Effet pathoplastique des tempéraments sur la bipolarité

 

Effet pathoplastique des tempéraments sur la bipolarité

3/10/2010
Auteur : Dr Hantouche

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Tempéraments

Chaque tempérament dicte son influence sur la bipolarité.

Le tempérament est la caractéristique fondamentale de la bipolarité


Comme déterminer l’âge de début des troubles de l’humeur, expliquer la complexité des symptômes ou moduler la marche de la maladie. La figure qui suit montre comment les tempéraments déterminent les âges de début des dépressions ainsi que la complexité sémiologique.
Dans la figure (cf fin de page),
on constate que le tempérament dépressif induit plus d’épisodes dépressifs et des manies mixtes ; le tempérament hyperthymique retarde considérablement la survenue des premières dépressions ; le tempérament cyclothymique est synonyme de début précoce des troubles, des cycles rapides et des dépressions complexes, atypiques et mixtes (synthèse de G. Perugi).

Chaque tempérament est une empreinte émotionnelle et énergétique. Il a donc sa propre signature qu’il imprime sur la personne ainsi que sur les aspects cliniques du trouble, soit sur l’expression clinique des manies et des dépressions, soit sur les complications au long cours. A partir des interactions entre les tempéraments et les épisodes se dégage la notion capitale de congruence de polarité ; par exemple un tempérament dépressif avec un épisode maniaque ou un tempérament hyperthymique avec un épisode dépressif, sont des exemples de non congruence qui est responsable de la formation des états mixtes. En revanche, un tempérament hyperthymique avec un épisode de manie sont congruents, car de même polarité et la résultante de cette interaction est un épisode maniaque franc avec des éléments psychotiques de grandeur. De même pour un tempérament dépressif qui se lie avec des épisodes dépressifs majeurs.

Cette interaction entre "trait" et "état" est probablement la caractéristique fondamentale de la bipolarité ; ce que les classifications ignorent complètement !

Influence des tempéraments sur les aspects évolutifs des troubles de l’humeur


Les tempéraments génèrent des complications au long cours :
  • Tempérament hyperthymique : Manie chronique (dans BP-I) et hypomanie permanente ou récurrente (dans la bipolarité atténuée ou cyclothymie)
  • Tempérament dépressif : Manie mixte chronique (dans BP-I) et "double dépression" - trouble BP-III avec hypomanie pharmacologique (dans bipolarité atténuée ou cyclothymie)
  • Tempérament cyclothymique : Circularité continue et évolution détériorante (dans BP-I) et trouble BP-II1/2 avec éléments borderline (dans la bipolarité atténuée ou cyclothymie)

Le tempérament hyperthymique


Le tempérament hyperthymique exerce un rôle modulateur de la maladie thymique. Lors de la survenue d’un épisode maniaque, le mélange va donner des formes explosives de manie pure ou euphorique (plus fréquente chez les hommes), avec un risque de survenue d’état maniaque chronique.

L’effet le plus pernicieux se voit avec la survenue des épisodes dépressifs. Les dépressions associées au tempérament hyperthymiques surviennent habituellement à un âge plus tardif par rapport à celles qui dérivent d?un tempérament dépressif. Les épisodes sont soit masqués (en raison du déni de la maladie ou des conduites de compensation, comme les addictions, l’excès au travail ou des exercices physiques), soit de nature mixte. Typiquement, ce sont des patients se plaignant d’un manque dʼénergie avec un mauvais sommeil mais avec des signes d’une hyperactivité intense (pensée rapide et encombrée ; libido augmentée ; forte irritabilité ; crises de colère ; tendances aux addictions). Au long cours, la présence de traits hyperthymiques peut prédire une évolution vers des cycles rapides avec des hypomanies et dépressions récurrentes. Les dépressions hyperthymiques sont désignées par trouble bipolaires type-IV.

Le tempérament dépressif


Le tempérament dépressif impose aussi son empreinte sur les épisodes thymiques.

Pour les manies greffées sur un tempérament dépressif, on constate souvent une expression mixte de la manie avec une fréquence et une intensité moindres des symptômes maniaques typiques. Comme si le tempérament agit en atténuant l’expression complète de la manie. Typiquement, ce sont des patients agités, rapides, insomniaques, hyperactifs avec une humeur dépressive, des sentiments de désespoir et des idées de suicide. Ces manies mixtes peuvent évoluer vers la chronicité en raison du taux faible de rémission complète avec les traitements classiques de la manie.

Les dépressions majeures surajoutées au tempérament dépressif sont proches du diagnostic de "double dépression". Elles sont précoces, récurrentes, sévères, avec surtout des tendances suicidaires plus nombreuses.

Le taux familial de troubles affectifs est également plus important. L’entité double dépression peut également appartenir au spectre bipolaire. Cela est attesté par un taux non négligeable de virage hypomaniaque sous l’effet des antidépresseurs. Dans lʼétude française Epidep, on a isolé un sous-groupe de dépressions associées à des épisodes hypomaniaques exclusivement liés aux antidépresseurs (forme désignée par trouble bipolaire type-III).

Ce sous-groupe se révèle être marqué par des traits du tempérament dépressif avec un taux élevé de suicide dans la famille. Ce résultat va dans le sens des observations empiriques suggérant un lien entre la dysthymie (dépression mineure chronique proche du tempérament dépressif) et la survenue de virage thymique sous traitement antidépresseur.

" Le tempérament irritable,
moins exploré que les autres, exerce également son impact sur l’expression des épisodes thymiques. En effet, les dépressions dites hostiles et colériques surviennent chez des sujets présentant des traits persistants d’hostilité. Les épisodes maniaques associés â un tempérament irritable s’expriment plus volontiers sans exaltation euphorique, donc plutôt des formes dépressives ou dysphoniques. Dans un travail récent, on a réussi de mettre en évidence un lien privilégié entre ce tempérament et la présence d’éléments psychotiques au sein de la manie, notamment des éléments psychotiques non congruents avec l’humeur maniaque (comme des idées délirantes de persécution, des hallucinations diverses).

" Le tempérament cyclothymique
comporte le plus d’impact sur l’ensemble des épisodes. C’est le terrain de l’instabilité persistante. Associé aux épisodes maniaques, il peut contribuer à la formation des manies mixtes ou dépressives ou à des formes à cycles rapides (plus de 4 épisodes par an). Dans certains, on assiste à une mauvaise évolution avec une circularité continue et une détérioration des fonctions cognitives du sujet. Dans les troubles bipolaires atténués, le tempérament cyclothymique est plus fréquent et surtout son influence sur les épisodes dépressifs est assez conséquente. L’intensité dépressive est augmentée avec un potentiel de récurrence plus important et un risque suicidaire plus élevé.

De plus, la présence des traits cyclothymiques est un des facteurs majeurs prédisposant aux effets adverses induits par les antidépresseurs (cyclicité rapide, virage thymique, agitation et insomnie rebelles, impulsions suicidaires...). Au long cours, la bipolarité atténuée avec cyclothymie évolue de manière complètement différente des autres formes. Les intervalles libres sont rares et l’instabilité émotionnelle est persistante avec des éléments qui ressemblent aux traits de la personnalité borderline ou État Limite. Cette forme est désignée par trouble bipolaire type-II1/2.

Le tempérament cyclothymique sʼavère être un marqueur robuste de la bipolarité atténuée. Par rapport au groupe Unipolaire, le groupe trouble BP-II se distinguait par des notes plus élevées sur le questionnaire du tempérament cyclothymique (CYC). Chez les patients présentant un tempérament cyclothymique, 88 % étaient diagnostiqués de manière indépendante comme ayant un trouble BP-II. Probablement le résultat le plus important est la forte corrélation observée entre les évaluations du CYC faites par le clinicien et le patient. Une note 10 sur lʼauto-questionnaire est un seuil correct pour définir le CYC en accord avec le jugement du clinicien et un marqueur robuste du trouble BP-II. Dans dʼautres conditions, le tempérament cyclothymique peut évoluer de manière isolée et constituer, à lui seul, un trouble à part.

Le Professeur G. Klerman le désignait, en 1980, par "BP type-IV", mais à ne pas confondre avec l?usage actuel de "BP-IV" consacré aux dépressions avec un tempérament hyperthymique.




14/05/2013
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