Trouble dépressif majeur et bipolarité sous seuil

 

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Trouble dépressif majeur et bipolarité sous seuil

11/09/2010
Auteur : Dr Hantouche

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Concepts / Classification

La bipolarité -sous-seuil- a-t-elle un sens clinique ? Que dire du trouble dépressif majeur ? Quel lien entre les deux ?

Présentation de lʼétude

Il n’y a aucun doute que le diagnostic de trouble dépressif majeur (TDM) est souvent porté de façon excessive au détriment des troubles bipolaires (TBP). En fait, tout dépend de la présence des indices de bipolarité (manie / hypomanie) et surtout du seuil définissant ces épisodes et de la façon de les identifier (questionnaires / échelles / entretiens/ formation des personnes qui font les interviews ).

Dans ce contexte, une étude a été réalisée à l’Institut Max Planck de psychiatrie, Munich (cf. source). Le but était d’identifier un sous-groupe de bipolarité sous-seuil (selon les critères du DSM-IV) chez des personnes présentant un TDM. En d’autres termes, il s’agit de cas remplissant les critères pour le TDM mais avec un surcroît de symptômes maniaques, sans jamais atteindre les normes de [hypo] manie (encadré).

Signes de bipolarité sous-seuil :
Période d’au moins 4 jours avec :
1) humeur exaltée / euphorique créant des troubles ou notée par les autres comme un changement de fonctionnement mais sans le critère B (nombre minimum de symptômes)

ou

2) humeur inhabituellement irritable + présence d’au moins 3 symptômes hypomaniaques, mais sans le critère D (symptômes observés par les autres).

L’idée est de valider une série d’indices cliniques de bipolarité qui définissent ce sous-groupe qui sera comparé au sous-groupe de TDM "pur".

La méthode de l’étude de base se fondait sur un suivi longitudinal prospectif qui s’est déroulé en 3 phases sur une période de 10 ans. Les données cliniques ont été collectées selon le DSM-IV Munich Composite International Diagnostic Interview dans un échantillon de la communauté à Munich, en Allemagne.

L’échantillon étudié porte sur un total de 2210 sujets (âgés de 14-24 ans à lʼinclusion) qui ont terminé la troisième phase de suivi.

Résultats

Parmi les 488 personnes répondants aux critères de TDM, 286 (58,6%) étaient classés en "TDM pur" et 202 (41,4%) avaient les indices de TBP sous le seuil.

Par rapport au groupe "TDM pur", le groupe "TBP sous-seuil" était significativement différent par :
1-une histoire familiale de bipolarité plus importante,
2-une fréquence considérablement plus élevée de dépendance à la nicotine et l’alcool
3-une fréquence deux fois plus élevée de trouble panique
4-une tendance à la hausse des taux de délits et d’actes criminels
5-la fréquence des indices validateurs est augmentée (consommation d’alcool, bipolarité familiale, prise de risque) de manière proportionnelle à l’intensité de la composante maniaque.

Une analyse prospective a montré que le "trouble bipolaire sous-seuil" se convertissait plus souvent vers les formes complètes de bipolarité. Le critère "symptômes hypomaniaques observables par les autres" représentait un intérêt prédictif robuste.

Les données de cette étude suggèrent que la dépression majeure est un concept hétérogène qui inclut un sous-groupe de bipolarité sous-seuil, qui est cliniquement significative avec des similitudes avec le trouble bipolaire classique (ou complet selon les critères du DSM-IV). Ces données sont susceptibles d’appuyer la nécessité d’une conception plus large de la bipolarité et par conséquent un dépistage plus complet de ce trouble. Pas besoin de préciser l’impact de tels changements sur la qualité des soins et du traitement adéquat des patients consultants pour dépression.

Commentaire Dr EH (CTAH)

Je retiens de cette étude que 40% des personnes apparemment dépressifs majeurs sont en fait des bipolaires si l’on recherche le spectre complet de l’hypomanie. Un résultat similaire a été obtenu dans l’étude française EPIDEP (Hantouche et al, 2006). Dans celle-ci, on a trouvé que le diagnostic d’hypomanie chez les dépressifs majeurs consultants en psychiatrie passait de 22% â 40% quand les médecins recherchaient de manière systématique l’hypomanie (critères DSM-IV sans le critère durée-seuil de 4 jours). Cette fréquence grimpe à plus de 60% quand la dépression est récurrente et/ou résistante (étude Bipolact, Hantouche et al, 2009).

Un message à retenir :
  • la bipolarité est assez mal définie dans le DSM-IV
  • une approche dimensionnelle de l’hypomanie est plus appropriée soit par des questionnaires comme la CLH-20 ou CLH-32, soit par des critères plus larges que ceux du DSM-IV
  • l’importance des signes hypomaniaques "observés par autrui", donc des items comportementaux, notamment l’hyperactivité.

Références

  • Zimmermann P, Brückl T, Nocon A, Pfister H, Lieb R, Wittchen HU, Holsboer F, Angst J. ’hétérogénéité du trouble dépressif majeur (DSM-IV) comme une conséquence d’une bipolarité sous-seuil. Arch Gen Psychiatry. 2009 Dec; 66 (12) :1341-52.
  • Hantouche EG, Angst J, Lancrenon S et al. Faisabilité de l’autoévaluation dans le dépistage de l’hypomanie. Ann Méd Psychol 2006, 164: 721-725.
  • Hantouche EG, Azorin JM, Lancrenon S, Garay RP, Angst J. Prevalence of hypomania in recurrent or resistant depression: Bipolact surveys. Ann Méd Psychol 2009; 167: 30-37.
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30/04/2013
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