Qu’est ce qu’on entend au fait par Cyclothymie ?

 

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Qu’est ce qu’on entend au fait par Cyclothymie ?

 

1/01/2010

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie

Les manuels de psychiatrie définissent la cyclothymie. Mais quʼen est-il de la réalité clinique ? Que deviennent les patients cyclothymiques ?
Quand on parle de cyclothymie, on pense à :
  • Plus de variabilité de l’humeur et des cognitions par rapport aux non-cyclothymiques (Depue et al., 1981; Lovejoy & Steuerwald, 1992)
  • Rôle fondamental des humeurs dans le développement et l’évolution du trouble de la cyclothymie, auparavant considérée comme une personnalité (cycloïde) pour devenir un trouble thymique (dans le DSM-III ; Russell & Carroll, 1999). Kraepelin (1921) faisait référence aux alternances des humeurs dans le contexte des expériences proches de la manie et la dépression :
    - d’expériences à prédominance exaltée et joyeuse avec des sensation de force et de capacité à travailler et une tendance à être plus irritable, intolérant, insatisfait et fault-finding.
    - d’autres expériences dominées par des sensations profondes d’abandon, de tristesse et de désespoir lugubre, anxiété, agitation, tension, solitude, aucune envie, désintérêt

Comprendre le concept de "Cyclothymie"

Il convient de se retourner à la "personnalité cycloïde" de Kretschmer (1936). Selon Brieger & Marneros (1997), le débat est encore ouvert et les définitions du trouble cyclothymique dans DSM-IV et de Cyclothymie dans la CIM-10 ne correspondent pas
  • comme une forme des troubles bipolaires obligeant les sujets à vivre des changements brusques et cycliques des comportements et des émotions mais sans atteindre les niveaux de sévérité ou d’intensité de la maladie maniaco-dépressive. (Akiskal, 1996 ; Hantouche et al, 2003). On accepte qu’un individu soit classé cyclothymique quand il présente des dérèglements biphasiques des niveaux d’énergie dʼactivité et dʼhumeur. Donc, tout est à minima : hypomanies, dépressions, états mixtes, le tout dans une "circularité", sans intervalles libres, au moins au début du trouble (notion fréquemment signalée par les patients bipolaires adultes quand ils décrivent leur enfance et adolescence)
  • comme une "prédisposition" servant de tremplin pour le développement d’un trouble thymique (Howland & Thase, 1993; Akiskal, 2001). Tout comme une personnalité pathologique mais ce n’en est pas une selon les critères de la CIM-10 (selon la conception de Kretschmer). Là, le concept de "tempérament à risque" trouve sa place. Ce qui signifie que la cyclothymie a des degrés variables qui vont du normal au pathologique. Mais dans tous les cas de figure, elle imprégne sa signature sur le style émotionnel et de vie de la personne ainsi que sur le trouble bipolaire qui en dérive (par exemple séparer les BP-II cyclothymiques des BP-II épisodiques)

Définition de la cyclothymie dans le DSM-IV

La cyclothymie est classée dans les troubles bipolaire, après le trouble BP-I et BP-II. Ce trouble doit répondre aux critères suivants :
1. Plusieurs phases d’hypomanie et de dépression, sur une période d’au moins de 2 ans
2. Absence de période d’humeur normale dépassant la durée de 2 mois
3. Absence d’épisodes de dépression majeure, de manie ou d’état mixte au cours des deux premières années du trouble
4. Les symptômes ne sont pas attribuables à un trouble psychotique ou schizophrénique
5. Les symptômes ne sont pas dus aux effets de médicaments, des drogues illicites ou d’une affection somatique
6. Présence d’une détresse significative ou interférence de la vie de tous les jours â cause des signes de la cyclothymie.

Cette définition paraît à première vue logique et utile, mais totalement loin de la réalité clinique et surtout basée sur aucune étude clinique, donc aucune validation et sans références historiques aux experts qui ont compris cette affection.
Cette définition ne parle pas de "prédisposition", ni de tempérament : elle laisse croire que c’est une forme "light" lors des 2 premières années de la maladie avec des intervalles libres qui ne doivent pas dépasser la durée de 2 mois. Là, on constate l’aspect "artificiel" de cette classification. Cela dit, il y a eu des enquêtes épidémiologiques qui ont utilisé les critères du DSM-IV pour évaluer la prévalence de la cyclothymie. Selon la synthèse du Pr Angst, le taux serait environ de 5% dans la population générale.

La Cyclothymie dans la CIM-10 (F34.0)

La Cyclothymie est rangée dans la rubrique "Troubles de l’Humeur (affectifs) persistants".
Il s’agit des troubles persistants et habituellement fluctuants, dans lesquels la plupart des épisodes individuels ne sont pas suffisamment sévères pour justifier un diagnostic d’épisodes hypomaniaque ou d’épisode dépressif léger.
Toutefois étant donné qu’ils persistent pendant des années et parfois pendant la plus grande partie de la vie adulte du sujet, ils entraînent une souffrance et une incapacité considérables. Dans certains cas, des épisodes maniaques ou dépressifs récurrents ou isolés peuvent se surajouter à un état affectif persistant.


La Cyclothymie correspond donc à une instabilité persistante de l’humeur, comportant de nombreuses périodes de dépression ou d’exaltation légère (hypomanie), mais aucune n’est suffisante pour justifier un diagnostic de trouble bipolaire (F31) ou de trouble dépressif récurrent (F33).
Le trouble se rencontre fréquemment dans la famille des sujets ayant un trouble affectif bipolaire et certains sujets cyclothymiques sont eux-mêmes atteints antérieurement d’un trouble affectif bipolaire.
Synonymes ou troubles apparentés :
- Personnalité Affective
- Personnalité Cycloïde
- Personnalité Cyclothymique

Le DSM-IV ainsi que la CIM-10 admettent que la cyclothymie (trouble) peut s’associer ou évoluer vers des syndromes bipolaires majeurs, notamment le trouble BP-II. Dans le territoire de la cyclothymie, la CIM-10 accepte le fait que les entités de personnalité cycloïde ou affective soient incluses. Mais peut-on imaginer que la cyclothymie soit un état final du trouble bipolaire, une forme résiduelle chronique de bipolarité. C’est possible à condition que cet état d’instabilité soit absent dans les phases précoces du trouble. Cet état est visible dans les cas de bipolarité secondaire à un abus chronique de stimulants.

Bilan

Actuellement, la "Cyclothymie" figure dans la CIM-10 parmi les "Troubles Affectifs Persistants" (F 34.0) et dans le DSM-IV au sein des "Troubles de l’Humeur Bipolaires" (avec des critères précis d’intensité et de durée).
Donc, en opposition avec les partisans des constitutions, les manuels actuels de classification ont adopté en quelque sorte un retour aux conceptions unitaires des auteurs français du XIXème siècle, décrivant au sein des formes majeures (folies circulaires et à double forme) des variantes frustes et atténuées.

Les données cliniques et épidémiologiques récentes sont en faveur d’un continuum entre le "tempérament Cyclothymique" (ou réactivité endogène marquée par une labilité émotionnelle constitutionnelle à début précoce) et le spectre des troubles bipolaires.
Dans ce sens, la dichotomie entre "constitution" versus "trouble atténué ou fruste" ne semble plus être utile pour comprendre la cyclothymie.
De plus, les définitions de l’hypomanie et de la cyclothymie proposées dans le DSM-IV s’avèrent être insuffisantes pour cerner la globalité du spectre bipolaire et inadaptées  pour explorer la valeur psychopathologique de la bipolarité discrète (ou "soft bipolarity").

Quelque soit la définition, la cyclothymie crée un chaos dans la vie personnelle et trouble l’ensemble des domaines de la vie.
Dans ces oscillations continuelles, les sujets ne savent plus ce qu’ils attendent d’un jour à un autre. Il n’y a aucune projection dans l’avenir ; ils sont condamnés à vivre le jour le jour, sans aucun projet durable, stable.

Cliniquement parlant, on peut admettre la Cyclothymie comme une forme bipolaire sub-syndromique, probablement une variante du trouble BP-II.
Ce trouble BP-II est essentiellement fait :
  • d’épisodes dépressifs récurrents (avec des signes d’atypicité) avec des phénomènes de switching,
  • d’instabilité émotionnelle,
  • d’épisodes d’hypomanie,
  • d’une biographie orageuse et des traits de tempéraments cyclothymiques, attractifs et flamboyants.

Le passage de la cyclothymie vers un trouble BP-I est possible mais exceptionnel (Strober & Carlson, 1982; Akiskal et al., 1983; Akiskal, 2003).

En revanche, la conversion de la dépression unipolaire vers le trouble BP-II est de 11% et expliquée majoritairement par la présence de traits cyclothymiques dans le tempérament.



01/05/2013
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