"Se libérer de son passé": : J’ai suivi un stage de constellations familiales
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J’ai suivi un stage de constellations familiales
Secrets de famille, exclusions, deuils non faits… nous payons parfois les dettes de nos aïeux sans le savoir. Notre journaliste a fait un stage de deux jours avec Mabel Meschiany, psychanalyste spécialiste de psychogénéalogie, et Josette Halégoi, psychosociologue. Elle en est sortie bouleversée.
Marcelle Chemin
«Chacun de nous est en tension entre deux forces : être soi-même, trouver son propre chemin de vie, et être, au sein de sa propre famille, le maillon d’une chaîne millénaire qui nous unit les uns aux autres. » Assis en rond, le groupe écoute, attentif. Douze participantes de 25 à 65 ans et un seul homme, Marc, qui ne semble pas moins à l’aise. Mabel Meschiany, psychologue et psychanalyste argentine, spécialiste de psychogénéalogie, nous parle en espagnol. À ses côtés, la co-animatrice Josette Halégoi, psychosociologue, assure la traduction. L’accent chantant apporte un peu d’exotisme à cette journée pluvieuse. « La mémoire familiale nous influence plus que nous l’imaginons, reprend Mabel. Ensemble, nous allons tenter d’identifier ces loyautés inconscientes qui nous empêchent de choisir pleinement notre vie. »
Mes camarades paraissent ravis et impatients. Un tour de présentation m’éclaire : presque tous ont déjà expérimenté les constellations familiales, et la plupart sont thérapeutes. Je suis perplexe : pourquoi nous replonger dans notre cocon familial ? Il me semblait qu’il fallait au contraire s’en extirper pour aller vers son propre destin. « Nous appartenons à un système familial dont nous partageons l’inconscient, m’explique Mabel. Lorsqu’il connaît un désordre – l’exclusion d’un de ses membres, par exemple –, il se construit avec ce déséquilibre et le transmet aux générations suivantes. » Moi qui ai toujours considéré la famille comme un nid de tensions, la perspective de m’y plonger deux jours durant ne m’enchante pas. Même si je veux bien admettre que ma réticence cache quelque chose… Chacun doit préciser ce qui fait obstacle à son accomplissement. Certains l’ont déjà identifié, à l’exemple de Marie : « Je sens que les femmes de ma famille portent un fardeau et que cela m’empêche de m’engager dans mon couple. » D’autres, comme moi, ont des attentes plus floues. L’une de mes difficultés est que je ne tombe pas amoureuse. Mabel me propose donc de travailler sur ma relation avec mon dernier compagnon. J’accepte, curieuse de savoir ce que ma famille a à voir là-dedans.
Marie joue le rôle de mon ex
Nous nous mettons par deux. Je choisis Marie. Elle me paraît décidée, sûre d’elle. Tout ce que j’aimerais être. Chacune à notre tour, nous devons trouver la meilleure place dans le contact avec l’autre. « Dos à dos, de face, proches ou éloignés, cherchez où vous vous sentez le mieux et quelles émotions vous ressentez vis-à-vis de votre partenaire », poursuit Mabel. C’est Marie qui commence, je suis à sa disposition. Première sensation : j’ai envie de l’entourer. Je la sens pourtant hostile. Il nous faut du temps pour nous apprivoiser, pour qu’elle se laisse aller à la douceur dans mes bras. Josette Halégoi nous guide. Elle l’encourage à parler à son compagnon, que je représente. « J’aimerais que l’on baisse les armes », avoue Marie dans un soupir. « Que ressent le mari ? » me demande Josette. « J’aime être ton repos du guerrier. » Marie reste encore un moment dans la chaleur du câlin, puis se dégage, la marque de mon pull incrustée dans la joue. « À qui es-tu si loyale quand tu veux faire la guerre aux hommes ? l’interroge Josette. Il y a une vérité, mais ce n’est pas la tienne. » Et, après un silence : « Parfois, on compense une injustice d’une autre époque, en cherchant par exemple à réparer le tort qu’un homme a fait à une grand-mère. On se sacrifie pour ne pas trahir son ascendance. » Marie acquiesce, comme si elle réalisait une évidence jusque-là cachée. C’est à mon tour. J’ai envie de me coller à Marie… qui s’écarte. Je ressens une immense détresse, une terrible peur de perdre l’ex amoureux qu’elle représente. Mes yeux piquent, mon coeur se serre. Nous trouvons une situation confortable pour nous deux : elle derrière moi, les bras grands ouverts. Je me sens attendue, aimée. Ça va mieux. Nous débriefons avec Josette. Je m’étonne de la force des émotions ressenties, mais je reste sceptique sur la transparence de l’exercice. Comment être sûre que je n’ai pas influencé l’expérience de Marie en y projetant mes désirs ? Josette et Mabel me répondent : « Vous n’avez pas choisi de travailler ensemble par hasard… Le groupe favorise les résonances. Cependant, même si vos problématiques sont en miroir, lorsque tu travailles pour Marie, tu fais partie de son système, de son histoire. »
Je dessine mon arbre généalogique
Mabel nous propose ensuite de nous représenter au sein de notre famille : à même le sol, penché sur une grande feuille de papier blanc, des feutres à la main, chacun se concentre sur son oeuvre. Nous pouvons, au choix, nous dessiner au milieu des événements importants pour nous, faire un arbre généalogique ou tracer une ligne indiquant les soubresauts de notre vie et de celle de nos parents. Je choisis l’arbre généalogique. « Indiquez aussi les migrations, guerres, fausses couches, séparations…, précise Mabel. Entourez en vert ce qui est positif pour vous, en rouge le négatif. Nous cherchons les répétitions, les exclusions, les désordres… » Les arbres de certains sont couverts de couleurs. D’autres ont des chemins de vie pleins de virages. Je constate, dans le mien, l’apparition régulière d’adultères et de loyautés déçues. Deux longues lignes de rouge, côtés paternel et maternel, déferlent sur moi. Je pense aux infidélités de mon ancien compagnon, que j’acceptais par peur de le perdre. Je suis amusée par ce mimétisme.
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