PARTICULARITES DU TRAVAIL INFIRMIER EN MILIEU CARCERAL

PARTICULARITES DU TRAVAIL INFIRMIER

EN MILIEU CARCERAL

Equipe U.C.S.A. Colmar

Pourquoi avoir choisi d'aborder ce thème ?

La prison revêt un cadre, une structure, des personnes différentes de l'hôpital où nous avons été formés. Ainsi, nous devenons des soignants particuliers dont les spécificités seront abordées dans un premier temps à travers notre travail infirmier et enfin dans nos relations professionnelles.

1) Le travail infirmier

a) Les locaux

L'U.C.S.A. de Colmar dispose d'un espace vital délimité par une grande grille blanche, en pleine détention : quatre pièces la composent.

Ce rempart et garde-fou de notre sécurité nous permet de ne pas oublier que nous sommes vulnérables. En effet, être soignant en prison vous oblige à respecter des règles de sécurité importantes (être porteur d'une alarme - fermeture des locaux - proximité de boutons d'alarme en cas de danger...)

Nos déplacements sont comptés. Nous n'avons pas de clé pour accéder aux cellules, d'où la nécessité d'être accompagnés par un surveillant, ange gardien de notre sécurité, lors des soins. De plus, nous avons un surveillant détaché à l'Infirmerie tous les matins : pas toujours facile de respecter le secret professionnel, d'où l'évidence de bien collaborer. Tout ceci dénote une certaine pesanteur, une pression visuelle dans notre fonctionnement. Dire que la liberté n'a pas de prix prend ici une vraie signification. Nous voilà "oiseau blanc dans une cage ultra-surveillée". Mais nous avons choisi de travailler en prison et notre adaptation se fait pas à pas. N'oublions pas que nous portons un regard extérieur et sommes, pour certains détenus, une bouffée d'oxygène. Sentiment renforcé par notre isolement du monde extérieur, de l'hôpital et de ses services qui souvent ignorent notre existence.

b) Fonction polyvalente

Autre particularité, la polyvalence de notre fonction dans la mesure où nous intervenons dans différents domaines :

- médecine générale - stomatologie

- psychiatrie - dermatologie

- ophtalmologie - petite chirurgie

avec pour chaque spécialité une façon de travailler, une certaine adaptation entraînant des changements de nos habitudes de travail (nous sommes présents lors de toutes les consultations), une connaissance du matériel (exemple pour le dentaire...), une remise à niveau par le biais de formations (urgences, traumatologie,...) et un certain travail d'organisation, de gestion administrative, afin de créer une unité de soins à part entière et disponible.

En effet, lors d'urgences (T.D.S. par pendaison, phlébotomie...), nous devenons des secouristes très mobiles, emmenant notre matériel d'urgence afin d'éviter toute perte de temps. Ceci génère parfois un grand stress, voire une certaine panique en arrivant sur les lieux. Rappelez-vous de votre première intervention ? Car nous devons en quelques minutes recueillir les données, analyser la situation, avant d'appeler ou non le SAMU, prodiguer les premiers soins à même le sol, parfois dans une cellule, sous le regard des surveillants ou de codétenus. Bref, garder son "self-control" n'est pas toujours évident et le soutien du surveillant ou du détenu devient alors notre planche de salut, avant l'arrivée des secours.

Ainsi, dans ce décor à l'abri des regards, cette trilogie annonce des relations directes voire particulières que nous allons aborder.

2) Le travail relationnel

a) Critères relationnels

La relation, dimension de notre rôle propre infirmier, est capitale en prison. En effet, les demandes verbales des détenus, leurs comportements, sont des indicateurs pour instaurer une communication.

L'accueil des nouveaux arrivants, par exemple, est un moment privilégié pour les connaître un peu, à travers leurs habitudes de vie, et établir une sorte de bilan de santé physique et morale. Ce premier contact permet souvent de présenter l'U.C.S.A., les services proposés, le fonctionnement (horaires, présentation de l'équipe soignante...) et nous pouvons quelquefois les motiver, les responsabiliser sur leur état de santé (rôle d'éducation).

En outre, nos capacités d'observation, d'écoute, de dialogue, deviennent des atouts indispensables dans l'apport de soins adaptés et personnalisés.

Mais quel terme employer ? soins aux malades détenus ou détenus malades

Car soigner sans jugement implique une maîtrise de nos préjugés et sentiments entraînant l'existence de silences parfois gênants lorsque nous avons connaissance de certains délits. Il est quelquefois difficile d'entrer dans une cellule et entamer une conversation avec un détenu condamné pour viol. Ainsi, ce que nous ressentons est parfois contraire à nos concepts de soins et cela peut poser un certain paradoxe dans la relation avec le détenu et peut devenir source de conflits.

b) Conflits relationnels

Décrypter les besoins des détenus, discerner leur douleur morale ou physique n'est pas toujours facile. Notre jeune expérience, une certaine méconnaissance relative au milieu peuvent nous donner l'impression d'être parfois manipulés par le détenu.

En effet, par rapport à leurs discours, leurs difficultés, leur désarroi, nous pouvons devenir

compatissants aux faits évoqués, d'où le danger d'une certaine camaraderie de leur part afin d'obtenir ce qu'ils désirent (exemple : le fameux somnifère du soir ou l'aspirine du matin...)

Mais croire ou ne pas croire à leurs histoires ne doit pas devenir une barrière dans notre relation. A nous de faire la part des choses.

Il nous arrive également d'être confrontés à des situations conflictuelles où l'agressivité, l'impulsivité d'un détenu, peuvent rendre notre travail particulièrement délicat et pénible. Le soignant se retrouve à un face à face et peut devenir alors la cible de menaces, voire d'insultes.

Comment gérer ces situations à la pensée d'avoir à rencontrer peut-être un jour ce détenu dans la rue ?

CONCLUSION

L'installation de l'U.C.S.A. montre l'importance des besoins sanitaires en milieu carcéral.

Au regard du travail inhabituel que nous y accomplissons, ne devons-nous pas songer dans un avenir proche à en faire une spécialité ?

N'oublions pas que la charge mentale du milieu, ainsi que les particularités du détenu nous obligent à trouver des moyens d'équilibre afin d'éviter le "burn out" de notre profession si particulière...



28/09/2007
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