Rapport de FIN du MONDE du PENTAGONE
Imaginons l’impensable
Selon les auteurs, "le but de ce rapport est d’imaginer l’impensable - de repousser les frontières de la recherche actuelle sur les changements climatologiques pour mieux comprendre les implications possibles pour la sécurité nationale des États-Unis."
Au début de cette année (2006) a paru sous format papier aux Éditions Allia le Rapport secret du Pentagone sur le changement climatique.
Ce rapport avait été commandé par le Pentagone, sous la houlette de Andrew Marshall, influent conseiller de Donald Rumsfeld. Ses auteurs sont Peter Schwartz, consultant à la CIA et ancien responsable du planning à la Royal Dutch/Shell, et Doug Randall, de Global Business Network, un cabinet de consultants basé en Californie.
Le rapport avait été « livré » en octobre 2003 mais sa divulgation en dehors des sphères militaires avait été freinée par les autorités américaines, car ses conclusions allaient à l’encontre des thèses habituellement défendues par l’administration Bush. Cette controverse avait en partie occulté le fond du rapport, et paradoxalement, on avait peu évoqué ses conclusions dans les grands médias.
Tout d’abord il convient de souligner la démarche tout à fait originale des auteurs : il ne s’agit pas de savoir si la terre se réchauffe, ni comment, mais bien de se poser la question des conséquences pour la sécurité nationale des États-Unis d’une brusque modification du climat.
Nulle philanthropie ici, mais bien un acte politique, au sens où il s’agit d’anticiper pour mieux agir.
En second lieu, les auteurs ne se placent pas dans l’hypothèse d’une modification graduelle du climat - qui est celle que nous évoquons le plus souvent - mais bien dans celle d’une rupture brusque à horizon 2010, c’est-à-dire demain, rupture qu’ils jugent tout à fait plausible en prenant en compte des indices scientifiques convergents et en ayant un regard rétrospectif sur des modifications climatiques intervenues au cours des 20 000 dernières années - notamment lors de la période dite du « Dryas récent » il y a 12 700 ans, puis au cours d’un épisode de refroidissement de la Terre intervenu il y a 8200 ans, qui sert de référence pour le scénario envisagé, et enfin lors du petit âge glaciaire qui a duré du XIVe au XIXe siècle.
Pour Randall et Marshall, le problème n’est pas de savoir si cela va se passer, mais bien comment réagir puisque cela va se passer. En ce sens ils mettent en œuvre ce que le philosophe français Jean Pierre Dupuy préconise dans son livre Petite métaphysique des tsunamis (aux éditions du Seuil, parue en mai 2005, 106 pages) qui décrit l’attitude souhaitable par rapport à des « catastrophes annoncées » : il faut faire comme si elles avaient déjà eu lieu pour mieux se prémunir !
Le scénario, décrit dans le rapport, et basé sur des données scientifiques incontestables, est le suivant : le réchauffement climatique progressif, que nous constatons depuis des décennies, entraîne actuellement un ralentissement abrupt de la circulation thermohaline océanique - courants océaniques en profondeur qui jouent un rôle crucial dans la régulation thermique de la Terre - sous l’effet du refroidissement des océans, en raison de la fonte des glaces, et de leur « adoucissement ». Ce phénomène induit des réactions en chaîne sur le climat mondial, par exemple une perturbation majeure du Gulf Stream qui baigne les côtes européennes. Ainsi cette situation pourrait entraîner en quelques années des « hivers beaucoup plus rudes, une réduction drastique de l’humidité au sol et l’apparition de vents plus violents dans certaines des régions qui fournissent actuellement une partie importante de la production mondiale de nourriture ». En conséquence : « Avec une préparation inadéquate, le résultat pourrait être une baisse significative de la capacité de l’écosystème de la Terre à supporter la population ».
Ce rapport suggère qu’à cause de conséquences potentiellement extrêmes, le risque d’un brusque changement climatique, bien qu’incertain et sans doute plutôt limité, devrait être élevé au-dessus d’un simple débat scientifique et devenir une question de sécurité nationale pour les États-Unis.
Ainsi, pour l’Europe, cela voudrait dire une baisse annuelle des températures de 3,3° sur la période 2010/2020, avec des tempêtes de neige et de vent beaucoup plus fréquentes, une raréfaction des ressources en eau, et des zones agricoles durement touchées, tout cela rendant notre environnement beaucoup moins hospitalier.
Cela paraît presque farfelu, mais quand on lit, p. 23 du rapport : « Dès 2005 certaines régions du monde ressentent plus intensément les effets de ces variations du climat. Des tempêtes et des typhons plus gros provoquent des ondes de tempête... », on ne peut s’empêcher de penser à l’ouragan Katrina et à l’ensemble de ses répercussions.
Au bout du compte, dans ce scénario, le climat est profondément « déréglé » sur l’ensemble du globe, entraînant des modifications importantes des écosystèmes - sécheresses, diminution des ressources alimentaires, accès à l’eau potable rendu plus difficile, zones devenues inhabitables... - ce qui provoque de profonds déséquilibres économiques, sociaux et politiques. En effet, la capacité de charge ou capacité d’accueil, c’est-à-dire l’aptitude de la Terre et de ses écosystèmes familiers, qui incluent les systèmes sociaux, économiques et culturels, à assurer la subsistance d’un nombre fini de personnes sur la planète, est alors mise à mal partout dans le monde. Ce concept de capacité d’accueil, qui est débattu depuis près de 200 ans par des théoriciens tels Malthus, qui publiait dès 1798 son essai sur Le principe de la population et son effet sur l’amélioration future de la société, serait alors remis à l’ordre du jour de façon tragique. En effet, d’ordinaire, la capacité de charge augmente notamment sous l’effet du progrès technique qui permet d’absorber l’augmentation de la population, mais une brusque dégradation de la capacité de charge, non compensée, entraîne quasi mécaniquement une diminution de la population sous l’effet des famines, des maladies ou des guerres... Le système s’auto-régule, en quelque sorte. Dès lors, la modification du climat ferait faire un terrible bond en arrière à l’humanité, si celle-ci ne s’y prépare pas correctement, avec notamment des tensions croissantes pour l’accès à des ressources de plus en plus rares entraînant conflits, migrations massives, guerres, stratégies ultra-protectionnistes...
Devant ce scénario noir, mais plausible - rappelons encore une fois l’objectif premier du rapport : assurer la sécurité des États-Unis - les auteurs préconisent sept mesures :
Améliorer les modèles de prévision climatique, pour valider les scénarios de changement climatique de façon plus précise
Assembler des modèles prévisionnels complets des répercussions du changement climatique, pour mieux évaluer les impacts de ces changements
Créer des outils de mesure du risque - pour chaque pays ou chaque région
Identifier des stratégies de parade, pour sécuriser les accès aux ressources rares
Préparer des réponses adaptatives aux nouveaux besoins, pour faire face aux maladies, migrations...
Étudier les implications locales, notamment pour les zones agricoles Explorer des options géo-technologiques de contrôle du climat. Au-delà du scénario proposé, c’est bien là l’essentiel de la démarche du rapport.
Pour conclure, on peut se demander si notre pays, ou de façon plus pertinente l’Union européenne ont développé de telles approches. Cela semble indispensable, et il serait fondamental que nous, citoyens, en soyons informés.
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