Traité de Bipolarité en 25 pages

 

 

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DEUXIEME PARTIE : MALADIES ET GRANDS SYNDROMES

Question 285

Trouble de l’humeur. Psychose maniaco-depressive

Rédaction

 

: G. Fouldrin, F.J. Baylé, R. Dardennes, F. Thibaut

Relecture : M-C. Hardy-Bayle

Objectifs pédagogiques généraux

Savoir reconnaitre et diagnostiquer un trouble de l’humeur, trouble depressif

et trouble maniaque

Connaitre les diverses modalites d’evolution des troubles de l’humeur


Connaitre les modalites de traitement et de prise en charge de ces troubles


Objectifs pédagogiques spécifiques

Epidémiologie

Connaitre la frequence des etats depressifs et du suicide chez les sujets

deprimes

Connaitre le pourcentage de reponse aux traitements, de recidive et de

chronicisation

Connaitre les principales donnees de l’epidemiologie analytique des etats

depressifs (sexe, age)

Connaitre les aspects socioeconomiques et culturels de l’epidemiologie

analytique des etats depressifs

Connaitre la prevalence du trouble bipolaire de l’humeur


Diagnostic

Connaitre les differents modes d’expression clinique d’alteration pathologique

de l’humeur (depression majeure, hypomanie, acces maniaque, etat mixte,

dysthymie)

Connaitre la semiologie d’un etat maniaque


Connaitre l’existence de plusieurs sous-types de trouble bipolaire de l’humeur


Connaitre la semiologie d’un etat depressif majeur ou caracterise


Connaitre les specificites liees a l’age, au sexe, a l’environnement

socioculturel

Savoir distinguer le deuil de la depression


Connaitre l’existence du syndrome de Cotard


Savoir reconnaitre les depressions melancoliques


1

Connaitre l’existence de depressions iatrogenes


Connaitre l’existence des depressions saisonnieres et les depressions

secondaires a des affections organiques

Connaitre l’existence des depressions recurrentes breves et des dysthymies


Psychopathologie et physiopathologie

Connaitre les grandes lignes des hypotheses psychodynamiques de la

depression

Connaitre les grandes lignes des hypotheses neurobiologiques de la

depression

Prise en charge

Connaitre les situations necessitant le recours a l’hospitalisation ou a l’avis

d’un specialiste

Connaitre les objectifs et les methodes de la psychotherapie de soutien du

patient deprime ainsi que des autres psychotherapies

Connaitre les modalites du traitement pharmacologique de l’episode depressif

(posologie, duree, elements de surveillance)

Connaitre la duree de traitement antidepresseur


Connaitre les specificites du traitement pharmacologique selon l’age, la

gravite de l’episode

Connaitre les principes des traitements et leurs elements de surveillance des

troubles bipolaires.

Connaitre les indications de la sismotherapie


Les Psychoses Maniaco-Dépressives ou Troubles Bipolaires de l’humeur

1 . N otions historiques :

Les descriptions cliniques d’episodes maniaques et melancoliques existent

depuis l’antiquite.

Le lien fait entre ces deux syndromes et leur union au sein de l’entite clinique de

psychose maniaco-depressive est regulierement attribuee a Kraepelin. En realite,

quelques annees auparavant en 1854, Falret avait individualise la ≪ folie

circulaire ≫ quand Baillarger parlait de ≪ folie a double forme ≫. Il est

maintenant montre que depuis l’antiquite, le lien qui unissait ces syndromes etait

connu.

2

Kraepelin sera l’un des defenseurs de la notion d’etiologie endogene des

psychoses. C’est en reference a cette conception etiologique qu’il persiste dans

la nosographie clinique la notion d’opposition entre depression endogene qui

appartiendrait a ce groupe d’affection et depression psychogene. Nous savons a

present que cette approche dichotomique n’est pas valide. D’une part les patients

atteints d’un trouble maniaco-depressif peuvent presenter des decompensations

depressives ≪ psychogenes ≫ et d’autre part la notion de psychose endogene

sous-entend que l’individu, constitutionnellement predispose, ne pourrait

echapper a l’apparition de la maladie

C’est en partie pour ces raisons que la terminologie de Psychose Maniaco-

Depressive est fortement controversee ; les anglo-saxons preferant parler de

troubles bipolaires de l’humeur. Cette nouvelle denomination a l’avantage

d’insister sur le fait que le trouble thymique constitue le probleme essentiel de

cette pathologie et de la demarquer des psychoses chroniques notamment

schizophreniques dont l’evolution est totalement differente.

2 . L es dépressions mélancoliques :

2 .1. D escription clinique :

Il est possible de retrouver des facteurs declenchant favorisant

l’apparition d’un episode de depression melancolique. L’acces melancolique peut

survenir a tout age et s’installe le plus souvent progressivement meme si

quelques cas sont d’apparition brutale.

Dans sa phase d’etat, le patient presente un tableau clinique de depression

severe dans lequel toutes les dimensions de la symptomatologie depressive sont

exacerbees :

Caractéristiques sémiologiques de l’humeur dépressive du

mélancolique :

L’humeur est triste. Cette tristesse profonde envahit tout le champ de la

conscience et se traduit par une douleur morale intense. Le patient presente des

sentiments d’ennui, de degout, d’inutilite ou encore de desespoir.

Le patient peut presenter des idees delirantes que l’on qualifie de

congruentes a l’humeur, toute la thematique du delire etant en general

impregnee par la tristesse. Il s’agit le plus souvent d’idees delirantes de ruine

d’indignite, d’incurabilite, de culpabilite (le patient s’accuse d’avoir commis des

3

fautes, des peches, des crimes…). Il est possible d’observer des idees

d’influence, de possession, de transformation corporelle et de damnation. Les

mecanismes delirants peuvent etre intuitifs, interpretatifs, imaginatifs ou

hallucinatoires.

Il existe une forme particuliere de melancolie delirante appelee syndrome de

Cotard. Ce syndrome decrit par Jules Cotard en 1880 se traduit le plus souvent

par des idees de negation d’organes. Il s’agit en fait le plus souvent d’une

negation du fonctionnement des organes (arret du fonctionnement des intestins,

du coeur, de la respiration…) que d’une negation de l’existence des organes. Ce

syndrome regroupe egalement les idees delirantes d’immortalite et de grandeur

(ces dernieres sont representees par des impressions de grandeur de parties de

corps).

Fonctionnement psychomoteur des mélancoliques :


Le ralentissement psychomoteur du melancolique est tres marque. Le

patient peut rester assis, immobile dans une inertie totale durant des heures. La

lenteur du discours et ideique correspond a la bradyphemie et la pauvrete de la

mimique constitue l’hypomimie. L’inhibition peut etre telle sur le plan

psychomoteur que le patient peut etre totalement mutique et clinophile, voire

catatonique.

Signes somatiques associés :


Leur presence est constante dans la depression melancolique.

Les troubles du sommeil sont marques par une insomnie totale ou avec des

reveils precoces et sont en general rebelles au traitement hypnotique simple.

Les troubles digestifs sont representes par la constipation et les refus

alimentaires. Il est d’ailleurs possible d’observer une perte de poids importante,

des signes de carence nutritionnelle parfois meme de deshydratation.

Evaluation du potentiel suicidaire :


Il faut considerer que la depression melancolique s’accompagne toujours

d’un potentiel suicidaire eleve et ne surtout pas se sentir rassure par l’intensite

du ralentissement psychomoteur en pensant que le patient n’aura pas la force de

tenter de mettre fin a ses jours. Le desir de mort est constant et permanent et

est parfois considere par le patient comme un chatiment ou une punition

necessaire.

Les tentatives de suicide peuvent survenir a n’importe quel moment et parfois en

fin d’acces apres une amelioration clinique franche.

4

2 .2. F ormes cliniques de dépression mélancoliques :

Ces formes ont ete decrites en fonction de la predominance de certains

groupes de symptomes (melancolie delirante, stuporeuse, catatonique, anxieuse).

Il ne s’agit pas reellement de categories distinctes de melancolies.

2 .3. D iagnostics différentiels :

Peu de diagnostics differentiels sont a envisager face a un episode de

depression melancolique. Il faut principalement discuter les autres troubles

depressifs, les psychoses et rechercher une pathologie organique :

La symptomatologie de la depression melancolique est en general

suffisamment intense pour ne pas etre confondue avec un episode depressif non

melancolique.

5

Les symptomes delirants, lorsqu'ils accompagnent un syndrome

melancolique, peuvent parfois etre au premier plan (notamment chez

l'adolescent) et faire evoquer a tort une bouffee delirante aigue ou un debut de

schizophrenie. L'analyse de la thematique delirante est alors essentielle. Dans le

cadre des depressions melancoliques, l'ensemble de la thematique est

congruente a l'humeur triste.

Comme pour tous les episodes depressifs, il convient de rechercher, surtout lors

d'un premier episode, une pathologie organique ou un traitement responsables

d'un tableau de depression secondaire (nous ne presentons ci-dessous que les

principales etiologies) :

- causes neurologiques : toutes les lesions cerebrales (ischemiques,

tumorales, lesions inflammatoires…), notamment celles de l'hemisphere droit,

peuvent donner des tableaux depressifs. Les maladies neurodegeneratives se

manifestent regulierement en debut d'evolution, et avant que leur diagnostic ne

soit etabli, par des episodes depressifs.

- causes endocrinologiques : les principales pathologies responsables de

depressions secondaires sont representees par les dysfonctionnements

thyroidiens (hyper et surtout hypothyroidie) et surrenaliens.

- causes generales : un certain nombre d'affections generales telles que

les maladies de systeme, les pathologies carcinologiques (estomac, pancreas), la

tuberculose, et les hemopathies se traduisent parfois par des troubles

depressifs.

- causes iatrogenes : de tres nombreux medicaments et toxiques

provoquent des episodes depressifs. On retiendra notamment les corticoides,

l'interferon alpha…

2 .4. P rincipes de prise en charge thérapeutique des dépressions

m élancoliques :

La prise en charge d’un episode depressif melancolique se fait en milieu

hospitalier en general dans un service de Psychiatrie. On peut recourir a un mode

d’hospitalisation sous contrainte si le patient refuse les soins. Il faut limiter au

maximum les risques de suicide en retirant au patient objets tranchants,

ceintures…

Le bilan realise visera a rechercher les repercussions somatiques de

l’episode (notamment en cas de refus alimentaire prolonge), a eliminer un facteur

organique responsable d’une depression secondaire ainsi qu’eventuellement a

6

eliminer une contre-indication a la realisation de sismotherapie ou a la

prescription d’antidepresseurs tricycliques.

Nous ne presenterons que quelques principes et exemples de traitement

medicamenteux :

La clomipramine (AnafranilR) reste dans cette indication le traitement

medicamenteux de reference permettant d'obtenir le plus de remissions

completes. La voie d’administration peut etre orale ou parenterale. Apres avoir

elimine les contre-indications classiques a la prescription des antidepresseurs

tricycliques (glaucome a angle ferme, adenome de la prostate et troubles de la

conduction cardiaques…), il est recommande d’augmenter la posologie

progressivement par paliers de 25 mg tous les jours jusqu’a l’obtention d’une

posologie de 100 a 150 mg par jour. Il faut souligner que parmi les ≪ nouveaux ≫

antidepresseurs seule la venlafaxine (EffexorR) a obtenu en France une

Autorisation de Mise sur le Marche dans cette indication.

Lorsque le patient presente un tableau clinique de melancolie delirante, il est

recommande d'associer a l'antidepresseur une petite dose de neuroleptique

comme par exemple l’amisulpride (SolianR 50 a 100 mg par jour) ; cette

association permet de potentialiser l’action de l’antidepresseur. Elle doit

cependant etre realisee avec prudence, notamment chez le sujet age, car elle

accentue des modifications de l'ECG (allongement du segment QT) pouvant

favoriser l'apparition de troubles du rythme cardiaque.

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La prescription de traitements sedatifs est necessaire pour apaiser l'angoisse

des patients, corriger les troubles du sommeil et prevenir la survenue d’un geste

suicidaire. Des neuroleptiques sedatifs comme la cyamemazine (TercianR 50 a

150 mg / j) ou la levopromazine (NozinanR 50 a 150 mg / j) ont l'indication :

association avec un antidepresseur dans les depressions graves.

Il est egalement possible de leur adjoindre des benzodiazepines. Les molecules

dont la demi-vie est courte sont a eviter car elles augmentent le risque de

dependance et de sevrage.

La sismotherapie ou electroconvulsivotherapie est indiquee en cas de

resistance ou de contre-indication au traitement medicamenteux. Elle peut

egalement etre indiquee d’emblee en cas de melancolie delirante, stuporeuse ou

de refus de soins et d’alimentation mettant en jeu le pronostic vital.

Elle consiste a declencher une crise d’epilepsie generalisee d’au moins 30

secondes par la diffusion d’un faible courant electrique au niveau cerebral. Elle

est realisee sous anesthesie generale au rythme de 2 a 3 seances par semaine et

la guerison est obtenue en 8 a 12 seances. La sismotherapie represente le plus

efficace des traitements antidepresseurs avec 80 a 85 % de remission.

Les contre-indications a la sismotherapie sont representees par celles de

l’anesthesie generale, par la presence de lesions vasculaires ou tissulaires

intracraniennes ainsi que par la presence d’un anevrysme de l’aorte abdominale. Il

faudra donc realiser en plus du bilan et de la consultation pre-anesthesique une

echographie abdominale, un scanner cerebral avec injection.

Il existe un certain nombre d’effets indesirables de la sismotherapie. Les plus

frequents, en dehors du risque anesthesique, sont les cephalees, les troubles

mnesiques (peuvent persister plusieurs mois), les luxations de l’epaule, les

tassements vertebraux chez le sujet age, les fractures dentaires, la

sensibilisation a faire des crises d’epilepsie chez des patients predisposes.

2 .5. E volution des dépressions mélancoliques :

Sans traitement, un episode melancolique dure 6 a 8 mois. La prise en

charge therapeutique permet de ramener la duree de l’episode a 4 a 8 semaines

et surtout de reduire le risque suicidaire. Les patients qui presentent des

resistances au traitement medicamenteux doivent beneficier de la realisation de

seances de sismotherapie.

Le second probleme concernant l’evolution de ces depressions consiste a

savoir s’il s’agit d’un episode unique ou d’un episode s’integrant dans le cadre d'un

8

trouble bipolaire necessitant la prescription d’un regulateur de l’humeur comme

traitement preventif.

3 . L es épisodes maniaques :

3 .1. D escription clinique :

Les acces maniaques peuvent survenir a tout age mais sont beaucoup plus

frequents chez les patients de 15 a 30 ans. Des facteurs declenchants sont

frequemment rencontres dans les jours precedant l’apparition d’un episode

maniaque. Les prodromes de l’acces maniaque doivent etre recherches. Ils ne

sont pas specifiques (irritabilite, insomnie, labilite emotionnelle) mais sont

souvent retrouves en cas de rechute et leur detection precoce permet de

sensibiliser le patient et son entourage.

Les episodes maniaques se caracterisent par un etat de surexcitation des

fonctions psychiques a l’origine d’une exaltation de l’humeur et d’une

exacerbation pulsionnelle et affective. Certains decomposent la semiologie des

etats maniaques en differentes dimensions calquees sur la semiologie des

episodes depressifs en opposant les symptomes.

Caractéristiques de la thymie dans l’accès maniaque :


Le patient presente une exaltation de l’humeur avec euphorie. Cette

hyperthymie se traduit par une euphorie et un optimisme infatigable. Il fait

preuve de jovialite, plaisante fait des jeux de mots et s’amuse durant l’entretien.

Il est possible que le patient presente des idees delirantes congruentes a

l’humeur. Leur thematique est marquee par la jovialite l’euphorie et l’expansivite

(idees megalomaniaques, sentiments de grandeur, de superiorite, de puissance,

d’invulnerabilite, projets demesures et capacites hors du commun…). Les

mecanismes delirants sont le plus souvent l’interpretation et les intuitions

delirantes. On retrouve plus rarement des hallucinations et parfois des elements

d’automatisme mental notamment chez de jeunes patients.

Fonctionnement psychomoteur des maniaques :


L’excitation psychique se traduit par une acceleration des processus de

pensee (tachypsychie). Cette excitation se traduit par la fuite des idees, les

passages du coq a l’ane et des troubles de la concentration et de l’attention, il

existe une logorrhee difficile a controler. Sur le plan moteur, le patient a

frequemment une presentation debraillee, extravagante et l’hyperactivite est

importante et souvent non productive. Il est possible d’observer des troubles

9

des conduites sociales (mises en danger, conduites de desinhibition, en

particulier sexuelle, depenses excessives…).

Signes somatiques associés :


Le signe le plus frequemment rencontre est l’insomnie totale sans fatigue. Les

patients peuvent presenter une hyperphagie, une hypersexualite, et parfois des

troubles a type de deshydratation.

3.2.

F ormes cliniques des accès maniaques :


Quelques formes cliniques meritent d’etre detaillees compte tenu de leurs

particularites semiologiques.

L’hypomanie : elle correspond a une forme attenuee de manie.

L’hyperactivite reste productive et les repercussions sociales sont limitees. Cet

etat constitue cependant une rupture avec l’etat anterieur et a l’acceleration des

processus psychiques et l’euphorie s’associe une reduction du sommeil. Cet etat

risque d’evoluer sans traitement vers un authentique acces maniaque.

La manie délirante : elle peut prendre notamment chez le jeune adulte

et l’adolescent l’aspect d’une bouffee delirante aigue a l’origine de confusion

diagnostique et therapeutique. Chez ces patients, le delire est souvent au

premier plan de la clinique et l’euphorie peut etre remplacee par de l’irritabilite

et de l’agressivite. Il faut egalement noter que des symptomes appartenant a

l’automatisme mental peuvent etre observes dans les manies delirantes.

Les états mixtes : ils se caracterisent par la presence simultanee des

symptomes maniaques et depressifs pendant une duree d’au moins une semaine.

La fureur maniaque

 

: representee par un etat d’agitation et de violence

extreme ne s’observe presque plus.

Particularités sémiologiques liées à l’âge : nous ne reviendrons pas sur

celles de l’adolescent ou de l’adulte jeune.. Chez le sujet age, l’euphorie est

souvent absente et les manifestations agressives et caracterielles peuvent etre

au premier plan. La frequence des etats mixtes est egalement plus elevee chez le

sujet age et on cherchera attentivement une cause de manie secondaire en cas

de premier episode survenant apres 50 ans.

3 .3. D iagnostics différentiels des épisodes maniaques :

Les manies iatrogènes :


Elles sont constituees par des episodes maniaques declenches par la prise

d’une substance psychostimulante. Elles durent le plus souvent le temps de

10

l’intoxication. On retiendra que ces acces peuvent faire suite a la prise de

toxiques (cannabis, cocaine, opiaces, ecstasy) ou de medicaments

(antidepresseurs, corticosteroides, agonistes dopaminergiques, interferon alpha,

hormones thyroidiennes, certains anti-inflammatoires non steroidiens,

antipaludeens, izoniazide). Ces listes correspondent aux substances les plus

frequemment retrouvees mais n’est en aucune facon limitative, de nombreuses

autres molecules occasionnant des virages de l’humeur.

Les manies secondaires à une pathologie somatique :


Cette eventualite suppose que devant tout premier syndrome maniaque des

examens (cliniques et paracliniques) soient realises.

Sur le plan neurologique, des syndromes maniaques peuvent etre symptomatiques

de lesions cerebrales, de poussees inflammatoires de sclerose en plaques,

d’encephalopathies a VIH, de syphilis tertiaire, d’epilepsies partielles notamment

temporales. Certains syndromes confusionnels peuvent s’accompagner de

symptomes maniaques. Des affections generales telles que les hyperthyroidies,

les hypercorticismes ou encore les porphyries et la maladie de Wilson peuvent

occasionner des manies secondaires.

Les manies dans le cadre du trouble schizo-affectif :


Les troubles schizoaffectifs correspondent a l’ancienne denomination de

schizophrenie dysthymique. Ils s’observent chez des patients qui presentent une

symptomatologie schizophrenique persistante entre les troubles thymiques. Leur

presentation est par ailleurs souvent atypique, la symptomatologie etant

incomplete.

3 .4. P rincipes de prise en charge des manies :

Le plus souvent la prise en charge des patients maniaques se fait en milieu

hospitalier specialise. Il est imperatif de systematiquement evaluer la necessite

de realiser une mesure de protection de biens telle qu’une sauvegarde de justice.

Le bilan realise a pour objectifs d’evaluer les repercussions somatiques de

l’acces maniaque (par exemple sur l’etat d’hydratation du patient), de rechercher

l’existence d’une cause de manie secondaire et eventuellement de permettre

l’instauration d’un thymoregulateur.

Le traitement medicamenteux a pour but de reduire l’exaltation de

l’humeur.

Parmi les regulateurs de l'humeur, le lithium semble etre celui qui soit dote de la

plus grande action therapeutique dans le traitement curatif de l'acces maniaque.

Son action sur l'expansion euphorique de l'humeur est plus specifique mais ne se

11

manifeste pas avant 8 a 10 jours de traitement. La dose de lithium necessaire

sera adaptee en fonction de la lithiemie plasmatique effectuee le matin, a jeun

de lithium, 12h apres la prise du soir et mesuree au moins 4 jours apres la

derniere modification du traitement. La lithiemie doit etre proche de 0.8-0.9

meq/l (Teralithe 250

Ò) ou de 1.2 meq/l (Teralithe LP 400Ò). La surveillance du

traitement portera sur les constantes (pouls, tension arterielle, temperature), la

tolerance neurologique et l'efficacite du traitement. Le traitement chez l'adulte

de moins de 50 ans devra etre debute par 2 ou 3 cp de Teralithe 250

Ò repartis

en 2 ou 3 prises avec la prise maximale le soir ou encore par 1 ou 2 cp de

Teralithe LP 400

Ò le soir. En cas de taux seriques de lithiemie insuffisants, la

dose sera augmentee par paliers de . cp. Le bilan et les effets secondaires

seront detailles dans le chapitre 6.1. Afin d'eviter un surdosage en lithium, les

doses seront reduites en fin d'acces maniaque.

La carbamazepine (Tegretol

Ò) (600-1200 mg/j) et surtout le divalproate de

sodium (Depakote

Ò) (1-2 g/j) ont egalement cette indication therapeutique en

cas d'intolerance ou de contre-indication au lithium.

En pratique clinique, les patients beneficient souvent d'une association entre un

thymoregulateur et un neuroleptique. Ces derniers medicaments representent

souvent la base du traitement symptomatique de l'acces maniaque. Ils

permettent de controler rapidement les symptomes tels que l'agitation,

l'excitation, l'agressivite et diminuent les elements delirants. Les neuroleptiques

sedatifs ou antiproductifs (haloperidol) peuvent etre utilises dans cette

indication, mais leur usage est en general reserve aux formes severes de manie.

Les neuroleptiques atypiques seront preferes dans cette indication (risperidone

ou olanzapine). Il ne faut pas perdre de vue que ces traitements peuvent etre a

l'origine d'effets indesirables serieux tels que les dyskinesies tardives ou les

syndromes malins. Il faut donc dans la mesure du possible reserver leur usage au

traitement symptomatique des acces maniaques et essayer de les interrompre le

plus rapidement possible au decours de l'acces.

Cependant la neurotoxicite potentielle de l'association lithium-neuroleptiques

impose une stricte surveillance neurologique et l'utilisation conjointe de doses

moderees de neuroleptiques et d'une lithiemie strictement inferieure a 1 Meq/l.

Les neuroleptiques, bien que moins specifiques que le lithium ou d'autres

thymoregulateurs dans cette indication, presentent un certain nombre

d'avantages : rapidite d'action sur la reduction de l'agitation psychomotrice,

existence de formes injectables qui peuvent etre utiles pendant les premiers

jours de traitement. Le choix du traitement sera guide par les antecedents du

patient (terrain, reponse a un traitement neuroleptique anterieur …).

L'adjonction de benzodiazepines pourra etre faite pour potentialiser la sedation.

Des correcteurs anticholinergiques seront reserves aux cas de mauvaise

12

tolerance des neuroleptiques et ne seront pas prescrits de maniere

systematique.

3 .5. E volution des accès maniaques :

L’evolution spontanee d’un acces maniaque sans traitement est en general de 4

a 8 semaines. Le traitement permet de reduire la duree de cet acces.

Il existe de rares cas de resistance au traitement de l’acces maniaque avec

une evolution chronique du trouble. Ces formes resistantes peuvent necessiter la

realisation de cures de sismotherapie.

4 . L e diagnostic de trouble bipolaire de l’humeur :

Le fait de pouvoir poser ce diagnostic va permettre de pouvoir proposer une

prise en charge specifique visant a limiter les rechutes. Il faut retenir

qu’aujourd’hui encore le retard au diagnostic concernant ce type de troubles est

considerable avoisinant 5 a 10 ans. Par ailleurs sans thymoregulateur, 10 a 15 %

de ces patients decedent par suicide.

Ces dernieres annees, la nosologie de ces troubles a suscite beaucoup de

travaux et le champ des troubles bipolaires s’est trouve elargi. Les troubles

bipolaires de l’humeur constituent ainsi un ensemble heterogene de troubles

s’etendant de la forme classique de psychose maniacodepressive correspondant

au trouble bipolaire de type 1, aux notions plus controversees que

representeraient les formes attenuees de la maladie.

Nous presenterons les differentes situations cliniques au cours desquelles le

diagnostic doit etre envisage et aborderons les limites de l’abord nosologique du

trouble bipolaire.

4 .1. L e trouble bipolaire de type I :

Il correspond a l'alternance d’episodes depressifs, d’acces maniaques et

d’intervalles libres. Cette situation correspond a la forme typique. Toutes les

combinaisons entre ces differents episodes peuvent s'observer. Le diagnostic

est facile si l'interrogatoire retrouve cette alternance.

Le probleme diagnostique est plus complique lorsque le patient est vu au cours

du premier episode de trouble de l'humeur.

Si le premier episode de trouble de l'humeur est un acces maniaque, il faut

envisager systematiquement ce diagnostic (en dehors d’une cause organique ou

toxique).

13

Si le premier episode est une depression melancolique, il est propose d'attendre

un deuxieme episode de trouble de l'humeur avant de poser un diagnostic et

d'introduire un regulateur de l'humeur. Cette attitude therapeutique est

justifiee par le fait que les depressions melancoliques peuvent s'observer en

dehors du trouble bipolaire et que les regulateurs de l'humeur ont une action

preventive moderee sur les rechutes depressives.

4 .2. L e trouble bipolaire de type II :

Il correspond a la survenue de plusieurs episodes depressifs alternants avec

des hypomanies. En general, la morbidite inter episodes est plus importante, les

depressions sont plus severes et le risque de suicide est plus eleve.

4 .3. L es cycles rapides :

Ils representent une forme clinique particuliere des troubles bipolaires de

type I et II qui est definie par l’evolution et le nombre d’acces annuel (≥4 acces

par an). Ces patients seraient plus souvent des femmes. Lorsque les acces des

cycles durent 48 heures, on parle de cycles ultrarapides. Ils representent 15 a

20% des troubles bipolaires. Le lithium a ete accuse d'accelerer la frequence

des rechutes.

4 .4. L es limites de la notion de troubles bipolaires :

Les troubles presentes dans ce paragraphe representent pour certains des

formes mineures ou attenuees de troubles bipolaires. Pour l’instant, leur

appartenance au spectre des troubles bipolaires est fortement discutee au

niveau international et il n’est pas justifie de preconiser une prescription

systematique de regulateur de l’humeur au long cours a toutes ces personnes.

La notion de tempérament et ses liens avec le trouble bipolaire :


La notion de temperament renvoie a la clinique des traits de personnalite. Les

temperaments constitueraient des etats de vulnerabilite aux troubles

thymiques. Leur prevalence dans la population generale pourrait atteindre 20 %.

Certains les considerent comme des etats de vulnerabilite predisposant a

l’apparition de troubles thymiques alors que d’autres pensent qu’ils constituent

plus des prodromes de troubles thymiques ou encore des formes attenuees de

14

maladie. Quatre temperaments differents ont ete individualises (hyperthymique,

cyclothymique, dysthymique et irritable).

Le trouble bipolaire

 

de type III :


Le diagnostic est envisage en cas d'episodes maniaques ou hypomaniaques

induits pharmacologiquement et en cas d'episodes depressifs recurrents avec

des antecedents familiaux de troubles bipolaires et un temperament

hyperthymique.

Le trouble dysthymique :


Il constitue une forme attenuee de trouble de l’humeur evoluant de facon

chronique et correspondrait a un etat intermediaire entre la notion d’episode

depressif majeur et celle d’une vulnerabilite depressive de temperament.

Dans la nosographie classique, ce trouble correspond aux depressions

nevrotiques.

Le trouble cyclothymique :


Ce serait une forme attenuee de trouble bipolaire de type 2 avec une

alternance d’hypomanie et d’episodes de depressions legeres.

Le trouble thymique à caractère saisonnier :


Le pic saisonnier de ces troubles depressifs serait en septembre octobre

et ils seraient associes a une hypersomnie avec hyperphagie. La phototherapie

serait efficace.

15

5.

Principales notions d’épidémiologie et facteurs de vulnérabilité aux

t roubles bipolaires de l’humeur :

La prevalence en population generale du trouble bipolaire de type 1 est

estimee a 1 %. Les hypomanies toucheraient 4 a 6 % de la population.

L’age moyen de debut du trouble se situe entre 15 et 30 ans. Des debuts

tardifs ou, au contraire precoces dans l’enfance, des 5 ans, sont cependant

decrits.

De nombreux travaux ont demontre que la part des facteurs genetiques etait

importante dans l’apparition des troubles bipolaires. Le modele

physiopathologique le plus couramment admis serait celui d’un modele

multifactoriel et polygenique a effet de seuil ; plusieurs genes mineurs auraient

un effet additionnel conditionnant un etat de vulnerabilite et le trouble se

declencherait lors de l’exposition a differents facteurs environnementaux.

Les evenements de vie stressants sont frequemment retrouves dans le

declenchement des premiers episodes, notamment depressifs. Les expositions

repetees au stress engendreraient au niveau du systeme nerveux central une

baisse du seuil de reactivite aux stress ulterieurs. Cliniquement, cette

sensibilisation se traduirait par l’apparition de decompensations thymiques pour

des facteurs stressants moindres et aboutirait a terme a une veritable

autonomisation du trouble bipolaire, les acces survenant sans facteur

declenchant. Cette hypothese physiopathologique correspond a la theorie du

"kindling" (embrasement), developpee dans la physiopathologie de certaines

formes d’epilepsie. Sa validite est actuellement sous-tendue par de nombreux

travaux neurobiologiques et elle contribuerait a l’action thymoregulatrice des

antiepileptiques.

6 . L es traitements prophylactiques des troubles bipolaires.

La prescription d'un traitement medicamenteux prophylactique dans le

trouble bipolaire represente un point fondamental de la prise en charge. Les

regulateurs de l’humeur encore appeles thymoregulateurs ou stabilisateurs de

l’humeur ont fait la preuve qu’ils diminuaient le risque d’apparition de nouveaux

episodes depressifs ou maniaques. Il existe deux grandes familles de

thymoregulateurs : les sels de lithium et les anticonvulsivants meme si tous,

parmi ces derniers, n’ont pas d’autorisation de mise sur la marche dans cette

indication en France.

6 .1. L e lithium :

16

Bilan préthérapeutique et instauration du traitement :


Le lithium est disponible sous deux formes, le carbonate de lithium

(Teralithe

Ò 250 mg et TeralitheÒ LP 400) et le gluconate de lithium

(Neurolithium

Ò) qui n'est presque plus utilise.

Avant d'instaurer un traitement a base de lithium, il est necessaire de realiser

un bilan visant a eliminer une contre-indication :

- creatinemie, proteinurie pour eliminer une insuffisance renale. Apres 50

ans, il est preferable de realiser en plus un dosage de la clairance renale de la

creatinine.

- ionogramme sanguin afin d’eliminer une hyponatremie.

- ECG (en plus de l'examen clinique) afin d'eliminer une insuffisance

cardiaque severe

- THSUS afin d'ecarter un dysfonctionnement thyroidien.

-

bHCG, le lithium etant contre-indique lors du premier trimestre de la

grossesse.

Le traitement est instaure progressivement jusqu’a l’obtention d’une lithiemie

plasmatique efficace (0,6 a 0,8 mEq/l pour le Teralithe 250 mg et 0,8 a 1.2

mEq / l pour le Teralithe 400 LP). Chez le sujet age la lithiemie sera reduite

(0.4-0.6 meq/l). La demi-vie du lithium etant de 24 heures, on verifie la lithiemie

plasmatique environ 4 a 5 jours apres un changement de posologie. Un

antecedent familial de trouble bipolaire, le debut du trouble bipolaire par un

episode maniaque, une bonne adaptation pendant les episodes intercritiques,

l'absence de cycles rapides, l'absence d'abus d'alcool ou de substances toxiques,

l'absence de troubles de personnalite premorbide, sont des facteurs positifs de

reponse au lithium.

Lorsque la lithiemie est satisfaisante, les dosages sanguins sont effectues

toutes les semaines pendant le premier mois, puis tous les mois pendant le

premier trimestre puis tous les 2 a 3 mois.

Surveillance du traitement :


La surveillance du traitement consiste en une surveillance clinique des effets

attendus et en un depistage des effets indesirables associes a une surveillance

reguliere de la lithiemie. Il est recommande de controler la lithiemie tous les 3

mois lorsque le traitement est equilibre.

On dosera de facon annuelle la TSH et la creatinemie.

Effets indésirables :


17

La survenue de la plupart d'entre eux depend de la valeur de la lithiemie. Leur

incidence est accrue par l'age et la co-prescription de neuroleptiques et

d'antidepresseurs.

- Troubles digestifs : ils sont frequents en debut de traitement (jusqu’a

30%). Le plus souvent il s’agit de diarrhees, de nausees, de vomissements, de

douleurs epigastriques, de meteorisme abdominal, de brulures…

- Troubles neurologiques : sont essentiellement representes par un

tremblement fin, d’attitude et d’action des extremites. Il est augmente par la

fatigue, les emotions, la cafeine, l’age du patient. Il peut necessiter de reduire la

posologie et peut etre ameliore par les beta-bloquants (propranolol). Un

syndrome extrapyramidal peut etre observe chez des patients traites depuis

plusieurs annees et necessite de reduire la posologie. Les elements confusionnels

et la dysarthrie temoignent d’un surdosage. Les syndromes cerebelleux

constituent une complication rare mais grave des intoxications au lithium. Des

crises comitiales peuvent etre observees.

- Troubles de la fonction renale : un syndrome polyuro-polydipsique est

observe chez 10 a 40 % des patients traites par lithium, en debut de traitement.

Ce syndrome est directement induit par le lithium et ne se traite pas. Le patient

doit augmenter son apport de boissons pour limiter le risque de deshydratation.

Le lithium pourrait induire des nephrites chroniques interstitielles notamment

lorsque la lithiemie est trop elevee de facon prolongee mais la responsabilite

directe du lithium reste controversee.

- Effets cardiovasculaires : ils sont representes par des troubles de la

conduction auriculo-ventriculaire, des troubles de la repolarisation, des

arythmies graves et des cardiomyopathies en cas d’intoxication.

- Effets endocriniens : on peut observer un effet antithyroidien reversible

(baisse de T3 et T4 avec augmentation de TSH), un goitre euthyroidien, une

hypothyroidie (dans 1 a 3% des cas, surtout en cas d’association avec un

antidepresseur tricyclique ou une phenothiazine) qui ne necessite pas d’arreter

le lithium. Un traitement substitutif thyroidien est alors propose. Les

modifications sont reversibles a l’arret du traitement. Les hyperthyroidies et

les hyperparathyroidies sont tres rares.

- Effets metaboliques : Il peut exister une hyperglycemie en debut de

traitement qui se corrige par un hyperinsulinisme. Le lithium a egalement un

effet insuline-like responsable d’une legere prise de poids (3 a 5 kg en moyenne

dans 70% des cas).

- Effets hematologiques : une hyperleucocytose avec leucopenie peut etre

observee en debut de traitement.

- Effets cutanes : ils concernent 1 % des patients traites par lithium. Il s’agit

d’acne, de revelation ou d’aggravation d’un psoriasis, de prurit, d’alopecie et

exceptionnellement d’eruption papulo-erythemateuse ou de rash cutane.

18

- Une diminution de la libido est parfois rapportee.

- Effets sur les fonctions psychiques : presque 30% des patients decrivent

des troubles de l’attention, de la concentration et surtout des troubles

mnesiques. L’insertion sociale des patients traites demeure cependant nettement

meilleure. La diminution des activites artistiques ne s’observe que lorsque cette

derniere survient lors des episodes de manie ou d’hypomanie.

Contre-indications :

L'insuffisance renale severe, l'allaitement et la grossesse de moins de trois

mois (risque de malformations foetales graves en particulier cardio-vasculaires)

sont des contre-indications absolues a la prescription de lithium.

Les contre-indications relatives sont essentiellement representees par les

interactions medicamenteuses qui peuvent modifier la lithiemie ou majorer la

toxicite du lithium. Tous les AINS sauf les salicyles augmentent la lithiemie. Les

diuretiques, la methyldopa, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les

neuroleptiques augmentent egalement la lithiemie. L'association a la

carbamazepine (Tegretol

Ò) majore la neurotoxicite des produits. L'association

aux antidepresseurs serotoninergiques peut provoquer des syndromes

serotoninergiques. L'association a la clozapine (Leponex

Ò) peut donner des

troubles neuropsychiques a type de desorientation, de myoclonies et de

tremblements.

Dans tous ces cas, la prescription doit etre prudente et necessite une

surveillance clinique et des dosages sanguins reguliers de la lithiemie

plasmatique.

Les signes de surdosage :


Les symptomes de surdosage apparaissent en general lorsque la lithiemie

plasmatique depasse 1,2 mEq/l. Les principaux symptomes sont representes par

des tremblements amples, un syndrome cerebelleux, un syndrome

extrapyramidal, une dysarthrie, des troubles de la conscience (de la confusion

mentale au coma), une vision floue, des troubles digestifs (nausees,

vomissements, douleurs gastriques, diarrhees), des fasciculations. Le deces peut

survenir par troubles du rythme cardiaque, insuffisance renale et oedeme

cerebral. Ces formes severes peuvent necessiter une epuration extra-renale.

Le patient et son entourage doivent etre informes des symptomes et pouvoir

les reconnaitre precocement.

En general, on retrouve une cause ayant favorise l’apparition de l’intoxication

au lithium. On retrouve les intoxications volontaires, les circonstances favorisant

les etats de deshydratation (periodes de fortes chaleur, restriction hydrique,

fievre, diarrhee…), l’instauration d’un regime sans sel et des facteurs iatrogenes

(diuretiques thiazidiques, anti-inflammatoires non steroidiens, inhibiteurs de

19

l'enzyme de conversion, inhibiteurs de l'angiotensine II, certains inhibiteurs

calciques, digitaliques…). La carbamazepine, les neuroleptiques a fortes doses et

surtout la clozapine, les antidepresseurs serotoninergiques (risque de syndrome

serotoninergique) imposent une surveillance accrue.

20

6 .2. L a carbamazépine (Tégrétol®) :

Instauration du traitement :


Le bilan a realiser avant d’instaurer ce traitement comporte une NFS avec

dosage des plaquettes, un ionogramme sanguin et un bilan hepatique.

L’augmentation de la posologie se fait progressivement et la posologie a

atteindre dans la prevention des rechutes des troubles bipolaires se situe entre

400 et 800 mg/j.

La carbamazepine est un puissant inducteur enzymatique qui modifie le

metabolisme de nombreux autres medicaments ; elle risque notamment de

rendre inefficace une contraception oestroprogestative.

Surveillance du traitement :


Le dosage de la tegretolemie peut etre realise en cas de suspicion de

surdosage, en cas d’effets indesirables et en cas de doute sur l’observance du

traitement. On surveillera regulierement la NFS, le taux de plaquettes, le

ionogramme sanguin et le bilan hepatique.

Effets indésirables :


- Effets neurologiques : Ils sont representes par la somnolence, les vertiges,

l’ataxie, la diplopie et la confusion mentale.

- Effets indesirables imposant l’arret du traitement : neutropenie,

thrombopenie, agranulocytose, aplasie medullaire, hepatite, hyponatremie,

troubles de la conduction, eruption cutanee, maladie thromboembolique.

Signes de surdosage :


Somnolence, tremblements, convulsions, ataxie, vertige, nystagmus,

opisthotonos, coma, tachycardie, hypotension, troubles de conduction, etat de

choc, nausees vomissements, oligurie.

Précautions d’emploi :


L’utilisation devra etre prudente chez les sujets ages, les conducteurs de

machine, en cas d’adenome de prostate et de glaucome par fermeture de l’angle,

d’insuffisance cardiaque, hepatique et renale. Le bloc auriculo-ventriculaire, une

porphyrie, une hypersensibilite a la carbamazepine, un antecedent d'hypoplasie

medullaire, l'association avec des antidepresseurs IMAO representent des

contre-indications a la prescription de carbamazepine.

6 .3. L e valpromide (Dépamide®) et le divalproate de sodium

(D épakote®) :

21

Instauration du traitement :


Avant de debuter un de ces traitements, il faut realiser une NFS avec

dosage des plaquettes, un bilan hepatique avec un dosage du TP. A visee

thymoregulatrice, le traitement sera augmente par paliers progressifs pour

atteindre 1000 a 2000 mg/j de DepakoteR ou plus rarement 2 a 6 cp par jour de

Depamide 300.

Le Depakote (divalproate de sodium) est une association de valpromide de

sodium (DepamideR) et de valproate de sodium (DepakineR).

Effets indésirables :


- Hepatotoxicite : une elevation moderee et transitoire des transaminases

est frequemment observee en debut de traitement. Les hepatites cytolytiques

sont exceptionnelles.

- Effets neurologiques : confusion mentale, tremblements, convulsions

- Autres troubles : irregularite menstruelle et amenorrhee, troubles

digestifs, alopecie, hyperammoniemie, thrombopenie, anemie et pancreatite.

Signes de surdosage :


Le surdosage peut donner un tableau de coma calme avec hypotonie et

areflexie.

6 .4. A utres molécules pouvant être utilisées comme régulateurs de

l’ humeur :

En France la carbamazepine, le valpromide et le divalproate de sodium ont des

autorisations de mise sur le marche a visee thymoregulatrice. D’autres

anticonvulsivants semblent egalement etre dotes d’action thymoregulatrice

(lamotrigine (surtout prevention des episodes depressifs), gabapentine,

topiramate, clonazepam).

7 . C hoix et efficacité des régulateurs de l’humeur dans les troubles

b ipolaires :

La recurrence du trouble est un facteur important a considerer dans la

prescription d'un thymoregulateur, que les episodes soient depressifs ou

maniaques, en sachant que la sequence manie puis depression est predictive

d'une meilleure efficacite de ces traitements.

22

Chez les patients atteints de trouble bipolaire de type I, l'efficacite

preventive du lithium a ete parfaitement demontree dans la prevention des

rechutes, surtout lorsque les acces maniaques typiques sont predominants. 70 %

des patients auront une action satisfaisante sur la prevention des rechutes

maniaques et 30 % sur la prevention des rechutes melancoliques. Ils sont

prescrits d'emblee aux USA lors d'un premier acces maniaque notamment

lorsqu'il n'existe pas de cause de manie secondaire (prise de toxiques, lesions

cerebrales, dysfonctionnement endocrinien), apres au moins deux episodes en

Europe, sauf si le premier est tres severe ou s'il existe des antecedents

familiaux au premier degre de trouble bipolaire. Dans 35% des cas, l'adjonction

de neuroleptiques ou d'antidepresseurs sera necessaire pour obtenir une bonne

prevention. Face a un premier episode de melancolie, le benefice therapeutique

obtenu par la prescription d'un regulateur de l'humeur semble plus modere et il

est d'usage d'attendre 2 (en moins de 3 ans) voire 3 episodes de trouble

thymique avant d'initier ces traitements. Il faut souligner qu'aucun regulateur

de l'humeur n'a d'effet curatif sur l'episode de depression melancolique et que

l'efficacite des regulateurs de l'humeur dans la prevention des rechutes

depressives demeure modeste.

Durée du traitement

 

: Pour certains auteurs (recommandations WFSBP

2004) le traitement doit etre maintenu a vie. L'interruption du traitement ne

peut etre envisagee raisonnablement qu'apres une periode de stabilisation

parfaite de la maladie d'au moins 2 ans et sera realisee sous stricte surveillance

medicale. Cette interruption sera progressive (sur plusieurs semaines) pour

eviter une hypomanie de sevrage. Un mauvais controle de la maladie dans l'annee

qui a precede l'interruption, une periode a risque (printemps ou automne),

l'absence de controle medical de l'interruption, la necessite d'adjoindre des

neuroleptiques ou des antidepresseurs afin d'obtenir une prophylaxie efficace

sont des facteurs de risque de rechute a l'arret du lithium.

La carbamazepine ou le divalproate de sodium sont utilises dans le trouble

bipolaire de type I, en cas d'efficacite insuffisante ou de mauvaise tolerance du

lithium. 50 % des patients auront une action prophylactique satisfaisante dans la

prevention des rechutes maniaques et 30 % dans la prevention des rechutes

depressives. Ils sont surtout preconises lorsque le trouble bipolaire de type I

est atypique ou chez les bipolaires de type II.

Le valpromide a un effet prophylactique avoisinant 40 % dans la prevention

des rechutes maniaques et 30 % pour les rechutes depressives, il demeure un

traitement prophylactique de seconde, voire de troisieme intention, dans le

trouble bipolaire de type I.

L'olanzapine (neuroleptique atypique) a l'indication dans la prevention des

rechutes du trouble bipolaire I, cependant, les risques metaboliques et le risque

23

d'apparition de dyskinesies tardives doivent rendre prudent quant a son

utilisation prolongee.

Lorsque les depressions sont repetees en l'absence d'episodes maniaques, les

antidepresseurs peuvent etre maintenus au long cours au dela du deuxieme ou

troisieme episode. Des thymoregulateurs peuvent etre preconises en association

avec les antidepresseurs dans les troubles bipolaires de type II et III.

Le traitement des troubles bipolaires a cycles rapides releve d'une prise en

charge specialisee.

Dans le traitement des troubles schizoaffectifs, l'association d'un

thymoregulateur et d'un neuroleptique atypique est en regle utilisee.

8 . L ’abord psychoéducatif des troubles bipolaires :

Le patient atteint d’un trouble bipolaire doit apprendre a vivre avec une

maladie chronique et l’adhesion aux soins, comme l’observance medicamenteuse,

sont ameliores par la connaissance de sa maladie.

En dehors des episodes depressifs et maniaques, le traitement repose sur le

bilan des facteurs pronostiques susceptibles d'agir sur l'etat du patient et des

propositions therapeutiques pouvant y repondre.

Le bilan des autres facteurs susceptibles d'influencer le pronostic de ces

troubles est essentiel afin de mettre en oeuvre l'ensemble des mesures utiles

pour l'obtention de l'etat optimal de stabilite thymique et d'une qualite de vie

satisfaisante :

- La structure psychique du patient. Une co-morbidite trouble BP- trouble

de la personnalite pejore le pronostic. La prise en compte de la dynamique

intra-psychique du sujet determine en grande partie la compliance aux

soins et le risque de rechute thymique aux evenements de vie. L'approche

cognitivo-comportementale peut etre utile, notamment en l'absence

d'indication ou d'engagement dans un travail psychotherapique du patient.

En l'absence de pathologie flagrante de la personnalite ou d'une

accessibilite a une approche psychotherapique, la psycho-education est

essentielle, l'information du patient etant un element essentiel de

l'alliance therapeutique qu'il est essentiel d'obtenir. La nature de

l'information a transmettre, obligation de tout psychiatre a l'egard de son

patient, depend du moment evolutif du patient, de sa capacite a s'engager

dans un suivi psychiatrique et de sa capacite a elaborer cet evenement de

vie.

24

- La qualite des relations entretenues avec les aidants naturels du patient,

essentiellement le conjoint. L'evaluation de l'impact de la pathologie sur la

dynamique du couple est essentielle. Selon le caractere fonctionnel ou

dysfonctionnel de cette dynamique, l'abord de la famille se limitera a une

information sur le trouble et les traitements et a un soutien psychologique

en fonction des difficultes rapportees par la famille (psycho-education) ou

imposera une approche a visee plus therapeutique (therapie systematique

ou familiale notamment).

- Les facteurs psycho-sociaux pouvant agir sur le devenir du patient et la

stabilite de son trouble devront etre egalement pris en compte

(evenements de vie ou difficultes durables, notamment la qualite de

l'environnement professionnel et satisfaction du patient a l'egard de cet

environnement et plus globalement de ces conditions de vie). Quelques

regles d’hygiene de vie simples sont a respecter pour limiter les

decompensations (aucune consommation de drogues et de

psychostimulants, essayer de maintenir un rythme de sommeil regulier,

limiter les decalages horaires, planification de l’emploi du temps pour

reduire les stress).

- Les facteurs somatiques sont egalement un facteur pronostique a

evaluer.

25



19/04/2013
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