d’une intensité moindre et d’une durée plus courte (ils doivent toutefois être présents pendant au moins 4 jours selon le DSM-IV). Bien que marquant un état clairement différent du fonctionnement habituel, l’intensité de l’épisode n’entraîne pas une incapacité professionnelle ou sociale.


Les formes cliniques de manies avec des éléments dépressifs : les états mixtes

Les états mixtes définis par le DSM-IV nécessitent de répondre à la fois aux critères d’épisode dépressif (mis à part le critère de durée de 2 semaines) et d’accès maniaque. Ces états mixtes représenteraient environ 30% des états d’agitation. Il s'agit généralement d'un état d'agitation avec une augmentation de la réactivité émotionnelle mais avec une prépondérance d'affects tristes, irritables ou anxieux.

Commentaires sur le diagnostic différentiel

Devant un épisode dépressif majeur ou un épisode maniaque, il convient d’éliminer en premier lieu un

trouble de l’humeur dû à une affection médicale générale. Les pathologies pouvant entraîner des troubles de l'humeur sont principalement : les maladies neurologiques (ex : maladie de Parkinson), les accidents vasculaires cérébraux, les maladies endocriniennes (ex : problèmes thyroïdiens, maladie du cortisol), les maladies auto-immunes (ex : lupus érythémateux)...

Certains médicaments ou certains toxiques peuvent également entraîner des troubles de l'humeur (interféron, cocaïne).

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Lorsqu’il existe une humeur irritable au premier plan, il peut être difficile de différencier un épisode dépressif d’un

état maniaque avec humeur irritable ou d’un état mixte. Etant donné qu’il existe parfois un biais dans le report des symptômes par le patient qui généralement met l’accent sur les symptômes dépressifs, il convient de rechercher soigneusement la présence de symptômes maniaques.

Des symptômes d’ordre émotionnels en réaction à un facteur de stress ne doivent pas être considérés systématiquement comme un épisode dépressif, et donc traités comme tels, si l’évolution des troubles est inférieure à deux semaines.

De même, on portera le diagnostic de deuil et non d’épisode dépressif en cas de perte d’un être cher sauf si les troubles persistent au-delà de deux mois.

Le diagnostic différentiel entre épisode maniaque et trouble du déficit de l’attention et d’hyperactivité se fera sur le début d’apparition des troubles, l’évolution chronique ou cyclique, la notion d’expansivité et d’élévation de l’humeur associée à l’activité excessive.

Etiologie

Il s'agit d'une maladie à déterminisme complexe associant des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux.

L'existence d'une vulnérabilité génétique vis-à-vis de la maladie maniaco-dépressive est établie depuis longtemps. Elle repose sur l'observation d'une augmentation du risque de présenter la maladie chez les apparentés de premier degré (10%) en comparaison à sa fréquence dans la population générale (1%). Les études de jumeaux donnent également des arguments en faveur d'un déterminisme génétique. Chez les jumeaux monozygotes (100% des gènes en commun) les deux jumeaux seront atteints dans 65% des cas, contre seulement 20% chez les jumeaux dizygotes. Cependant, jusqu'à ce jour aucun gène majeur n'a été trouvé et il est vraisemblable que cette affection est probablement hétérogène dans son expression clinique comme dans son déterminisme génétique.

Sur ce terrain génétique, de nombreux facteurs psycho-environnementaux sont susceptibles de précipiter la survenue d'accès thymiques ou le déclenchement de la maladie. Ainsi, les événements traumatiques précoces peuvent favoriser l'émergence du trouble ou le rendre plus sévère. De nombreux facteurs de stress peuvent également être responsables du déclenchement des épisodes.

Evolution de la maladie

Dans une grande proportion des cas, lorsque le traitement préventif des rechutes est correctement suivi, le retentissement social, relationnel et professionnel est minime. Cependant, certains facteurs peuvent entacher le pronostic des troubles de l’humeur. C’est le cas notamment

des troubles comorbides c'est-à-dire des maladies associées telles que les problèmes liés à l'alcool, les toxicomanies ou encore les troubles anxieux qui sont souvent méconnus, de ce fait non traités et qui aggravent considérablement le pronostic.

Le risque majeur encouru par les patients bipolaires est le

suicide. Une analyse regroupant plusieurs études et concernant plus de 9000 patients a montré que 19 % des sujets maniaco-dépressifs non traités décédaient par suicide. Réciproquement, 40 à 60% des suicidants souffriraient de troubles de l’humeur unipolaire et bipolaire confondus.


Traitement

Le traitement des troubles bipolaires repose sur le traitement des accès aigus et sur la prévention des rechutes. Si les traitements médicamenteux sont essentiels, il est indispensable de proposer une aide psychologique adaptée au patient et à son entourage immédiat.

Traitement des accès dépressifs

Les caractéristiques de l’accès dépressif vont guider la conduite à tenir et en premier lieu évaluer la nécessité d’une hospitalisation. Celle-ci se justifiera lors de la présence d’éléments psychotiques et/ou d’un risque suicidaire. En cas de refus de la part du patient il conviendra d’avoir recours à une mesure d’hospitalisation à la demande d’un tiers (loi du 27 juin 1990) dans un établissement spécialisé. Le séjour à l’hôpital sera assorti de mesures de surveillance étroites et continues afin de prévenir toutes velléités de passage à l’acte suicidaire.

Les recommandations actuelles selon l'American Psychiatric Association (APA) pour le traitement des épisodes dépressifs lorsqu’ils surviennent au cours d’un trouble bipolaire sont:

initiation du lithium ou d’un autre thymorégulateur

les antidépresseurs doivent être associés à un régulateur de l'humeur

en cas d’inefficacité ou encore lorsque le pronostic vital est en jeu l’électroconvulsivothérapie (ECT) peut s'avérer nécessaire.

les antidépresseurs de premiers choix sont les inhibiteurs de recapture de la sérotonine

en cas de symptômes psychotiques, il peut être nécessaire d'ajouter un antipsychotique.

En ce qui concerne

le traitement médicamenteux antidépresseur, le choix de la molécule est orienté d’une part par le respect des contre-indications, la notion d’une efficacité antérieure, et d'autre part par la séméiologie de l'accès.

On évitera, chez les patients atteints de troubles bipolaires, les agents tricycliques susceptibles

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d'induire des virages maniaques ou des cycles rapides.

L'effet thérapeutique apparaît dans un délai de deux semaines et l'absence de réponse au bout de six semaines justifie un changement de traitement.

La durée du traitement des épisodes dépressifs des patients bipolaires est moins bien codifiée du fait du risque de virage et les 4 à 6 mois habituellement préconisés ne sont pas forcément justifiés.

Traitement des accès maniaques, hypomaniaques ou mixtes

L'accès maniaque justifie la plupart du temps une hospitalisation qui pourra, comme pour l'épisode dépressif, s'effectuer de façon contrainte. Il conviendra également d'évaluer la nécessité de mesures de protection, au premier rang desquelles figure la sauvegarde de justice si l'on suspecte des dépenses inconsidérées ou tout acte contraire aux intérêts personnels du patient.

L'entretien s'attachera à retrouver la prise de produits susceptibles de favoriser l'émergence de cet état, tels que les antidépresseurs, les corticoïdes ou les psychostimulants.

Le traitement de référence reste à ce jour le lithium (Téralithe®). Il possède des propriétés curatives propres vis-à-vis des accès maniaques, au même titre que le divalproate ou le valpromide

(Depakote® ou Dépamide®) et les antipsychotiques. Selon l'American Psychiatric Association, les recommandations actuelles pour le traitement des épisodes maniaques ou mixtes sont:

lithium ou valproate associé à un antipsychotique

pour des états maniaques modérés une monothérapie par lithium, valproate ou par olanzapine (Zyprexa®)est possible

d’autres antipsychotiques tels que la ziprasidone ou la quetiapine sont des alternatives possibles aux Etats-Unis

la carbamazepine (Tégrétol®) ou l’oxcarbazepine peuvent également remplacer le lithium ou le valproate.

l’adjonction d’une benzodiazépine durant une courte durée peut également être utile

inversement les antidépresseurs pouvant déclencher ou aggraver les états maniaques et les états mixtes doivent être arrêtés lors de la survenue d’épisode maniaque.

dans les cas plus rares de manies extrêmement sévères, de contre-indication ou de résistance aux traitements précités, le recours à l' électroconvulsivothérapie, qui est également curatif de la manie, peut se justifier.

Le choix du traitement de la manie sera guidé, comme pour les antidépresseurs par la clinique. A titre d’exemple le valproate serait plus efficace que le lithium dans les états mixtes. D’autre part, on veillera toujours à optimiser l’efficacité des régulateurs de l’humeur en réajustant les posologies.

Le délai de guérison

Tandis que l'évolution spontanée des accès maniaques vers la guérison nécessite en moyenne 4 à 6 mois, un traitement adéquat permet d'obtenir en moyenne un retour à l'état de base au bout de 4 à 6 semaines. Il est alors nécessaire de s'assurer d'une bonne compliance ultérieure vis-à-vis des soins prodigués, fondée sur une bonne connaissance de la part du patient de sa pathologie et sur une alliance thérapeutique avec le psychiatre.

Traitement prophylactique des rechutes

Le trouble bipolaire étant caractérisé par la récurrence des troubles, le risque de récidive justifie la mise en oeuvre d'un traitement prophylactique. A l'heure actuelle, il est admis que ce traitement peut être débuté dès le premier épisode maniaque ou mixte.

Les recommandations que préconisent l’APA sont :

- le lithium (Téralithe®, Neurolithium®), ou le valproate (Depakote ou Dépamide®) en première intention avec comme alternatives possibles la carbamazépine (Tégrétol®) ou l’oxcarbazepine (Trilepsal®) ou la lamotrigine (Lamictal®).

- la prescription d'un antipsychotique au long cours ne doit pas être systématique et doit être soumise à évaluation.

Précaution d’utilisation des thymorégulateurs

Le lithium

La mise en place d'un traitement par le lithium nécessite un bilan cardiaque, rénal, thyroïdien, et un test de grossesse pour les femmes en âge de procréer. Le mise en route du traitement par le lithium s'effectue toujours de façon progressive jusqu'à l'obtention d'une lithémie plasmatique comprise entre 0,6 et 1 mmole/litre pour le Téralithe® 250 et entre 0,8 et 1,2 mmole/litre pour le Téralithe® LP 400.

La surveillance de la tolérance nécessite le dépistage d'éventuels signes de surdosage parmi lesquels une asthénie, des nausées, une diarrhée, une hypotonie, des tremblements, une dysarthrie (difficulté à articuler), des vertiges, une vision trouble.

La surveillance au long cours comprend un bilan thyroïdien (risque d’hypothyroïdie) et rénal régulier et une évaluation du poids.

Dans la mesure où il 'agit d'un traitement préventif, la prescription de lithium peut se concevoir comme un traitement à vie. Cette efficacité préventive peut n'être pleinement effective qu'au bout de deux ans de traitement.

En cas de souhait de la part du patient d'interrompre le traitement, il importe de l'informer

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sur le risque important de rechutes (50% de rechutes à trois mois en cas d'arrêt brutal).

Lorsque les effets secondaires sont trop importants, on peut proposer une réduction de la posologie ou un changement de thymorégulateur. Ici encore, la compliance au traitement tire profit d'une bonne connaissance de la part du patient de son trouble, de l’efficacité du traitement et du contrôle de ses effets secondaires.

Les autres thymorégulateurs

• La carbamazépine nécessite une adaptation posologique très progressive afin d’éviter des perturbations hépatiques et un rash cutané. La surveillance de ce traitement comprend un bilan biologique sanguin ainsi qu’un dosage plasmatique (fourchette thérapeutique comprise entre 6 et 12 μg/ml.

• Le valpromide et le divalproate nécessitent globalement les mêmes précautions d’emploi. La posologie sera établie en fonction du dosage plasmatique qui devra être compris dans une fourchette de 50 à 100 μg/ml.

Prise en charge pédagogique

Au delà du traitement médicamenteux, il est indispensable d’apporter au patient et à son entourage un

soutien pédagogique et psychologique. En effet, le patient devra apprendre à gérer sa vulnérabilité. A cette fin, il est nécessaire qu’il connaisse parfaitement son trouble et qu’il puisse repérer une symptomatologie atténuée annonçant une éventuelle décompensation. Assortie d’une bonne alliance thérapeutique, il devient alors possible de contrôler la plupart des fluctuations thymiques en ambulatoire et d’éviter le recours aux hospitalisations.

La famille proche sera également sensibilisée au repérage de ces prodromes.

Le respect de certaines règles hygiéno-diététiques telles que avoir un temps de sommeil régulier, éviter des périodes de surmenage et contrôler la prise d’alcool et de psychostimulants, permettent une évolution favorable.

La gestion des évènements de vie stressants s’appuiera sur le renforcement momentané du soutien psychologique. Enfin, certains patients pourront bénéficier de la mise en oeuvre de psychothérapies plus structurées.

Etat de la recherche clinique

Bibliographie

Livres généraux

Cuche H

 

 

, Gerard A. Je vais craquer, Ed Flammarion, Paris, 1988


Gay C

 

 

et Genermont JA. Vivre avec des hauts et des bas. Un psy et un patient racontent. Ed. Hachette littératures, Paris, 2002


Hardy-Bayle MC

 

 

, Hardy P. Maniaco-dépressif. L’histoire de Pierre, Ed Odile Jacob, Paris, 1996


Jamison KR

 

 

. De l’exaltation à la dépression, Ed Robert Laffont, coll. Réponses, Paris, 1997


Rochet M

 

 

. Des hauts et des bas qui perturbent votre vie. Ed. Chiron, Montigny-le-Bretonneux, 2002


Livres plus spécialisés

Bellivier F

 

 

., Leboyer M. Facteurs de vulnérabilité dans la maladie maniaco-dépressive. Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Elsevier. Paris. Psychiatrie ,1997, Fa 37-3220-A-10.


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11/04/2013
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