Alcool et sexualité

 

Docteur Marion Husson.

Centre Louis Sevestre

37390 La Membrolle

 

Le vendredi 27 mai 2005

 

Journées nationales de la           F.N.E.S.A.A.

 

Alcool et sexualité

 

 

 

 

Une sexualité épanouie réunit des compétences,  dans les domaines somatique, psychologique, émotionnel et relationnel. L’harmonie sexuelle entre deux être implique par ailleurs, une bonne communication, des échanges riches, chaleureux,  basé sur la générosité et le désir de faire plaisir.  Le sentiment amoureux  optimise cet échange qui se fait à différents niveaux : corporel, psychologique et émotionnel.  L’histoire et les différents facteurs événementiels (crises conjugales, naissance des enfants, gestion des problèmes domestiques..) inhérents  au couple influent sur ces liens.

 

Quand n’est il quand un produit psychotrope et dépendance tel que l’alcool intervient dans cet équilibre académique ?

Non seulement l’alcool agit sur ces trois topiques de l’individu , mais en plus il désorganise considérablement le système relationnel avec le(a) partenaire . On dit qu’il   touche l’individu dans ses dimensions bio-psycho-sociales. Les conséquences qui s’en suivent dépendent de  la gravité de l’intoxication (dose, durée) des caractéristiques de   l’individu, et de la tolérance du milieu.

 

Chez la personne non dépendante, effet de l’alcool sur la sexualité :

 

Le produit alcool est un merveilleux produit psychotrope, dont la consommation conviviale est souvent liée au plaisir, et à la détente.

Sur le plan sexuel et à petite dose, il agit positivement à tout niveau ; sur le corps il favorise la vasodilatation(flusch) et de là peut permettre un meilleure érection ou vasocongestion pelvienne, sur le psychisme il diminue l’anxiété, la peur ; au niveau émotionnel il favorise la désinhibition , en levant interdits , tabous, et favorisant par là l’excitation endogène liée au fantasmes.  Il agit comme un véritable « lubrifiant relationnel »  grâce à ses qualités réunies.

En plus, les mythes liées à l’alcool nous renforcent dans l’idée que ce produit est un bon « aphrodisiaque ».

 Les études de Lang(1983), dans une populations d’étudiants  ou de sujets non alcoolodépendants, montre qu’il existe un « effet d’attente » majeur ; l’érection obtenue étant  tout aussi performante si le sujet croit seulement avoir consommé de l’alcool. Ceci est probablement du au « modelage culturel », qui nous influe de façon subjective sur l’idée que nous avons des liens entre alcool et performances sexuelles. Les effets attendus sont d’autant plus  importants si la personne a un niveau de culpabilité sexuelle majeure.

 

Alcool +stimulation  sexuelle

    

           = excitation       

  

Soda  +  stimulation sexuelle

 

         = pas d’excitation

Faux alcool  +stimulation  sexuelle     

 

           = excitation

Soda (et alcool caché) +  stimulation sexuelle

 

         = pas d’excitation

 

  Par contre , à forte doses d’alcool : l’excitation sexuelle et la qualité du plaisir se détériore ; et ceci en  de façon linéaire avec le taux d’alcoolémie. 

A noter une particularité chez les femmes :  même si  le niveau de vasocongestion vaginale et si le déclenchement orgasmique devient plus laborieux, l’impression subjective de performance sexuelle persiste(Wilson et Lawson).

 

En CC :  l’expression de Shakespaere dans Macbeth « L’alcool augmente le désir mais diminue les performances » est vraie pour les hommes.

 

 

 Cas des ivresses pathologiques :

La permissivité de  la prise d’alcool  pour favoriser l’excitation sexuelle (qu’elle soit objective ou subjective) favorise   le passage à l’acte et permet à l’individu d’être dégagé de  sa responsabilité(adultère, expérience homosexuelle… )

Selon Freud, le « sur moi est soluble dans l’alcool », et de ce fait tout est permis et même absout.  Le même acte survenant avec ou sans alcool n’a pas la même signification aux yeux du public .

 

 Lors des ivresses pathologiques  le sujet totalement désinhibé  peut se livrer à des actes médico-légaux(inceste, viol, exhibitionnisme) . Selon Noiville  il s’agit de sujet présentant une sexualité archaïque,  ou l’Autre(et l’alcool) est vécu comme un objet de satisfaction ; les pulsions partielles encore indépendantes doivent être satisfaites sans délai.  La personnalité sous-jacente  a des points communs avec la perversion.

 

Dysfonctions sexuelles chez les personnes alcoolodépendantes  et intoxiquées:

 

La dépendance à l’alcool  répond à des définitions variables selon les cadres nosographiques.

Selon Fouquet il existe il existe différents types de comportements addictifs :

-  une dépendance physique (alcoolite) où le sujet est obligé de consommer pour réponde aux signes de manque.

-     une dépendance psychologique (alcoolose), où la pulsion à consommer  de l’alcool se manifeste lors des conflits intrapsychiques.

 

Cette dépendance peut s’associer  à une intoxication alcoolique plus  ou moins sévère (cirrhose, encéphalopathie, polynévrite ..).

 

Une co mobidité psychiatrique peut sous tendre ou s’associer à la maladie alcoolique(névroses, psychose maniaco-dépressive,  personnalités pathologiques, troubles bipolaires, phobies sociales…) , la consommation du produit psychotrope, au même  titre que le comportement sexuel prend  alors un sens  qui peut être intégrer au travail psychothérapique.

 

Devant cette diversité  clinique les alcoologues  parlent de « malades alcooliques ». Les difficultés sexuelles rencontrées  sont  donc multiples et variées, et s’analysent en fonction du type de dépendance, du degré d’intoxication, de la structure psychologique sous-jacente,   du  rôle du produit dans l’économie conjugale.

 

La chronologie de l’apparition du trouble sexuel  en fonction de l’alcoolisation semble un élément  majeur  à relever dans la biographie . (Nous l’appellerons Dysfonctions primaires ou secondaires à l’alcoolisation).

 

 

Dysfonctions  secondaires :

 

Les plus fréquemment rencontrés sont :

Baisse de désir, trouble de l’excitation sexuelle(érection, lubrification),  anorgasmie, impossibilité de 2eme rapport.

Dans la littérature en raison de la diversité des protocoles de recueil, les chiffres varient entre 8 et 54 % des troubles.

Au centre Louis Sevestre, sur  50 patients volontaires pour répondre  à un questionnaire nominatif les résultats sont les suivants :

 

     

 

Hommes

Baisse de désir

50%

Baisse d’érection

57%

Erection fragile

42 %

Ejaculation tardive

52 %

Absence de deuxième rapport

41%

 

 

 

Femmes

Baisse de désir

50%

Trouble de la lubrification

50%

anorgasmie

58%

 

 

La baisse de désir probablement plurifactorielle peut être expliquée par :

 

1.             origine  somatique : les cirrhotiques  (hyperoestrogénie relative),carences vitaminées(vitamines du groupe B) nécessaires à l’activité cérébrale, modifications des hormones stéroïdes liées à l’intoxication chroniques(hyper prolactinemie, baisse de la téstostérone).

 

2.             Origine psychique : dépression secondaire à l’alcoolisation(dépressiogène) dont font partie  l’anhédonie  et une baisse de l’élan vital  avec trouble de la libido,  l’anxiété généralisée.

 

3.             Trouble relationnel : l’alcool peut être utilisé comme facilitateur de la relation dans un premier temps, puis  ensuite devient le « tiers séparateur »,  ou « le troisième partenaire du couple ».

 

L’alcool  devient pour le malade alcoolique le seul objet d’investissement, capable de lui procurer sinon du plaisir, tout du moins un soulagement à ses tensions, de l’ordre du besoin qui doit être  assouvi.

 

L’auto-érotisme qui lie « l’alcoolique à la bouteille  comme le nourrisson à son biberon » selon Mutux, fait régresser la personne à un  stade libidinal exclusivement oral.  L’Autre n’a plus sa place  comme objet de désir. 

 

Par ailleurs, la réaction du conjoint face au conjoint  alcoolisé, insécurisant du fait des conséquences comportementales (violences, délire de jalousie de l’alcoolique..), se détériorant sur le plan esthétique(visage congestif, haleine œnolique..), n’incite pas au désir. Le rejet, la peur ou le dégout sont au premier plan.

 

 

Baisse du plaisir : excitation orgasme.

 

La vasocongestion pelvienne et le réflexe orgasmique sont  des phénomènes vasculo-nerveux.

Chez le malade alcoolique  l’association

1.            Des polynévrites carentielles essentiellement des vitamines B : retard orgasmique

2.            De l’intoxication tabagique provoquant un athérome généralisé(souvent de gros fumeurs).

3.            Des dépendances pharmacologiques aux psychotropes(benzodiazépines chez les femmes alcooliques).

 

explique ces troubles du plaisir sexuel.  Ceci implique que seul  le toxique alcool  est incriminé, et suppose un sevrage des autres produits.

 

 

Les Dysfonctions primaires

 

Dans notre étude locales, plus de 50 % des femmes le trouble sexuel préexistent à l’alcoolisation contre 20% chez les hommes.

 

Les troubles du désir chez les personnes particulièrement anxieuses, inhibée, culpabilisées. (cf supra) l’alcool est utilisé dans un but autothérapeutique.

Plus  particulièrement chez les femmes abusées, l’alcool est utilisé pour supporter la sexualité après le traumatisme lié à des abus sexuels ou à l’inceste. Comme le montre la littérature, il y a un lien tripartite entre alcool-trouble sexuel actuel-consomation abusive d’alcool.

 

Les troubles du plaisir :

Chez les hommes : l’éjaculation prématurée. L’alcool permet un allongement du temps de latence du réflexe orgasmique et de ce fait donne l’illusion d’un meilleur contrôle de l’excitation sexuelle.

 

Chez les femmes : le vaginisme (contraction involontaire des muscles perivaginaux), l’alcool semble agit comme un anesthésiant permettant une intromission. Au même titre, les femmes dyspareuniques (douleurs à la pénétration) utilisent l’alcool pour la même raison anesthésiante.

 

La difficulté est que les troubles sexuels préexistant à l’alcoolisation peuvent resurgir après le sevrage, parfois de façon vive, et qu’ils représentent en quelque sorte un facteur endogène potentiel de rechute alcoolique.

 

 

Les demandes de sexothérapie chez la personne alcoolodépendante :

 

La demande est importante, la majorité des personnes interrogées souhaitent s’occuper du problème sexuel (en parler, trouver solution) .

 

-     l’écoute active , empathique, sans jugement, semble être une première étape.

 

-     L’arrêt de l’alcool mais aussi du tabac, des médicaments(neuroleptiques, benzodiazépines), doivent être proposé comme un traitement visant à améliorer les troubles sexuels.

 

- Donner de l’information : beaucoup de patients ont des carences majeures dans  l’éducation sexuelle qui favorise les croyances et les pensées négatives (dysmorphophobie).

 

-     Parfois l’orientation dans une thérapie de couple paraît indispensable (conjugopathie  alcoolique  de structuration orale) selon Parcheminal.

 

-     Chimiothérapie : vitaminothérapie, vasodilatateurs généraux, VIAGRA°et autres vasodilatateurs des corps caverneux, injection intracaverneuses, modification du climat hormonal chez la femme.

 

 

 

Au total : acquérir  une sexualité plus épanouie , c’est concourir au processus de renarcissisation  qui est la base de la thérapie chez le malade alcoolique dont l’image de soi est souvent péjorative.

Le statut « d’alcoolique impuissant » est  lourd. L’alcoologue lui proposera en plus une « abstinence » totale d’alcool qui était souvent  son unique source de plaisir.

Le travail sur une image de soi positive, qui prend soin de lui,  dont le corps va mieux, est plus beau, plus désirable, qui est digne de caresses et source de plaisir  pour soi et pour l’Autre,  peut concourir à une meilleure qualité de vie,  et delà vers un maintien dans une abstinence moins privative.   



02/05/2008
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