Etude Cas Clinique : Ma Mélancolie, •mon Haine-Amie•

 

CTAH

 

01 : le plus dur est de sortir le premier mot

1/01/2008

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

Parcours d‘un homme cyclothymique (15 épisodes)

Ce texte est rédigé par un patient souffrant de  Cyclothymie - Enfin un patient de sexe masculin qui témoigne ! Il a  accepté de le faire publier pour que cette "longue lettre" puisse faire  son chemin en parallèle du propre chemin de l’auteur.


"Cette  lettre est inhérente â  cette même identité, ce n’est ni plus ni moins  que moi, dans ses grands et petits moments, un reflet de ses réfections  biliaires et guerrières. Elle est longue et tortueuse comme le fut le  chemin qui m’a emmené jusqu’aux portes de votre cabinet, jusqu’â  ce  sentiment de soulagement que je ressens enfin. Elle a, en y  réflechissant bien, arrêté d’être mienne des le moment ou j’ai écris la  première console. Elle n’a par la suite cessée de m’échapper car  inévitablement pour ma santé mentale, elle devait se libérer de mon  esprit malade. Alors oui je veux bien lui laisser suivre son chemin et  son existance puisque maintenant je dois â  mon tour poursuivre la  mienne."


Je sais que déçue et blessée par ma  trahison, tu m’avais demandé de ne plus te contacter ou si cela devait  se faire pas avant six mois. C’est une chose que je n’ai pas su faire.  En regardant derrière moi je vois l’ampleur du gâchis, la somme de  souffrances pour lesquels je suis responsable. Je doute qu’il n’existe  de mots ni d’explication suffisamment cohérents. Il n’y a aucune excuse  valable ni pardon â  attendre, la froide réalité est bien lâ ? et je le  sais, maintenant que mes idées et mon esprit sont légèrement plus  clairs. Bien qu’elles n’aient pas encore tout â  fait disparue, cette  colère intérieure et la rage que j’éprouve envers moi-même se sont  quelques peu atténuées. Suffisamment pour pouvoir tirer le constat des  dégâts, sans avoir l’envie hic et nunc de me fracasser la tête contre  les murs. Mais avant d’y parvenir il m’aura néanmoins fallu plonger plus  bas encore, me noyer d’avantage dans l’alcool jusqu’â  la dissolution,  n’être ni mort ni vivant qu’inconscient cherchant l’absolution dans des  substances toujours plus proches du divin éther. J’aurais assisté  impuissant â  la destruction de la maison familiale par les flammes et de  notre passé réduit en cendre faire mentir le Phénix en me complaisant  dans la poussière.

Au-delâ  des pertes matérielles, celle de la raison, en mimétisme avec  Pandore j’ai bravé les interdits et de ma boite crânienne j’ai plongé  les yeux grands ouverts dans l’entrebâillement, me laissant happer dans  la démence et les fléaux de mon esprit. J’ai poussé l’apnée jusqu’â   l’asphyxie, je suis successivement passé de l’aliénation â  la catatonie  et voir pire encore avant de progressivement détourner mon regard du  néant et m’extirper des abysses. Je ressens maintenant avec une  aveuglante lucidité la brûlure de la culpabilité. C’est une toute autre  souffrance que de pouvoir émerger de nouveau comme au sortir d’un  cauchemar avec la gueule de bois en plus et privé de cette première  bouffée de soulagement qui te desserre les poumons lorsque tu réalise  que tout n’était qu’un mauvais rêve. Je n’avais pas trouvé la force  nécessaire pour me battre dans les premiers temps qui ont suivi mon  retour. Un jeune psychologue de la Police nationale vers qui on m’avait  orienté mi juillet lors de la déclaration d’incendie de l’appartement de  ma mère, aura su trouver les mots justes pour me tirer partiellement du  mutisme dans lequel je m’étais terré depuis des jours, des semaines.

?  Le plus dur dans votre cas c’est de sortir le premier mot. Une  fois ce barrage passé le reste suivra ?. En effet j’avais par dépit  jugulé tous les canaux de mon corps, de mes affects et de mon intellect,  m’interdisant par lâ  même toute nourritures, émotions, paroles, toute  démarche d’abréaction. Comme si je voulais anémier, bâillonner et  étouffer tous les jours un peu plus la bête exsangue que me renvoyaient  les miroirs. F.C., c’était son nom, se contentait d’écouter les flots  d’inepties que je débitais sans dire mots ou si peu séances après  séances dans son bureau exigu coincé entre le comptoir d’accueil et les  salles de garde â  vue du commissariat. Je me revois encore prostré sur  cette chaise face â  lui, le regard dans le vide. La tête penchée et le  corps arc-bouté aux repose mains, les lèvres ouvertes en rictus de  renvoi je me déversais sur le sol tel une bouche d’égouts laisserait  déborder des eaux plus noires et plus grasses encore que le linoléum qui  le recouvrait. Je me rends compte maintenant il m’aura en fait permis  de percer l’abcès laissant ainsi se libérer le pus visqueux et jaunâtre  dans lequel baignait mon âme. Il est parti en vacances au début du mois  d’août, je me suis alors agrippé â  mon bloc notes pour ne pas sombrer et  de l’encre noire de mes pensées je souillais au quotidien les pages  vierges. Elles m’auront essentiellement servit de buvard car des  pustules perlaient encore des sanies d’amertumes â  éponger pour  permettre une éventuelle cicatrisation. J’avais ainsi commencé une sorte  de catharsis en étant â  la fois acteur et spectateur, narrateur et  lecteur, m’exposant tout en restant simultanément â  l’abri dans  l’encadrement de mes feuilles. De  fait,  je devais me décharger un peu  pour d’une part libérer ma conscience avilie par une trop grande  émulsion émotionnelle et d’autre part tenter de comprendre.

Au fil des jours c’était devenu une chose importante de  pouvoir coucher sur le papier mes sentiments.
Qu’ils soient  orientés par des émotions oscillantes entre colère, tristesse,  amertume, exaspération, ceux furent tant de tensions internes qu’il me  fallait délester. L’écriture était une passerelle beaucoup plus saine,  qui me permettait de garder un lien avec la réalité. Elle soulageait  peut-être mais â  la relecture témoignait surtout d’un état dans lequel  la raison par ce mal, me faisait parfois défaut. Je ne cherchais pas  dans son processus ni justesse ni dignité, non, les mots qui me venaient  pour exprimer la souffrance â  ces moments précis, dans ces dialogues  solitaires que je t’adressais en silence, ne répondaient pas â  des  logiques compassées. A peine pouvaient-ils apaiser mon esprit déchiré  entre ma volonté de vivre et ces forces incompressibles qui me tiraient  vers l’abîme.

 

02 : Ma Mélancolie, •mon Haine-Amie•

1/01/2008

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Comme  tant d’autres, je flirte bien malgré moi avec la déprime.

Mélancolie  pathogène, J’avais l’impression que telle mon ombre, elle était cette  part de ténèbres qui me suivait partout.
Fidèle et implacable, je  l’avais baptisée mon ? Haine-amie ? pour me moquer un peu d’elle tout en  soulignant l’ambivalence de nos rapports. Cet avatar pseudo manichéen  caractérisait parfaitement son ambiguâ?té manifeste, sa nature trouble et  révélait la dimension caractérielle de ma propre personnalité. Ce nom  était aussi pour moi â  l’image de l’équivoque des latitudes de mes  attitudes, tantôt permissif et agaçant car aussi vrai que je haâ?ssais  mes longues descentes vers mes humeurs les plus glauques, j’avais l’air  de ne rien faire pour les combattre, je semblais même les entretenir. En  contre balance, j’éprouvais pour ma personne  énormément de haine, du  dégoût  face â  l’inacceptable et répugnante image que j’avais de moi et  qui m’interdisait la compréhension de mes propres actes et dépravations  pendant mes épisodes psychotiques. La déprime se conçoit plus facilement  que la schizophrénie, les mensonges, les black-out qui paraissent trop  d’â -propos et le toc des excuses qui sonnent creux. Tout ça formait une  Alchimie morbide, empreinte de raisons et déraisons mêlées. Une panacée  amère qui virait au vitriole.

Dans cette mélasse visqueuse et  absconse, mes cogitations s’embourbaient pitoyablement au cours des 4  premiers mois, la science qui m’aurait permis de comprendre les  incohérences de ma personnalité restait encore obscure. Il suintait de  ce marc de sentiments exacerbés l’â?lixir d’une vie biaisée par une  convulsive dualité, résister ou se résigner, Lutter ou se laisser  glisser, se battre ou rendre l’âme. Et dans cette réflexion circomplexe,  de Caâ?n ou d’Abel de qui intrinsèquement je me rapprochais ? Le  criminel ou la victime ? Parfois remplis d’espoir ou vide de tout mes  sens, en panne sèche, mes méditations hoquetaient et bégayaient. Je  peinais alors â  transcrire â  travers des mots ces geysers de pensées, ce  tumulte de sentiments fusants tous azimutes qui laissaient â  la  relecture un limon alambiqué qui pouvait être difficile â  appréhender.  Même si ça ne me permettait pas ou si peu d’atténuer le mal, c’était  l’écho de mon esprit torturé par ma conscience et qui criait sa rage de  savoir toutes les souffrances que je t’avais causées par mes actions les  peines engendrées?

Dans le souvenir de tes yeux inondés de  larmes, je me sentais monstre. Je balançais alors entre la colère et la  honte, c’était dans cet état mixte que resurgissait le plus souvent le  spectre de cette ? Haine-amie ? intime qui se matérialisait, qui  dessinait ses contours vils et affilés, tranchant en blanc et en noir la  palette de mes humeurs. Il m’arrivait parfois de l’entrevoir, sans pour  autant pouvoir l’attraper et lui tordre le cou une bonne fois pour  toute. Le fait même de la nommer, la sentir monter en moi, m’envahir  sans jamais parvenir â  la contenir était très dur â  supporter ou â   concevoir. Comment dans ce cas pouvais-je espérer de la compréhension ou  de la compassion des autres, de tous ceux qui ne vivaient pas  intimement les duplicités de leurs propres sens, de leurs comportements  qui peuvent prendre des aspects si extrêmes. Tout n’était alors que  frustration, rage, culpabilité, dégoût de sois puis résignation. Autant  de germes malins qui ensemençaient le terrain anormalement fertile de  mon obsessionnel attrait â  l’auto destruction physique ou psychique. Un  grain de folie furieuse que mon impuissance fustigeait.

Dans  cette tourmente, sans réponses â  apporter aux questions que tu me  posais, que je me posais sans cesse machinalement dans ma tête, une  hypothèse me paraissait impossible â  écarter, tout tendait même vers  elle. ? Je plongeais peut-être dans la folie en fait ?. Elle avait  probablement un peu de cela la folie. Etait-elle peut-être le résultat  d’un esprit constamment soumis â  des forces divergentes qui finiraient â   la longue par scinder les rapports entre l’intérieure et le monde  autours. Cela serait alors comparable â  se retrouver submergé par des  lames d’émotions, en bataillant tant bien que mal sous des déferlantes  de sentiments incontrôlés et contradictoires. Je suppose qu’on finirait  par perdre toute coordination dans nos actes, on boirait la tasse, se  noierait dans le délire.

Comment ne pas l’éviter d’ailleurs en  se retrouvant soudain ou progressivement incapable de faire entre le  faisable et l’inconcevable le moindre discernement. Bateau fou pris dans  la tempête de nos illusions, on deviendrait totalement inapte â  garder  une gouverne suffisamment assurée sur l’océan de la réalité. Pourrait-on  alors s’expliquer ou expliquer une telle détresse ? Comprendre pourquoi  les sons, les mots, les lumières auraient subitement changé ? Et dans  cette déroute ne pas partir en vrille ? Perdre le contrôle ? Alors que  certains se cramponneraient pour tenter de garder le cap, d’autres se  laisseraient dériver pour finir par s’abîmer contre la réalité  capitonnée des principes du monde qui nous régit.

Quand la  raison des autres nous renvoi â  la face l’écho de notre irrationalité,  se sentant marginalisé, il ne resterait alors pour seul salut, telle une  bouée de sauvetage qu’â  s’accrocher â  sa démence pour tout de même  subsister. Pour trouver malgré tout dans son illogisme un espace  d’abandon.

Certains se réfugient dans l’alcool, la drogue pour  anesthésier avec des ivresses chimériques la violence des batailles  intimes. Les folies seraient alors autant d’îlots d’inconsciences où il  règnerait ses propres règles dialectiques, on y parlerait des jargons  obscurs aux profanes, on trouverait du sens la où personne n’en voit,  sentirait des couleurs dont personne ne percevrait les saveurs. La  psychiatrie et ses institutions leurs donnent peut-être des noms,  définissent des symptômes et des échelles, les malades eux n’y verraient  probablement que des logiques de survies. Qui sait ? Ou bien je  devenais bel et bien fou punis d’avoir abusé sans retenue.

 

 

03 : J’ai fait mon choix, jai choisi l’alcool

1/01/2008

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Oui, je me souviens de la loque que j’étais.

J’imaginais sans  trop de peine le dégoût que tu devais ressentir â  te remémorer le  spectacle répugnant de ma déchéance. Je savais que je t’avais lésé dans  ton droit â  aspirer au bonheur, j’avais spolié tes attentes d’un amour  réciproquement dévoué en me dévouant corps et âme â  mon addiction. C’est  une bien triste constatation, mais Il y a définitivement de  l’ingratitude dans l’alcoolisme, de l’aveuglement lorsqu’on ne voit plus  la main qui se tend, de l’indifférence â  l’affection qu’on afflige,  mais aussi de l’obstination â  renier contre tout bon sens sa propre  condition. Je ne saurais concrètement te dire Siobhan ce que je  cherchais dans la boisson. J’ai pourtant voulu démystifier ce rapport  que j’entretenais avec elle pour pouvoir soustraire â  ma dépendance le  caractère fataliste qui aurait voulu qu’un ivrogne restera toujours un  ivrogne, pour pouvoir peut-être tout simplement enfin répondre ?  Non ! ? â  l’amère conclusion que tu tirais de ma rechute le mois de Mai  dernier ? tu l’as choisi, Tu as fais ton choix, tu as préféré l’alcool !  ?.

Au-delâ  du glas des mots qui résonnent encore comme  autant de tocsins marquant la fin de notre histoire, la résurgence de  ton image ce soir-lâ  dans la cuisine m’est tout aussi difficile â   supporter. Tes traits étaient tirés, anéantie ton visage portait les  stigmates de la souffrance et de tes yeux coulait toute la désillusion  de la trahison. Qu’est ce que je cherchais dans l’ébriété que je ne  trouvais une fois lucide ? Quel était donc cet utopique ailleurs où je  me réfugiais lors de ces vaporeuses fuites vers l’Ether ? Comment  suis-je passé de simple consommateur â  dépendant ? Comment ce faisait-il  que je puisse du tout au tout basculer de périodes sans envies ou de  justes modérations â  des pics de frénésie ? J’avais tant de questions  sans réelles réponses et comme cela l’avait été pour la boisson mon  envie d’expliquer tout ça devenait compulsive.

Persuadé qu’il y  avait quelque chose de plus grand, plus profond et fort, j’avais réussi  un temps â  chercher ailleurs que dans mon expérience conflictuelle.  J’enchaînais les lectures de brochures, de témoignages, de livres â  ce  sujet afin de m’ouvrir un champ de réflexion moins concentrique et  ruminatoire. J’avais notamment été interpelle dans ma quête d’un sens au  milieu de tout ce fouillis par la préface du livre ? le devoir  d’ivresse ? de Jean-Yves ALBRECHT thérapeute des problèmes des  dépendances. Dans les premières pages de son ouvrage, il déracinait la  notion que l’on se fait tous de l’ivresse pour mettre en lumière au  travers des coutumes des anciennes civilisations, une définition  conceptuelle différente, beaucoup plus métaphysique, philosophique et  religieuse. En substance la recherche de l’ivresse était initialement  une sorte de chemin ésotérique qui permettait de pénétrer la dimension  du sacré. Selon les civilisations elle avait pour véhicules soit des  produits psychotropes (drogues, plantes, alcool) soit la pure exaltation  mystique des incantations (mantra, soutra, prière) ou encore  l’association chamanique des deux.

Quelque en fut le médiateur  la route qui menait â  cette expérience était scrupuleusement balisé du  jalon des cérémonies et des rituels. Ce n’était qu’une fois sécurisés  par cette démarche initiatique que les voyageurs pouvaient entamer en  toute assurance cette descente ultime vers l’introspection extatique la  plus profonde jusqu’â  la dissolution totale du soi dans le tout  universel. Les prétendants â  la révélation pouvaient alors se permettre  de se risquer â  l’élévation osmotique de leurs âmes vers la toute  puissante et insondable entité divine. Je comprenais cette vision  parabolique, l’immersion sous influence, la symbiose de l’intra et de  l’extra, l’ascensionnelle communion avec le divin mais je remarquais  aussi qu’aujourd’hui cette expérience était dénuée de toutes ces nobles  notions. Les chemins ne ramenaient plus aux mêmes endroits.

Les  approches mythiques et traditionnelles qui constituaient l’écorce  protectrice et en préservaient l’essence avaient disparu. Qui â  part de  quelques rares peuplades se souciait encore de la dimension  transcendantale du voyage. L’Ivresse autrefois sage et formatrice  s’était émancipée tournant le dos â  la morale, aux rigueurs de ses  dogmes, rituels et devoirs pour devenir une fille facile qui cherchait  dans sa quête du plaisir primaire, une fin en soit. Dans le meilleur des  cas elle restait légère festive, conviviale et n’élevait plus rien  d’autre en nous que notre sociabilité. Nous étions passés d’une époque  où l’enivrement était synonyme d’une démarche spirituelle longue et  méthodique vers un accomplissement personnel, â  une simple distraction  sociale et grégaire. Comme tout le monde, je pense que cette transition  n’a rien de choquant en soit, les choses changent voila tout, mais  encore faut-il savoir user sans en abuser et le monde étant ce qu’il est  le bon escient n’est pas chez l’homme un acquis de conscience. La  lucrative banalisation des alcools et la haute technicité narcotique,  auront aussi progressivement repoussé la valeur de plaisir vers des  frontières dangereuses.

Malheureusement beaucoup les traversent  et je faisais partie de ceux-lâ . Le mercantilisme avait induit des  comportements destructifs, au pire mortifères. Les drogues, et leurs  puissances vous font maintenant planer quasi instantanément â  des  hauteurs vertigineuses. De semaines en semaines, de fêtes en fêtes selon  les fréquences, les amplitudes entre les descentes et les montées vous  usent en vous faisant passer d’exaltations osmotiques â  d’insomniaques  mixités dépressives. Machinalement â  faire des allées retours entre ces 2  étages de consciences, on y risque sa santé physique et mentale.

J’avais  par épisodes ces dernières années compulsivement abusé, avais noyé mon  corps ma tête jusqu’au coma, m’interdisant de réfléchir, découpant ma  mémoire en lambeau comme dans mémento. De tels abus ne pouvaient ne pas  laisser de traces. Mais cela n’avait pas toujours été le cas alors  pourquoi ?
Pour quelles raisons cette ligne avait-elle été franchie ? 
Quand se rend-on compte â  temps qu’on l’a franchie ?
Etait-il  déjâ  trop tard ?
Etait-ce un signe de faiblesse ?
Comment ne pas  rechuter ?
Je me posais encore beaucoup de questions.

 

04 : Il y avait entre moi et moi-même, deux visages pour deux images

1/01/2008

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

J’avais  l’impression de tourner en rond, d’être impuissant et complètement  dépassé.

? Mon haine-amie ? intime était maligne et perfide  et même si aujourd’hui je suis quitte avec ses invitations â  la  beuverie, j’avais eu parfois du mal â  retenir ses envies de me tirer  vers le bas lorsqu’elle élaborait dans ma tête des scénarii morbides. Il  était dur alors de ne pas me laisser glisser, et pour garder un peu de  contenance sobre, j’ai persisté â  gribouiller mes pensées et â  lâcher  mes sentiments pour trouver dans l’écriture cet exutoire nécessaire qui  me permettait d’évacuer les sécrétions de ma conscience. De manière  ponctuelle, elle tarissait la flamme et  faisait du bien. Mes ces  dialogues restaient toutefois difficiles, capricieux.

Certains  soirs le flot des mots déferlaient avec la fougue d’un tourment sauvage  et indomptable, par opposition, certaines nuits la mer était obscurément  plate. Animé d’aucune bride de volonté, je m’affalais, m’ankylosais  jusqu’â  sombrer dans un semi mutisme. Il m’arrivait de passer des  week-ends sans ouvrir une seule fois la bouche. Entre le ? bon week-end ?  tièdes des Vendredi et le ? Bonjour ? des Lundis matin grognons, mes  heures, minutes, secondes s’égrainaient â  l’infini, en longues  ruminations. Ou cela avait-il irrémédiablement dérapé ? Je relisais  quelques fois ce que j’avais écrit et une envie furieuse de tout effacer  m’envahissait systématiquement, persuadé que tout ceci était bien vain.  Que ce n’était ni plus ni moins que le dégueuli d’un cerveau malade et  rongé de remords. J’ai fini néanmoins par voir derrières ces quelques  lignes, l’engrenage d’un mécanisme de lutte. Une lente excrétion pour  pouvoir enfin expier ma lâcheté.

Il m’avait manqué de  combativité et de courage. N’avais-je été en fait qu’un hypocrite, un  paranoâ?aque, Schizophrène, pathétique Alcoolique ? Le jugement que  j’avais de moi vrillait comme une girouette folle sous une multitude  d’incompréhensions et inlassablement il m’usait. Même si je ne me  résignais pas il m’arrivait d’avoir peur notamment lorsque je me  retournais et me remémorais ce qui c’était passé, et cette sempiternelle  question qui me taraudait, ? Ou diable cela avait-il ripé ? ? Une seule  certitude restait et restera â  jamais, j’avais â  mes côté la femme la  plus remarquable et la plus adorable qu’un homme puisse oser espérer.

Je  n’ai de toute ma vie rencontrée une personne telle que toi et je doute  qu’on soit ainsi privilégié deux fois par l’amour. ? Alors, pourquoi  tout gâcher ? ? Non je n’avais aucune raison, rien de visible en  apparence. Mais je sais bien que les apparences sont des murs de fumées.  A tes côtés je faisais fort et grand, j’avais aux yeux des gens l’image  un garçon toujours de bonne humeur, solide du haut de ses 1,80, tel un  rock de certitude, apaisant car bien ancré. Alors que lorsque tu n’étais  pas lâ , j’étais en fait pâle â  l’intérieur parfois transparent, un  monticule de paille qui s’embrasait â  la moindre étincelle. Ma tête  était une demeure qui renfermait un esprit mité par les doutes et les  angoisses. Mon aspect avait la brillance d’un vernis qui maquillait le  toc du contenu et la manière dont les autres m’appréhendaient n’était  que le reflet d’un miroir sans tain. Mon pas n’avait rien d’assuré il  est plutôt gauche, comme en équilibre précaire sur le fil d’un rasoir  effilé â  la ponce de mon auto dépréciation.

Je me sentais assez  pitoyable. Une chanson qui passait régulièrement â  la radio â  l’époque  avait pour refrain :

Y a l’homme que l’on aime,
L’autre  qu’on ne comprend pas,
Si les deux sont le même,
Alors lequel  nous restera,

Y a l’homme que l’on aime,
L’autre qui ne  s’aime pas,
Qui s’endort sur ses problèmes,
Trop fier n’en parle  pas,
Je ne sais pas, je ne sais plus,
Et deux visages pour deux  images
Je ne sais pas, je ne sais plus,
Comment te reconnaître  quand tu reviendras.

Je l’ai fredonné pareille â  un mantra, songé  jusqu’â  maturation. Dans l’état d’esprit dans lequel je me trouvais,  ces paroles vibraient tel un leitmotiv sur ma propre dualité. Elles  dessinaient et creusaient encore plus profondément les scissures entre  celui que je pensais être et celui que ces derniers événements auront  révélé. Il y avait effectivement l’homme que l’on aimait, doux et  aimant, qui trouvait son plaisir dans celui qu’il donnait, heureux,  joyeux luron fragile â  la fois en proie aux doutes et aux passions,  rêveur parfois. Et il y avait l’autre, le ténébreux Caâ?n qu’on ne  comprenait pas, qui convulsait d’obscénités comme le ferait un  épileptique en crise. Dépravé et déroutant. Engagé conscient ou insensé  dans des courses folles vers l’usure de son corps en enchaînant les  comas éthyliques comme autant de morts passagères ponctuées de brides de  brèves réalités comme des flash-backs cauchemardesques.

Il  y avait entre Moi et Moi-Même, Deux Visages pour Deux Images

 

 

 

05 : Google - Bipolarité - Dépression - Paris...

1/01/2008

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Ce  désir de saisir tout ça, de me donner d’autres choix que celui du  dégoût, car j’en étais arrivé jusque-lâ  certains jours, tournait â   l’obsession.

Et plus je me forçais plus les pièces du puzzle se  dissociaient. On perd de la perspective â  rester focalisé les yeux pendu  au plafond ou enfermé en intercalaires entre deux pages. Alors Parfois  je devais me forcer â  sortir prendre des bols d’air pour, les poignets  endoloris, oser les ouvrir et faire couler de mes veines un sang frais,  m’injecté de l’oxygène. Au début j’y allais â  reculons car lorsque  j’arrivais â  mettre le nez dehors pour me changer les idées, j’avais des  élans morbides en regardant les trains et les métros passer. Il me  fallait refreiner avec peine les poussées paranoâ?aques, les crises de  panique. La chaleur des mois d’été, les gens et leurs contacts, tout me  paraissait insupportable. J’évitais les yeux des passants comme si de  leurs regards, ils pouvaient violer et pénétrer la chair meurtrie de ma  conscience. Ma démarche était traînante, mon allure chétive. Je  maintenais barbe et tête hirsute, vissées entre des épaules salles et  usées â  force de longer les murs crasseux des couloirs souterrains et  ceux des rues engorgées de touristes et de badeaux.

L’agoraphobie  a fini par passer progressivement tout au long du mois de septembre.  Les émotions se sont tempérées. J’éprouvais même parfois une certaine  quiétude â  allais me baigner dans le chao des artères Parisiennes tout  feu tout flamme des conflits sportifs des débuts de soirées bariolées  des couleurs multiraciales de la coupe du monde de rugby. Aux détours  des croisements, aux passages des allées piétonnes de terrasses en  terrasses entendre parler, espagnole, roumain, surtout anglais, voir la  joie des familles, des couples main dans la main et inévitablement  repenser â  toi, â  Glasgow et tous les moments magiques que j’avais vécu.  Les personnes formidables que j’avais connues puis déçues. Le fait de  me plonger dans l’anonymat en me fondant dans la masse aura été aussi  très bénéfique car ça m’aura permis de rester â  l’abri caché derrière  des lunettes noires tout en gardant un lien avec la société. Je ne  connaissais plus grand monde ici ne fréquentais personne. Je ne faisais  rien non plus pour être abordable car non seulement j’avais perdu toute  confiance en l’être que j’étais devenu mais  j’éprouvais aussi un besoin  indispensable de cette solitude protectrice. Elle me permettait de me  recentrer.

Aujourd’hui encore, 6 mois  après avoir de nouveau  étranglé mon stress et mes angoisses avec des cravates trop serrées et  redresser mon dos voûté pour rentrer dans des costumes de camouflages  afin de  pouvoir faire la seule chose dont je sois réellement capable de  faire correctement, travailler, enchaîner les heures sup., de nuits ou  de week-ends. Je la conserve soigneusement cette solitude, alors que  d’autres pourraient la  subir, j’en ai tout au contraire fait mon allié  et m’empresse de la retrouver des que je sors du bureau et que je me  noie dans la foule. C’est dur â  expliquer tout comme l’étaient mes  fluctuations d’humeur et l’équilibre que je trouvais dans l’antagonisme  de la cacophonie urbaine qui m’entourait et le sentiment d’euphonie  intérieure que je ressentais. Si on fait vraiment attention dans ce  brouhaha, on peut percevoir un son porteur d’espoir, le bip d’une balise  qui vous indique la direction où trouver la berge.

C’est ainsi  qu’un soir début octobre dans le métro au hasard d’une conversation  entre deux dames que j’écoutais â  moitié plongé dans mes réflexions,  j’ai reconnu dans les plaintes d’une d’entre elles sur les relations  qu’elle entretenait avec son fils de 26 ans, des mots qui m’étaient  familiers. ? Il n’arrêtait pas de déprimer, était incontrôlable parfois,  des pics d’hyperactivité, rechute, comportements anormaux, Il faisait  des crises de folies ?. Il y avait dans la manière dont elle décrivait  leur situation certaines similitudes frappantes ? j’étais perplexe  découragé face â  l’incompréhension, la souffrance? Malgré les psys, les  antidépresseurs il n’était jamais stable très longtemps? Je ne le  reconnaissais plus, c’était devenu un inconnu ?.  J’ai ce soir-lâ  raté  ma station et dans la correspondance qui me ramener du terminus de la  ligne 4 â  mon arrêt Les Halles, j’ai fais mentalement les liaisons, les  associations, une somme d’hypothèses avec en retenue la dernière phrase  que j’avais été capable d’entendre alors qu’elles descendaient et  s’éloignaient sur le quai ? grâce â  Argos, nous avons finalement? ?. ?  Argos ? â?tait-ce un nouveau médicament ? Une institution ? Le nom d’un  éminent Psy de Paris ?

Google =>  Argos+Dépression+Paris,
â??    Argos 2001 association pour les  personnes atteintes de TOC, dépression et troubles Bipolaires.

Google  => Bipolaire+Bipolarité, malade des troubles de l’humeur  anciennement dite Maniaco-dépressive caractérisée par l’alternance  d’épisodes de manie ou hypomanie et de dépression.

Quelques  clics et plusieurs heures plus tard ont suffit pour ouvrir une brèche  par laquelle perça une pale lueur. Prématurément je me suis permis des  illusions de compréhensions en me laissant aller â  des humeurs  chamarrées d’espoirs tels cents issues de secours qui m’auraient  autorisées peut-être de mitiger les sentiments qui me rongeaient. Les  recherches et les lectures se sont enchaînées, Bipolaire Type I, II,  Cyclothymie, état mixe. Cela faisait beaucoup d’informations  intéressantes, mais qui suscitaient tout autant de questionnement  supplémentaires. Comment faire la différence et me cibler, schizo,  névrosé, affabulateur chronique, pervers alcoolique, borderline,  bipolaire ? Il me fallait de l’aide car de nature l’envie et la  motivation sont pour moi des démarches saccadées et trébuchantes telles  les variations d’une mélodie d’organes désaccordés et asynchrones. Les  pas vers l’acceptation devaient se faire lentement sans précipitation.

J’avais  décidé d’être rigoureux et réellement dur avec moi-même. Il n’était pas  question de me laisser aller â  trouver des excuses faciles. J’avais  opté pour la pondération contre la précipitation, car mon expérience  aura montré que mes choix tendaient toujours vers les extrêmes. Je  n’avais aucune confiance en l’être que j’étais devenu tout comme je me  méfiais des thérapeutes que j’avais pu voir et qui â  coup de Xanax?,  Risperdal?? s’étaient contentés de me booster aux point de me  transformer en un Icare aveuglé d’un optimisme ostentatoire. Sous des  euphories chimiques, je n’avais pas su sentir les courbes arriver, en  allant trop bien, trop vite j’avais tiré tout droit. Je m’étais brûlé  les ailes en passant précipitamment de l’obscurité au zénith.

Comme  un plongeur remonterait des grands fondeurs â  la surface sans paliers,  l’oxygène avait fait exploser mes tympans et d’embolie je m’étais  asphyxié.

 

 

06: j’avais besoin de l’avis d’un spécialiste

1/01/2010

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

J’avais besoin de l’avis d’un spécialiste pour rendre légitime ma lutte.
La décision était prise depuis plusieurs jours déjâ, encore fallait-il faire le premier pas pour pourvoir mettre en branle le branle-bas de ce combat que je n’espérais pas perdu d’avance. Depuis que j’avais entendu parler d’elle j’obsédais de pouvoir la sonder, je rêvais d’appréhension mutuelle. En parcourant les forums, j’ai été témoin de la grande détresse et la solitude de nombreuses personnes.

J’ai pu calquer ma vie et ses clashs sur celles de tant d’autres. J’avais trouvé rassurant et déroutant â la fois de se rendre compte après avoir vécu en aillant le sentiment d’être un paria pour la société, qu’elle compte en son sein toute une catégorie de personnes â laquelle on pouvait se rattacher. Je me suis remis â fréquenter un bar, cette fois ci avec bon c?ur et sans peur de risquer les saouleries. C’est un bistro différent fait d’habitués, tu me diras qu’il n’y a lâ rien de singulier avec la majorité des bars que ce soit sur Glasgow ou sur Paris. En fait sa particularité venait de son nom et de son emplacement.

Le Bar des ? Bipotes ? est un espace virtuel, un chat sur Internet ou les bipolaires de monde entier peuvent venir se connecter et se retrouver pour partager des conversations, blaguer, prendre des nouvelles de chacun et surtout se détendre. Lors de ma première connexion je me suis fait remettre â l’ordre d’ailleurs. J’étais dans un premier temps resté très silencieux me contentant de lire les échanges entre Laura, Nanou, le poète, Betty, la tenancière du bar et jean. Laura est une hôtesse de l’air Anglaise diagnostiquée Bipolaire depuis plus d’une quinzaine d’années en attente de son première enfant dont la s?ur est bipolaire également. Elle est l’une des doyennes du bar pas tant par son âge, 36 ans, mais par la fréquentation en étant l’une des premières connectées. Le poète la cinquantaine dont vingt diagnostiqué Bipolaire, professeur en littérature au Québec fait lui aussi parti des anciens comme ils disent avec la tenancière diagnostiqué depuis dix ans et qui vit sur l’île de la réunion. Je ne sais pas grand-chose sur jean si ce n’ est qu’il vit â Paris et qu’il aime la techno. Betty la trentenaire, relativement boute-en-train vit quelque part en France quant â Nanou environ cinquante dont vingt ans de Bipo fut ma correspondante la plus régulière en dehors du bar mais toujours sur internet. Je lisais donc avec intérêt sans réellement connaître les références de médicaments et traitements que certains donnaient. Ils avaient tous l’air d’être tellement pointus sur les termes.

Ils parlaient de cycles, de monitoring, de phases, de dosages,
Un jargon qui m’était impossible de déchiffrer malgré les recherches que j’avais pu faire et qui étaient restées que générales. Laura qui est très gentille avait remarqué que je n’avais dit mots si ce n’était pour dire bonjour â ma connexion, m’adressa un petit ? coucou, alors c’est la première fois que tu viens au bar ? Tu es Bipo toi aussi ? Tu es diagnostiqué depuis quand ? ?. Et lâ tout comme je l’avais fait presque 3 mois auparavant, j’ai senti tout remonté et frénétiquement mes doigts ont commencé â marteler le clavier. Les mots, les phrases, les lignes les unes après les autres sans points ni virgules se sont enchaînées sur milles questions et interrogations sans attendre de réponses précises, j’ai monopolisé le comptoir en déversant au rythme des clics clacs des touches un trop pleine que je pouvais plus contenir. La punition fut immédiate, la tenancière de sa police rouge vive comme un ? stop ? péremptoire avait réussi â insérer une ligne dans la fenêtre qui avait pris dans sa totalité la teinte bleu qui était associé â mon nom ?  Tu te crois où lâ ? C’est un endroit d’échange ici? ne garde pas la parole d’une part et d’autre part ton psy est lâ pour écouter tes pleurnicheries? ?. Je me suis senti me décomposer et si ridicule â la fois.

Je l’avais néanmoins bien cherché car en remontant le fil de la conversation, il n’y avait effectivement depuis bien longtemps ni le vert de Laura, ni le violet de Nanou encore moins le jaune de Betty et le blanc du poète jean comme â son habitude était resté silencieux. Je me suis platement excusé auprès de tous pour mon manque de politesse et comptais me déconnecter dans la foulée quand Nanou de son vrai nom Laurence m’a invitée â une connexion privée que j’ai acceptée. Elle ma gentiment expliqué les règles et m’a convaincu de ne pas me laisser abattre, je suis finalement resté. J’ai continué â lire, me suis contenté de répondre très brièvement aux rares questions posées sans rentrer dans les détails. Comme dans tout bar qui se respecte la clientèle â variée au cours de la soirée, certains nous ont rejoint d’autre fatigués ont quitté l’établissement pour rejoindre Morphée et au final seuls les piliers sont resté accroché au comptoir jusque tard dans la nuit.

Laura faisait parti de ces couches tard, peut-être cela venait-il de son métier lorsque d’escales en escales entre JFK et Narita International Airport, d’un bond de faisceau horaire â un autre elle a fini par s’habituer â un rythme de sommeil toujours changeant. En compagnie de Betty nous sommes restés lâ â parler plus intimement. J’ai alors eu l’opportunité de lui expliquer un peu mieux ma situation et répondre enfin â sa question. Non je n’étais pas Bipo â proprement dit car je n’étais pas diagnostiqué, d’ailleurs je n’avais même pas de Psy, n’en connais pas tout comme je ne connais pas grand choses la bipolarité. Elles ont pris le temps de m’écouter, de me faire partager leurs expériences. Laura m’a fait comprendre qu’il était important et urgent de trouver un bon médecin car elle était elle-même passé pendant de longues années â côté de ce qui la touchait vraiment.

De démarches thérapeutiques en traitements infructueux elle avait perdu beaucoup de temps, d’énergie et qualité de vie. Betty qui habite en province n’en connaissait pas sur la capitale, par chance la stewardess bientôt maman me donna deux noms de spécialistes dans Paris, Docteur Gay et Docteur Hantouche.
 
 

07 : Ma quête vers la compréhension et la guérison.

1/01/2010

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

Ce soir-lâ en les quittant, pour la première fois depuis de longs mois j’avais eu la sensation de pouvoir respirer un peu mieux comme si ...
... on avait enlevé un cran au corsais qui m’enserrait la poitrine. Libéré de cet étau, je suis allé me coucher avec quelques boules en moins dans l’estomac. Le cabinet de Gay est situé â Garches, une ville dans la banlieue ouest tandis que celui d’Hantouche est dans le 6° arrondissement. J’ai choisi de rester sur Paris. La chance ou un jeu de circonstances avantageux pour moi a voulu qu’une personne se désiste le lundi qui suivait ce qui m’a permis de ne pas avoir â attendre trop longtemps pour ma première consultation.

J’avais pris également l’habitude de surfer les sites canadiens ou américains qui semblaient plus nombreux. Parmi les Français je visitais essentiellement celui d’Argos 2001. C’est une association très active, avec une multitude d’aides et de conseils, on y trouve des programmes de suivi pour les malades et les familles. On peut y puiser une bonne source d’informations utiles. Ce qui m’intéressa plus particulièrement, c’est qu’elle organisait chaque mois une conférence sur des sujets variés liés â la bipolarité. Même si je ne pouvais me définir en tant que tel c’était une nouvelle piste â explorer. Mon besoin de comprendre était toujours aussi grand et je planais encore mal â l’aise entre incertitude et rumination. La prochaine conférence était prévue pour le jeudi de la même semaine â la faculté de Médecine de l’hôpital Cochin, amphithéâtre Luton, 20h. Elle était tenue par le Docteur Gourion David.

A la réflexion, Il ne ressemblait pas du tout â ce que j’imaginais. Je le voyais d’un certain âge, grisonnant, en léger sur poids, bien posé sur des années de connaissance et d’expérience cliniques et pathologiques. La bonne cinquantaine passée certainement une calvitie, un bouc poivre et sel ou encore une barbe. Comme accessoire pour parfaire le cliché une pipe éteinte, sur laquelle il aurait tiré lascivement tout au long d’un exposé qu’il aurait fait d’une voix grave et lourd avec la froideur du thérapeute. D’ailleurs dans les petits groupes de 10 â 15 personnes qui s’agglutinaient dans le hall, j’avais repéré 2 ou 3 orateurs potentiels. Les portes de l’amphithéâtre se sont ouvertes vers 19h 45. J’ai doucement descendu une première portion de 5 marches, tourné sur la gauche entre le banc et les strapontins, pour aller atteindre beaucoup plus bas dans l’escalier le 4° rang central. J’avais estimé qu’â cette place j’étais suffisamment prêt pour entendre sans difficulté et relativement â l’abri des regards. Juste une tête qui dépasserait légèrement au milieu. Une chose m’a néanmoins marqué je m’en souviens encore, il n’y avait dans tout l’auditoire aucune personne de couleur? ni noirs, ni asiatiques pas plus que d’arabes. Je ne me suis pas trop appesanti sur cette singularité car déjâ deux dames l’une d’une cinquantaine d’années et l’autre d’environ quarante ans avaient pris la parole dans un léger brouhaha ambiant. Nous remerciant d’abord de notre présence relativement nombreuse, elles nous avaient ensuite présenté les différentes activités de l’association et de manière succincte le programme 2007-2008. Je remarquais aussi, alors que je scrutais timidement les rangées devant moi, que les 2 ou 3 probables conférenciers pointés plus haut dans le hall, avaient eux aussi tout comme moi pris place dans l’audience. David Gourion n’était manifestement pas l’un d’eux mais je restais fidèle â l’image que je m’en étais fait. Très studieux j’ai sorti un bloc notes puis un stylo de ma mallette pour les placer devant moi sur le reposoir.

Sur une page vierge j’ai inscris :
Date : Jeudi 11 Octobre.
Docteur Gourion.
Le sujet : Les causes du trouble bipolaire, actualité de la recherche.

Puis ce fut l’attente de nouveau. Un petit coup d’?il â gauche puis â droite, un très furtif balayage sur l’hémicycle derrière avant de revenir devant moi. C’est alors que j’ai remarqué ce jeune homme 34-36 ans qui descendait lentement dans la fausse. Il était plutôt beau gosse, le teint légèrement halé, la coupe courte et soigneusement en pagaille. Il portait une paire de lunettes â frame large et sombre, dont les verres rectangulaires tiraient dans sa largeur un regard vif et chaleureux. Je ne réalisais pas sur le moment qu’il s’agissait lâ du Docteur. Son allure, le chewing-gum qu’il mâchait avec l’insolente fraîcheur d’un étudiant ne collait pas avec l’image stéréotypée que je m’en été fais. Encore plus en décalage, l’élégante désinvolture de son style vestimentaire, chaussure très style â bouts en pointe, Bleu jeans â l’usure contrôlé, pull-over noir lui arrivant mi-cou sous une veste feutre brun foncé. Classe et relaxe â la fois, allure Dandy Bobo. Après quelques petites tribulations techniques, problème de son, de branchement entre laptop et projecteur, l’intervention d’un agent d’entretien ni changeant rien, il a fini par prendre la parole sans micro ni illustrations. Sa voix instaura immédiatement le silence, elle avait l’énergie de la jeunesse, l’opiniâtre optimisme d’un timbre clair qui donnait â l’espace une résonance positive et vivifiante. Hypnotique presque. Son apparente jeunesse rendait plus impressionnant encore son parcours remarquable de chef de clinique en Psychiatrie et d’imminent Professeur en neurosciences. En collaboration étroite avec le Docteur Henri Lôo son chef du service â l’hôpital Sainte-Anne, Ils avaient publié en septembre un ouvrage sur la dépression et les troubles bipolaires ? Les nuits de l’âme ?. Il n’en était pas â son premier ouvrage car déjâ en 2004 avec une cons?ur de Sainte-Anne, le Docteur Anne Gut-Fayand ils sortirent ? Les troubles schizophréniques Vivre et Comprendre ?.

Durant son cursus il avait eu l’occasion d’évoluer au Canada et d’intégrer un programme de recherche qui avait pour sujet une cohorte de malades suivis â différentes étapes de leurs vies, enfance, adolescence, période pré adulte et adulte. Le but étant de repérer â partir des différents facteurs tels que le vécu d’évènements traumatiques (deuil, accidents, agressions), la survenue d’éventuels complications néonatales (infection, stress), la précocité des abus (alcools, drogues), ou la présence d’une filiation déjâ diagnostiqué, tenter de définir des rapports de corrélation avec le développement de la maladie. Ouvrir le champ thérapeutique et pathologique, trouver au-delâ des relations interfamiliales d’autres facteurs afin d’éviter les discours culpabilisants des anciennes démarches médicales d’il y a 30 ans. Le ton de la conférence était sous le signe de l’espoir et la nouveauté, j’ai gribouillé quelques mots en écoutant, compréhension des symptômes, explosion fulgurante des neurosciences, progrès du NeuroSpin, l’imagerie cérébrale, ne pas réduire la souffrance â une cartographie du cerveau, l’approche multifactoriel, la neuro-génétique, complexité et prédéterminisme génétique, notion d’hérédité marquée, présente mais pas réductionniste. Un puzzle bien compliqué si on y ajoute des éléments sociologiques et philosophiques également. Il y a eut beaucoup de choses de dites et très intéressante bien que son exposé traitait d’un sujet pointu il nous l’a présenté très clairement.

? L’Organisation Mondiale de la Santé a publié un rapport reposant sur les études conduites par Harvard School of public Health et la banque mondiale. Cette illustration place la dépression au 4°rang des maladies les plus coûteux pour la société. Il faut comprendre dans cette estimation non seulement le coût financier quantifiable de la maladie mais aussi y associer le DALYs (disability adjusted life years) un coût plus difficile â schématiser mathématiquement, celui des années de vie perdues en termes de qualité. En effectuant une projection sur une dizaine d’année en 2020, elle sera remontée â une inquiétante 2° place, après les maladies cardio-vasculaires mais avant le cancer et les maladies infectieuses. Il paraît donc important de revoir le statut de la psychologie et la psychiatrie, parent pauvre jusqu’ici ?.
David Gourion l’avait martelet vigoureusement, le point serré :
? Il existe un désert incompréhensible dans le monde de la médicine autour de cette spécialité. Il est marqué par le manque de considération qu’on lui porte avec uniquement un maigre portefeuille de 3 â 4% dédié â la psychiatrie sur l’ensemble du budget alloué â la recherche médicale. Nous somme en France et en plus généralement en Europe, face â une méconnaissance totale par rapport aux précurseurs Américains et Canadiens qui eux ont compris les enjeux Financiers graves qu’une attitude trop laxiste peut engendrer ?.
C’était sur ces bases plus économiques que thérapeutiques et scientifiques qu’il avait achevé son exposé. Mais c’était aussi les fondations d’une technique d’approche différente de la maladie. Il avait fallu au préalable arrêter de tout expliquer quand on ne le pouvait pas, voir ce que l’on ne voyait pas. Tirer d’un agrégat conceptuel une sémiologie plus constructive, il fallait impérativement que j’en fasse de même dans ma quête vers la compréhension et la guérison.
 
 

08 : Mon premier RDV, mon bilan clinique

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Mon premier rendez-vous était en fait une visite de bilan avec deux  psychologues.
Il avait pour but de déterminer si on pouvait  m’assimiler â  un bipolaire et si cela était bien le cas, d’envisager une  prise en charge avec le Docteur Hantouche.

Son cabinet se  trouve prêt de la tour Montparnasse dans la partie sud de la ville.  Pendant mon trajet souterrain dans les entrailles d’un Paris un peu gris  et frais, je me suis plongé dans le nouveau Bouquin de Gourion que je  m’étais empressé d’acheter le lendemain de la conférence. Je ne voulais  pas commencer â  cogiter, trop réfléchir? quoi dire? comment expliquer?  Monter en neige une angoisse que je sentais déjâ  trop â  fleur de peau.  Il n’était pas question de stresser plus que de raison ni de commencer  des monologues explicatifs qu’il m’aurait peut-être été impossible  d’extirper le moment voulu.
D’ailleurs les jours qui ont précédé,  j’en étais venu â  me demander ce que j’attendais vraiment de ce  rendez-vous. Il fallait au moins que je sois clair avec moi-même pour  pouvoir quel qu’en fut résultat gérer l’après. Je devais savoir selon  l’issue vers quelle direction engager ma démarche. Ce n’était pas de la  peur â  proprement dite, non en fait je me demandais si mes prétentions  par rapport â  tout ça n’allaient pas au delâ  des outils que pouvaient  m’apporté les thérapies. Quels étaient mes véritables motivations et  désirs ? Lorsque l’on franchi la frontière du diagnostic, que l’on  rentre alors dans le moule de la pathologie cela peut devenir une arme â   double tranchant. Il aurait été risqué alors de baisser la garde ou  encore de facilement me reposer sur cette condition pour expliquer tout  et n’importe quoi. Je restai concentré dans mon livre pour me maintenir  aussi décontracté que possible tout en marquant d’un coup d’oeil rapide  chaque arrêt.

Station ? rue de rennes ?, après un balayage  panoramique en sortant de la bouche de métro, je localisais rapidement  l’entrée du 117, elle est dans l’angle opposée â  l’intersection de  l’avenue Raspail.  A nouveau â  l’air libre, je regardais ma montre  18h15. Je venais de passer 1’heure â  répondre â  des salves de questions  comme sur un pelletons d’auscultation. Tu n’as pas l’air trop chamboulé,  me suis-je dit en allumant une cigarette. Non effectivement, dans ces  locaux assez chics et bourgeois, je me suis surpris et j’ai même amusé  mes deux interlocutrices avec des remarques détachées, un peu teintes  d’un humour pinçant.

Consciemment ou par habitude je n’ai pas  voulu fataliser mais juste pointer mon ressenti. J’ai essayé de  dédramatiser et décoincer l’atmosphère un peu trop psycho compassé que  cette première rencontre aurait pu prendre. J’ai, je pense néanmoins,  dit l’essentiel : la très grande souffrance interne et l’impuissance  face â  l’inexorable destruction du sentiment de contrôle de sois, la  perte de mon hygiène mentale?
J’ai dû parfois me retenir pour ne pas  déborder car elles n’étaient lâ  que pour tenter de jauger l’insondable  capharnaâžm interne. Je pensais encore â  ce moment-lâ  que le véritable  réceptacle du fluide de mes tourments était le Dr Hantouche et non ce  premier mais incontournable passage dans l’entonnoir. Je n’étais donc  pas vraiment chamboulé car je n’avais pas vraiment eu l’impression de  rentrer dans le fond, j’avais juste passé une interminable évaluation  par le jeu de questionnaires où l’on ne peut concrètement répondre par  "oui" ou par "non". Elles m’ont au final demandé de repasser Vendredi  suivant le 19 Octobre â  17h pour la consultation concrète, celle que  j’attendais avec le spécialiste.

Rentrer ce soir-lâ  fut plus  long que d’ordinaire. Un colis suspect â  Châtelet les Halles avait  enrayé le trafic, la station entière avait dû être évacuée. Aucun train  ni métro ne marquaient l’arrêt, Il m’aurait fallu faire des tours et  détours, enchaîner les correspondances â  travers des dédalles  souterrains. L’air â  la surface était passé de frais â  rafraîchissant,  j’ai préféré marcher.  J’ai aimé plus que les autres jours arpenter les  rues de Paris. Peut-être cela venait-il du fait que mentalement j’avais  franchi une étape, ou du sentiment que j’allais trouver enfin une aide  appropriée ou simplement de l’atmosphère du début automne Parisien.  C’était probablement tout â  la fois.

J’appréciais cette  rassurante sensation d’être invisible dans la foule. Ma démarche restait  calme et apaisée. Dans un tintamarre de moteurs et de klaxons, je  percevais les brides de conversations, l’entremêlement de rires, de  cris, de sanglots parfois, des piétons que je croisais, esquivais et  dépassais. En allant d’une rive â  l’autre, de gauche â  droite, je  passais sur les jupes tamisées des ponts sous lesquelles tous les étés  glissent en vas et vient, â  la queue leu-leu les bateaux-mouches bondés  de touristes. La capitale est une ville qui palpite, qui grouille, un  bouillonnement de vie alors la nuit lorsque l’obscurité rabat son  couvercle elle devient kaléidoscope, les rues s’illuminent d’artifices,  elles prennent feu en rouge orange et vert, en néons de milles couleurs  aux vitres, en guirlandes rouges et blanches des files de voitures qui  dévalent â  tout sens. Comme d’habitude â  cette heure de la journée entre  les façades des monuments éclairés c’était la pagaille des carrefours  aux ronds-points engorgés. Les bouches de métros recrachaient â   intervalles réguliers des milliers de têtes pleines â  rebords des soucis  de leurs durs labeurs. Dans la masse, on pouvait détailler cas et lâ   des sourires, des grimaces, ou les traits graves et concentrés de ceux  qui conversaient seul le regard dans le vide, accrochés â  leurs  appendices cellulaires.

Abrité par l’anonymat je m’oubliais et  sans crainte du naufrage je naviguais sereinement dans cette tempête  avec pour seul repère au dessus de ma tête le faisceau lumineux de la  tour Eiffel qui tel un phare balayait d’une trame jaune un ciel gris et  opaque.

 

 

09 : Ma rencontre avec Dr H. - si courte mais intense

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Le  vendredi était vite arrivé

Entre temps tout Paris avait été bloqué par une partie de cette masse  salariale et gueularde, qui chaque année â  la même période gronde son  mécontentement â  coups de piquets de  grèves. Les cheminots et les  conducteurs de métro s’étaient mis â  coeur de geler la circulation des  transports en communs des le mardi soir. Il y avait ce jour la encore de  très fortes perturbations, j’avais rendez-vous â  17h et m’étais arrangé  pour finir â  15h45. Une heure 15 pour aller du nord â  la partie sud de  Paris cela pouvait sembler plus que suffisant, mais en temps de grève la  notion de temps est élastique et déformable. J’avais tout de même  réussi â  arriver â  l’heure. Sous le coup des nombreuses annulations  consécutives â  la grève la salle d’attente était vide la secrétaire qui  m’avait accueilli s’en été plainte quelque peu avant de m’inviter â   m’installer. D’ailleurs qui aurait voulu se risquer dans le dédalle  Parisien si ce n’était par nécessité absolue.

Entre le lundi et  le vendredi depuis ses entrailles, la ville avait opéré une véritable  métamorphose. L’ambiance était passée d’étincelante â  électrique, ça  tournait au pugilat dans les transports. Sur le trajet qui m’emmenait au  cabinet ce soir-lâ , il y avait eu 6 bagarres en l’espace de 10  stations. Les papas et les mamans jouaient des coudes et des poings  comme leurs racailleuses progénitures, pour tenter de  rentrer éreintés  et les yeux rougis de fatigue et de colère dans leurs banlieues glauques  qu’ils quitteront le lendemain matin 5h tapante. Les bobos et les  métrosexuels se cramponnaient â  leurs suit cases d’une main et de  l’autre s’échangeaient des révérences d’insultes ponctuées d’érections  d’index et de majeurs, mais attention toujours avec classe, en gardant  le majestueux double noeud de leurs cravates Atelier F&B toujours  bien monté. De lumineuse Paname était devenu Billère, l’attitude des  gens relevait de l’incivilité la plus totale comme le témoignait cette  scène â  laquelle j’avais assisté en essayant de rentrer après le  rendez-vous avec Hantouche.

L’arrivée inespérée d’une rame avait  entraîné un mouvement de foule. Sous la pression et la bousculade, une  femme trébucha et s’affala en mouvement saccadé sur le quai sur peuplé  d’une foule compacte mais assez courtois pour lui laisser assez de place  pour qu’elle puisse s’aplatir sur le sol. La masse excédée et  surexcitée derrière elle avait bondi â  l’ouverture des portes d’un métro  déjâ  bondé â  dégueuler en la piétinant malgré ses pleurs et ses cris de  douleur. Une âme encore humaine et charitable a tout de même réussi â   la relever sous l’indifférence de ceux qui tentaient d’ultimes poussés  pour â  la fermeture des portes finir compacté au mieux cul contre cul et  joue contre vitre.  La boîte â  sardine sur odorante â  fini par démarrer  sous les hués des trop nombreux laissés pour comptes, condamnés â  vivre  la même anarchie après une longue et frustrante attente de 20 â  30  minutes. Elle était encore lâ  lorsque je décidais de jeter l’éponge et  me dirigeais vers la sortie pour une longue marche. Assise contre le  mur, entourée par le jeune homme qui l’avait secouru et sa copine, elle  tamponnait un kleenex rougissant sur la surface de peau dévoilée par  l’accro de ses bas autour de son genou meurtri. D’une voix sanglotant et  rageuse â  la fois, elle cria ? tous des sauvages, ils ont tous perdu  l’esprit? ?.
Oui certainement, d’ailleurs n’aillant pas participé  activement â  son agression mon esprit n’en été pas moins perdu, resté  comme en suspension dans mes pensées.

J’étais un peu dérouté par ma première consultation, tous s’était  passé trop vite, j’ai trouvé ça si court mais tellement intense. â?tant  le seul présent dans la salle d’attente, Dr Hantouche me pris presque  immédiatement, je n’ai guère eu le temps ce jour lâ  de profité du  confort des canapés de cuir noir  ? mais j’aurai depuis largement eu  l’occasion de m’y prélasser ?. Il a lu rapidement le rapport que les 2  psychologues avaient rédigé après m’en avoir tendu un exemplaire. J’ai  exposé très douloureusement mes antécédents les plus proches et plus  brièvement mes épisodes un peu plus sporadiques et anciens.
??  combien de psychologues ou de psychiatres avez-vous vu ?..."
"avez-vous  déjâ  été interné ?"
"... combien de temps ?
"? combien de  traitements ?... ?

Il marqua un léger temps d’arrêt alors qu’il  survolait de nouveau le  condensé de cette longue heure de questionnaire de début de semaine : 
?   Hum !!! Je vois? Instabilité de l’humeur ; passage de moments  d’euphorie extrême ou sujet aux crises d’angoisses? hallucinations?  dépressions? ? quels ont été les effets des AD lorsque vous en preniez  ?... tendance aux addictions,? vous aviez également une comorbidité  alcoolique? usage de drogue,  pensées suicidaires ? peu d’estime de soi,  inhibitions et déviances épisodiques? Hum !!! Depuis combien de temps  estimez-vous que cet état perdure ? ? avez-vous remarqué une certaine  cyclicité ? Aucun de vos précédents médecins n’avait envisagé un cas de  Bipolarité ?
Car manifestement vous présentez des symptômes  bipolaires, de quel type on verra plus tard au cours du suivi que je  vous propose avec notre psychologue en TCC, si vous le désirez  uniquement ; Mais je vous le conseille, car ce type de trouble, de  maladie n’ayons pas peur des mots car il s’agit bien lâ  d’une maladie  qui doit se traiter sur 3 fronts :

- Le premier : je  l’appellerai le parachute biochimique. C’est sur celui-ci que   j’interviendrai,  nous allons entreprendre ensemble une offensive afin  de trouver avec l’aide de différentes combinaisons de médicaments, un  équilibre, une certaine stabilité de vos humeurs. J’appelle ça une  bataille car nous allons essayer plusieurs stratégies. Il n’y a pas de  potion miracle et immédiate. Certains réagissent relativement bien â   certaines molécules ou dosages d’autres beaucoup moins, le tout est de  savoir qu’il y a toujours des options alternatives, des possibilités de  combinaisons différentes et de très bons résultats. Nous nous verrons  régulièrement car ça demande un très grand suivi, vous aurez des prises  de sang régulières pour tracer et monitorer votre adaptation aux  traitements. Tels sera mon rôle majeur dans notre collaboration en plus  de l’écoute, de l’information ainsi que des bilans.

- Je  nommerai le deuxième front le ciment thérapeutique.

 

 

 

10 : Il y a en moi autant de Sisyphe que de Marsyas

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Il  s’agit bien lâ  d’une maladie qui doit se traiter sur 3 fronts.

Le premier : je l’appellerai le parachute biochimique. C’est sur  celui-ci que  j’interviendrai,  nous allons entreprendre ensemble une  offensive afin de trouver avec l’aide de différentes combinaisons de  médicaments, un équilibre, une certaine stabilité de vos humeurs.  J’appelle ça une bataille car nous allons essayer plusieurs stratégies.  Il n’y a pas de potion miracle et immédiate. Certains réagissent  relativement bien â  certaines molécules ou dosages d’autres beaucoup  moins, le tout est de savoir qu’il y a toujours des options  alternatives, des possibilités de combinaisons différentes et de très  bons résultats. Nous nous verrons régulièrement car ça demande un très  grand suivi, vous aurez des prises de sang régulières pour tracer et  monitorer votre adaptation aux traitements. Tels sera mon rôle majeur  dans notre collaboration en plus de l’écoute, de l’information ainsi que  des bilans.

Je nommerai le deuxième front le ciment  thérapeutique.
La Thérapie Comportementale et Cognitive que  je vous ai conseillée est de mon avis de spécialiste, un atout majeur  dans le processus d’acceptation de votre condition, de compréhension de  ses traductions sur votre psyché, vos affects et vos mécanismes de  comportement. Une fois les briques de votre personnalité ré agencé, elle  contribuera â  renforcer votre stabilisation psychologique en apportant  un bénéfice de taille au traitement médicamenteux. Mais dans tout ce  scénario, la pièce maîtresse, celle sans qui toute tentative de lutte  est vaine, le front sur lequel ni moi ni nos psychologues ne pourrons  lutter, sera celui de votre observance.
On pourra appliquer autant  de force que l’on veut dans cette lutte pour votre stabilité, il reste  une notion cruciale où la physique rejoint le psychique, les souffrances  engendrés par la maladie ne se rapprocherons de manière optimale de  zéro que si les énergies mises en oeuvre dans notre système d’attaque  soient de forces égales. Vous pouvez compter sur le dévouement total de  toute mon équipe et moi-même, nous devons pouvoir réciproquement compter  sur vous, malade certes mais aussi patient et acteur. L’une de ces  variables flanche et l’équilibre est rompu… mais  ne vous inquiétez pas  tout ira  bien vous avez pris la bonne décision, toqué â  la bonne  porte…  ».

Je n’ai pas trouvé grand-chose â  dire de plus, je ne  savais toujours pas trop quoi penser de tout ça en descendant les  trottoirs du boulevard St Michel … 
Je ne savais pas trop comment  ressentir cette première visite, espoir ? Déjâ -vu ? Scepticisme ? Le  grand soulagement que j’aurai pu ressentir n’était pas arrivé… Je  sentais toujours autant de rage, de dégoût, même ma petite marche dans  le Paris morose, car en grève, cette ville était énervante.
Drôle  d’attitude â  y resonger alors qu’on venait de m’apprendre que je n’étais  pas devenu fou, que je n’étais peut-être pas l’une des personnes les  plus immonde, abjecte et perverse sur terre, alors qu’on me proposait de  l’aide. Non, j’avais la mâchoire toujours aussi serrée. Elle se serra  encore un peu plus lorsque je passais devant le Café prés du Métro St  Michel où nous nous étions installé â  la terrasse cet après-midi de  septembre 2006 et j’espérais secrètement être â  la place de ce type que  nous avions vu se prendre un sauvage coup de boule, pour que mon cerveau  arrête de bouillir, que mes pensées cessent enfin de spinner, pour  juste tomber KO.

Je comprends avec le recul que j’avais juste eu  peur â  enrager, peur de cette phrase qu’il avait dite au sujet de la  maladie et que j’avais occulté sur le coup mais qui me revenait en  pleine figure telle une gifle :
 « C’est pour la vie, ce trouble ne  se guérit pas comme on guérit une grippe, on la stabilise, on vous  apprend â  vivre avec, â  la connaître mais les médicaments et traitements  c’est pour la vie… ». C’était bien ça le problème, je ne sentais pas en  moi la force nécessaire pour de nouveau faire face â  mes démons,  j’avais et j’ai toujours en moi â  travers les souffrances que je t’ai  fait endurées les affres de la culpabilité.

« On trouve en vous autant de Sisyphe que de Marsyas* »
avait-il  dit également. Quelle symbolique, était-ce vraiment une vie qui vaille  la peine d’être vécu ? Celle d’un condamné au supplice d’impiété qui par  le sort de sa seule biologie ou de sa cupidité et sa vilenie, se voit  perpétuellement recommencer la même pénitence. Une vie vouée â  un échec  génétiquement programmé ? Psychologiquement aliéné ? Associée â  celle  d’un écorché vif.
« Cette vie méritait-elle les peines des combats â   venir » ce fut la seule phrase j’écrivis ce soir lâ  au milieu de ma page  blanche.


* Athéna invente la flûte (αυλÏ?ς / aulâ?s, flûte  double dotée d’une anche), mais elle la jette dès qu’elle s’aperçoit  qu’en jouer déforme son visage (Alcibiade lui fera le même reproche).  Marsyas la ramasse et devient rapidement un musicien expert. Il finit  par défier Apollon, maître de la lyre. Le concours est présidé par les  Muses et le roi Midas. Les Muses déclarent Apollon vainqueur. Pour punir  Marsyas de sa démesure (fait d’avoir défié un dieu), l’Archer le fait  écorcher, et jette sa dépouille dans une grotte, d’où coule une rivière,  qui prendra le nom du satyre. Le Marsyas se jette dans le Méandre. Pour  avoir tranché en faveur de Marsyas, le roi Midas reçoit pour sa part  une paire d’oreilles d’âne.
Le concours entre Apollon et Marsyas,  symbole de la lutte entre les influences apolliniennes et dionysiennes  de l’homme, est un sujet favori des artistes antiques

 

 

11 : dans l’antichambre de déconditionnement psychologique

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

J’y  avais pensé  pendant tout le week-end

Je méditais encore dessus en me rendant au cabinet rue de Rennes le  Lundi soir pour ma première séance de thérapie avec Câline.
 « …  Quels avaient été mes sentiments en écrivant cette phrase ?… Qu’est ce  qui se cachait derrière ces mots ? »
Mais les réponses étaient comme  bien souvent dans les questions.
La souffrance, l’amour, l’espoir,  la joie sont des sentiments â  part entière, VIVRE c’est les ressentir.  Lâ  où le bas blesse c’est que certains ont un rapport très particulier  avec ces EMOTIONS, leur appréhension est tout autre. Perversement lovés,  le psychique s’entremêle au physique, jusqu’â  s’y soustraire, ce que  d’autres appellent angoisse, craintes, stress... certains les traduisent  par écrasement, douleur, torsion...

Les cicatrices de  notre vécu crevassent nos pensées. Les mains couvertes  d’échardes nous n’osons parfois même plus effleurer la vie, même si ce  n’était que du bout des ongles. Il est dur dans ces conditions de  pouvoir ci rattacher, se cramponner. Cela faisait-il de moi un  extravagant, ou un honteux hypocondriaque, défaitiste, menteur, égoâ?ste  et alcoolique. Non loin de lâ . Je sais maintenant que je suis plein  d’AMOUR, tout comme les « autres », j’aspire au bonheur. Je dis les «  autres » sans être péjoratif.

La différence existe.
Je  n’en ai pas toujours eu une notion aussi claire qu’â  présent, mais au  travers de mes actes j’en avais acquis une amère constatation, la preuve  irréfutable et effrayante d’une déviance psychopathologique. Je t’avais  perdu pour de bon et m’étais perdu également dans les ressentiments que  j’entretenais. Honteux du chaos que j’avais semé dans ta vie, celle de  mon fils qui refusait encore de me voir après le traumatisme qu’il avait  subi en voyant successivement son père dans un état de manie furieuse,  en pleine logorrhée lui parlant tantôt en français tantôt en anglais,  incapable de l’appeler par son prénom.
Par la suite en sortant in  extrémisme d’une maison en flammes, l’épisode pour lequel je souffre  encore d’un black-out total. Alors même si je ne pouvais plus remonter  en arrière de 2 ans pour être avec celle que j’aime â  ne vouloir plus  jamais serrer personne dans mes bras ni sentir le souffle calme d’un  corps qui dors emboîté tout contre moi, je devais tirer un trait  définitif au moins pour mon petit Seymour, j’avais décidé de me prendre  réellement en charge, pour lui épargner â  l’avenir le spectacle hideux  de ma détresse, effacer dans sa mémoire l’image déroutante de cet  inconnu tremblant et convulsif.

Avec mes premières ordonnances,  de sel de Lithium en Teralithe 400 mg ainsi que de l’acide Valproâ?que  sous 500 mg de dépakine, je devais effectuer un bilan hépatique et  sanguin, NFS, plaquettes, créatininémie,  une Lithiémie et une  dépakinémie â  faire dans un mois. J’avais également consenti â   participer â  un protocole d’étude et accepté de suivre la TCC.
C’était  une salle d’attente beaucoup plus occupée que je retrouvais ce soir lâ .  La secrétaire m’avait reconnue â  mon arrivé, c’est bien cela le grand  inconvénient avec mon nom c’est que bien malgré moi il est très  marquant, « Ah, Bonsoir Mr Yav mains, au moins on se rappelle bien de  votre nom… veuillez vous installer, Câline ne devrait pas tarder â  finir  sa consultation. »

Après une dizaine de minutes, elle s’était  présentée devant moi avec un sourire chaleureux â  l’émail rayonnant.  Vêtue en grande partie de noir, cela mettait de la lumière sur son  visage halé autour duquel tombait une chevelure dense couleur ébène. Sa  poignée de main était franche et elle avait ce petit tic d’opiner  légèrement de la tête pour accompagner le mouvement. J’avais estimé  quelle avait sensiblement ta taille en la précédant pour m’installer  dans l’un des  fauteuils qui se faisaient face quasiment au centre de la  pièce. Il y avait sur la gauche une étagère encastrée aux  portes de  bois sombres. Un peu plus loin â  environ une trentaine de centimètres,  un grand bureau de verre transparent sur lequel il était disposé une  lampe au socle doré, la statuette d’un bouddha en méditation, une  pochette â  mouchoir confectionné de tissus et broderies de style  orientales, une peinture d’enfant encadrée et un Notebook Apple noir  connecté â  une imprimante HP placé sur un meuble bas â  tiroir  juxtaposent. Contre le mur de droite s’étalait un divan de psychanalyse  d’ergonomie new âge, qui tout comme le reste des sièges était de cuir  noir.

Installé je faisais face â  la fenêtre, en symétrie avec  deux grandes plantes vertes de part et d’autre, elle laissait filtrer la  lumière tamisée des lampadaires â  travers les stries des stores â   lamelles en  tissus d’une couleur brique plus claire que celui des murs  peints â  la spatule. C’est dans cette atmosphère sombre mais intimiste  que j’ai passé quasiment tous mes lundis soir de 19h â  20h. Une  antichambre de déconditionnement psychologique comme le passage  obligatoire au purgatoire des âmes en peines. J’y étais hier encore pour  ma séance de purification juste avant mon bilan du mois de mars avec  Hantouche.

 

 

12 : La psychoéducation, mon plan de salut

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Dans  les débuts, nous terminions souvent nos entretiens un peu en demie  teinte… Peut-être me fallait-il trop de temps encore pour ramener â  la  surface, les effluves des râles que je gardais soigneusement enfouis  sous un éboulis psycho-hermétique fait de honte et de pudeur mêlées.  J’avais du mal â  parler et non pas paraître lorsqu’il s’agissait de  dévoiler mon dédale intime. Elle me faisait remarquer très gentiment  qu’elle était ma thérapeute sous-entendant que cette barrière n’avait  pas lieu d’être. Par principe purement thérapique, oui cela allait de  soi, mais n’était-il pas vrai également que « nihil est interius mente »  et dans notre collaboration l’exercice le plus difficile était  d’apprendre â  dépasser mes inhibitions et craintes.

Parler,  juste révéler avec des mots simples la palette de mes humeurs  chamarrées, sans emphases ni allégorie, sans retenue ni pudibonderie de  sociabilité. Car il ne s’agissait plus effectivement de paraître ni de  me conformer au reflet de l’image que l’on se faisait de moi, en me  limitant â  donner la réplique appropriée. Je vivais mon quotidien tel le  ferait un simple figurant qui n’aurait jamais la moindre notion de  l’oeuvre dans laquelle il jouerait, tant-il se serait  contenté,  concentré, contraint â  rester dans le cadre et le bon angle. Par  habitude j’en étais capable extérieurement alors que intus in corpore,  in pectus, au plus profond, je ne pouvais être autrement que  hors   champs, hors sujet, hors norme. Mon esprit est ainsi fait, qu’il a  constamment besoin de sur amplifier toutes choses. Cela  n’est-il pas  inhérent â  l’ambivalence de l’humeur Bipolaire ?

Elle m’avait  d’ailleurs dans la phase d’apprentissage de ma maladie très bien encadré  avec un programme de mood monitoring que j’effectuais quotidiennement  pendant les 2 premiers mois et amplement documenté de courbes,  histogrammes de cycles, des brochures explicatives sur les mécanismes  cognitifs et mentaux caractéristiques des personnes qui comme moi  souffrent de Cyclothymie. Nous avions mis en lumière mes différents  automatismes : le « tout ou rien », la « sur généralisation », « lecture  de pensée », le « catastrophisme », la « dévaluation du positif » ou  encore le « filtrage » pour ne citer que quelques uns. Autant de  conditionnements autodestructeurs qui au de-lâ  de la génétique d’où  elles tiraient leurs racines étaient aussi nourri par la sève d’une  existence émotionnellement chaotique, elles m’avait initié â  la notion  de Trigger, ces signes révélateurs qui étaient les prémices des épisodes  hauts ou bas, dépressifs ou hypomaniaques.

Les identifier afin  d’éviter mes schémas catastrophes fuelled de drogue et d’alcool. Je  saignais aujourd’hui écorché vif comme Marsyas de mon samsara  Sisypheenes qui faisaient de moi un perpétuel looser. Une introspection  profonde nous avait fait remonter bien au-delâ  de mon dernier  déclenchement sous Extasie, avant 2002 années de la naissance de Seymour  et de cette crise foudroyante que j’avais faite le mois précédent sa  naissance, sondant au plus profond les manifestations du mal.

J’avais  retenu de Claude ORSEL ça façon de voir «  le sujet en terme de  contenant et de contenu. La peau étant le contenant, son effraction  faisait issue au sang. Le cerveau était un contenant, la protection  qu’offrait le crâne, autre contenant, était insuffisante pour protéger  celui ci des effractions sensorielles, émotionnelles traumatisantes dans  l’enfance, et certainement dès le premier âge, c’est-â -dire dans la  période dite d’amnésie infantile. Pour supporter ces horreurs et ne pas  avoir â  en parler en vérité, les humains avaient créé les mythes de  comportements. Mais le code indispensable â  la compréhension du texte et  des images s’était perdu, il fallait refaire la trace ». Cette TCC  était mon plan de salut, ma démarche analytique, comme il l’écrivait,   qui a travers les observations de mes automatismes mentaux, me mènerait  avec persévérance, vers l’assimilation de la façon dont ces derniers  s’étaient emboîtés les uns dans les autres et de noter lâ  où ça ne  rentrait pas dans la boite « univers- saine » de la normalité.

Même  si la désignation de cette peine a changée, « Bipolaire » est plus  facile â  porter que « Maniaco-dépressif », il est néanmoins des fois  qu’il est préférable de cacher sa maladie, traverser les phases comme on  combat les vagues â  contre courant en bronchant le moins possible. Je  suivais mon rythme hebdomadaire avec câline, les conférences Argos 2001  tous les premiers jeudi du mois, Hantouche tous les 2 mois mais le coeur  et l’âme toujours aussi lourds. Il fallait néanmoins en dépits se faire  une raison et remettre sans cesse un coup de manivelle pour ranimer une  vie tantôt au point mort ou en dangereuses virevoltes incontrôlées.

 

 

13 : En quête d’harmonie

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

Occulter  tant bien que mal d’éternelles remises en questions.
Il  aura fallu que je me dise et sans cesse me le répéter, lors des moments  de trêves qui ponctuaient les nombreux accès la mélancolie, que l’espoir  et le soutien étaient les clés qui pouvaient encore ouvrir les portes  de salles remplies de lumières et de chaleurs. Me dire que je n’étais  pas forcément seul â  vivre cette maladie, que je trouverais si je  regardais bien, une main qui me relèverait, une oreille qui m’écouterait  et qui savait ? Et peut-être un jour obtenir ton pardon pour m’y  reposer.



Le préavis de 6 mois initial était passé depuis et  l’envie insistante de t’appeler d’entendre ta voix s’était métamorphosée  en appréhension anxiogène. J’ai décroché de nombreuses fois le  téléphone commencé â  composer le numéro puis fini par raccrocher en  rage. J’avais peur de t’entendre dire de te foutre la paix, d’aller me  faire voir, l’écho de tes sanglots tonnait encore dans ma mémoire. Nous  avons passé de nombreuses séances â  parler de toi, de ces pages que je  gribouillais la peine que j’avais â  t’avoir vu en peine. Elle m’avait  proposé de lui écrire la lettre que j’aurais voulu t’envoyer mais ce  n’était pas d’une substitution dont j’avais besoin, mais de toi. 



Sur  ses conseils, j’ai partiellement rompu avec ma solitude, mais pas de  manière radicale. J’ai préféré Internet pour renouer des liens,  communiquer en dehors du cadre professionnel. Je trouve le net et les  chats très utiles, même si certains voient dans son côté virtuel une  perte de chaleur humaine, un abandon relationnel, j’y vois aussi une  pertinence et une ouverture vers d’autres formes d’intimité. Des travers  existent certes mais selon ses motivations on peut y tirer de la  substance, de véritables dialogues, une vision directe sans le filtre  des apparences, physiques ou sociales. Sur MSN, j’avais inscrit en  épitaphe de mon avatar semi ténébreux, ? Ubi bene ibi patria ? comme  pour faire le deuil d’une vie qui depuis mon retour était â  contre jour.  En funambule aveuglé, j’évoluais en déséquilibre constant sur l’arienne  illusion d’une nostalgie mortifère qui niait même la divine osmose  qu’il pouvait y avoir entre avenir et espoir. Il est dur de dissocier  les hauts des bas, coincé en lévitation bileuse dans un interstice dans  lequel passé et présent se chevauchent. On perd tout jugement de bon  sens dans ce genre de girouetteries. Peut-être aurai-je pu mettre aussi,  ? Ci-gît mes regrets et remords, mes envies d’ailleurs et fuites  vertigineuses ?, mon ultime patrie étant mon corps, et ma raison,  j’avais donc du dans mon esprit dûment agencer mes hiatus internes,  opérer des transitions en quête d’harmonie.



Cesser de me  torturer avec les ?ce qui aurait du, pu ou pas, que j’aurais su, tu et  cru? qu’a cela ne tienne ne dit-on pas très justement que ce qui est  fait ne peut être défait. J’obéissais avec réticence mes malgré tout aux  préceptes de câline, prenant acte progressivement et mettant â  effets  en desserrant mon verrou mental.



Dans la pratique j’essayais de  m’y tenir, en plus de retrouver dans l’écho de mes pas baguenaudant sur  les pavés de Paname, le tempo de la vie qui foisonne tout autour, je  glanais les plaisirs simples de la contemplation et de la spontanéité  pour pouvoir goûter pleinement â  l’instant. Notion empirique de la vie ?  Certainement mais sommes toute, â  chacun de l’expérimenter comme il  l’entend, pour ma part même â  ce jour, j’essaye d’accumuler les grandes  comme les petites choses, de la quiétude méditative du silence â   l’allégresse des embrassades de mon petit qui en décembre avait fini par  digérer les incidents du mois de juillet et acceptait enfin de passer  du temps avec moi. En dehors de ce cadre intime, j’avais durant les mois  de novembre et décembre  eu des contactes réguliers sur MSN avec  Laurence que j’avais rencontrée dans l’e-Bar des Bipotes. Lors de ma  première connexion, c’était elle qui était venue gentiment â  mon secours  après le piètre spectacle que j’avais donné en me déversant  émotionnellement avant de me faire sèchement mopped par la tenancière.  Je voyais du positif dans nos correspondances et dans ses récits, je  retrouvais ses angoisses, ses faiblesses, détresses et ses peurs et   j’arrivais parfois en essayant de lui redonner un peu de force, â   appréhender différemment mes propres tourments.
 
 

14 : Du soulagement dans les échanges

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

Trouver  du soulagement dans nos échanges, le temps d’une connexion, c’était  de cela qu’il s’agissait, du réconfort même si cela n’était que par l’intermédiaire de
c’était néanmoins des  dialogues chaleureux et une écoute sincère.


L’important n’était  pas le médiateur, mais le révélateur qui baignait ces connexions pour  tirer de nos ténébreuses pensées, les couleurs vives de l’espoir. Elles  mettaient en lumières une image plus douce de nos existences tiraillées  de l’intérieur. Elles tamisaient en grains plus fins, pour un temps, les  cailloux d’angoisses qui enrayaient trop souvent nos mécanismes  psychiques. J’étais content de pouvoir lui insuffler, lorsque je le  pouvais des brises de vie comme autant d’épistolaires zéphyrs d’amitiés. 



Mère de 2 enfants, A. l’aînée 20 ans et G. 17 ans. Elle était  divorcée et â  cause de son état de profonde dépression, elle ne  travaillait plus depuis bientôt plus de 2 ans, et enchaînait les  hospitalisations pour des TS  répétées. Je la trouvais néanmoins très  courageuse même si certains l’auraient dédaigneusement estimé lâche,  irresponsable ou faible et égoâ?ste. Tant bien même après toutes ces  années de luttes presque 20 de bipolarité déclarée, elle continuait  encore et toujours â  s’accrocher ; Même si ce n’était pas facile tout  les jours et que des fois elle se sentait tellement mal, si vidé qu’elle  en arrivait â  se faire mal dans sa chair. Mais elle luttait. C’est ce  qu’elle m’avait dit un jour, ? je suis une battante ?. Malgré les  crises, ? sinon je ne sortirai plus de chez moi ?, ? Même si je vais  faire mes courses et que je commence â  avoir un malaise â  la caisse, que  prise de panique je dois me sauver sans mes courses et en rentrant je  m’effondre en larme parce que j’en avais été incapable, parce que je  fatiguer â  vouloir en mourir d’être malade, Et bien j’y retourne et y  retournerai toujours, je me battrais encore et encore  ?. Ce sont des  petits détails comme ça, qui lui pourrissaient la vie.



J’avais  au fil des semaines un peu connu son histoire et par conséquent  l’histoire de sa maladie. Elle avait perdu sa mère très jeune â  l’âge de  5 ans, souffrante d’une fièvre typhoâ?de et en proie â  une crise  hallucinatoire, elle s’était défenestrée de sa chambre d’hôpital. Elle  avait toujours gardé cette blessure au fond d’elle, bâillant et elle  saignait encore aujourd’hui. Sa première manifestation pathologique  était survenue pendant la grossesse de sa fille. Ce qui avait été pris  pour un simple baby blues avait perduré et s’était aggravé. Elle avait  essayé de nombreux traitements, enchaîné les  périodes d’accalmies et de  tempêtes toutes ces années mais elle était toujours lâ , des cicatrices  aux 2 poignets, stigmates d’un épisode passé, mais toujours lâ  a traîner  sa Bipo schizo-affective.



C’est un signe de bataille. Elle  m’avait écrit un jour : ? les gens associent trop facilement les  maladies de l’humeur comme de la faiblesse ou pire de la lâcheté. On  réfléchie â  tout ce que ça sous-tend. On pense aux souffrances de ceux  qui nous aiment, on se remet en question sans cesses, nous sommes nos  premiers juges mais ce qui est terrible c’est l’incompréhension des  autres et le jugement faux et mauvais qu’ils portent sur nous. Certains  pas tous évidemment se sentent trop bien assis sur leurs raisons, ils  érigent par leurs jugements, les raideurs de leur pseudo normalité.  C’est ne voir que le côté visible de l’iceberg? ?



Nous parlions  de tout et de rien, je lui racontais les découvertes de mes lectures,  les enseignements des conférences, lui faisait part des conseils que me  donnait câline, elle m’en prodiguait d’autres de son expérience. J’ai  progressivement rompu le contacte en janvier pendant ma période de  travail de nuit mais surtout face â  son désir de plus en plus insistant  de m’appeler pour entendre ma voix et de monter sur Paris pour venir me  voir. Je ne me sentais pas prêt et n’y tenais pas. Même si ce n’était  que purement amicale le temps d’une causerie autour d’un café, il y  avait une chose pour laquelle ma thérapeute bataille toujours autant  c’était ma réticence â  recréer un cercle social, ma résistance  relationnelle. Ma vie suit toujours aujourd’hui une routine stricte,  maison -> travail -> maison du lundi au samedi et pour les jours  de repos, le casque greffé aux oreilles reliées aux 30 Go de mp3 de mon  Archos, je suis soit en ballades dans les rues de Paris ou dans la  grande bibliothèque cubique â  tuyaux multicolore de Beaubourg. L’écran  de mon ordinateur est la seule bulle de parole qui me convienne. Dans  nos rendez-vous du lundi soir, nous n’avons pas encore eu le temps de  travailler comme elle le souhaiterait sur cette caisse hermétique dans  laquelle je me suis machinalement réfugié. Nous en sourions parfois avec  lorsque je la devance en disant ?  Oui je sais c’est mon côté tout ou  rien qui se manifeste ?.
 
 

15 : Les chemins de la guérison

1/01/2009

Témoignages > Cyclothymie > Dear Siobhan

 

Tout  au long des mois qui ont précédé, il m’arrivait de re-ouvrir le  fichier â  ton nom sur ma clé USB, une sorte de lettre ou un récit, je ne  savais plus très bien, mais que je t’écrivais sans réellement savoir si  j’allais te l’envoyer un jour.

Je l’écrivais en Français... je  l’aurai fait traduire



Je me sentais un peu sous cette pression  que je me créais â  la réussir sans avoir la moindre idée de ce que j’en  ferai. Parler avec toi me manque? Je ne savais pas comment te l’écrire  sans te faire encore une fois souffrir. J’avais besoin de toi souvent en  silence et ne voulais pas non plus te ramener en arrière, te faire  revivre ce déchirement atroce. Raviver les douleurs que tu avais vécues  alors que je savais que tu étais de nouveau heureuse. De mon côté, je me  réveillais avec toi, me couchais, marchais et respirais, avec en tête  les conséquences de mes actes et les peines qu’elles avaient engendrées.  Avec tous ces dialogues solitaires, je soulageais un peu le manque de  toi.



Ce n’était pas le fait d’écrire qui me prenait le plus de  tps, mais ce furent les questions... Les images et les regrets qui  faisaient mal, je bataillais tous les jours et le ferai certainement  tant que je ne pourrai pas te serrer dans mes bras une dernière fois  pour te dire au revoir ... correctement... Sur ce point, je ne serai pas  tranquille ; et même si je me sentirai certainement mieux avec les  traitements, les séances de psychothérapie, cela restera une blessure  profonde.



Ce n’était pas seulement ce que j’écrivais mais le  tiraillement de toutes ces émotions et les distorsions qu’il fallait  gérer. Même au moment même où je rédige ces mots, les batailles que je  me livre intérieurement viennent du fait que je peux en sondant mes  propres sentiments, imaginer les réactions que tu pourrais avoir en me  lisant. â? la lumière de notre expérience de vie â  deux, il y a certaines  choses, certains de mes comportements, de mes actions, même avec la  plus grande objectivité, qui restent néanmoins hors de tout entendement.  C’est pour ça que des fois, je me dis que je ne sais pas si j’aurai  toujours la force de me battre â  essayer de trouver du sens dans toutes  les actions insensées que j’ai pu faire.



Comme me disait  Hantouche, je t’utilise bien malgré toi qui n’as rien demandé si ce  n’est de m’oublier, dans ces notes et monologues pour continuer encore â   te parler, retrouver une intimité perdue et qu’a persister je tutoyais  le syndrome de l’inachevé donc il aurait été plus sage de juste tourner  la page et de me concentrer sur le futur. Mais au fond de moi, je ne  pouvais vivre qu’ainsi, avec mes intimes réminiscences, je voulais  garder tout ça au chaud car cette morsure me forçait â  la vigilance et  que ma douleur était le passage forcé pour renaître â  la vie.



Les  médocs traitent ma maladie, mais mon coeur lui sera toujours â  sang pour  toi et tant qu’il aura un souffle de vie il ne cessera de s’emballer â   la lecture ou â  l’écoute de ton nom Siobhan. Si je t’envoyais cette  lettre aujourd’hui et que tu devais me dire d’aller me faire voir, je  l’aurai plus que mérité. Mais néanmoins je persiste â  t’écrire car j’ai  besoin d’économiser des forces, pour que psychologiquement je puisse  gérer au mieux les décharges de ses affects qui m’affectent... pour  lutter... donc le ? Au revoir ? dont je parlais plus haut est très  important? Ce sera une tension en moins intérieurement.



Je me  rends bien compte que tout ce que j’ai pu écrire n’est pas forcément  très guai, j’en suis désolé, mais je me bats maintenant. Je veux essayer  de remettre de l’ordre dans ma vie et ainsi ramener de la stabilité  dans celle de mon fils. J’aurai, dieu sait, voulu plus et qu’il en soit  autrement, mais on ne refait pas le passé. Jours après jours il me faut  faire front malgré tout, mes 9 mois d’abstinence, de sobriété totale  sont mes grandes victoires face â  cette fatalité que je pensais immuable  lorsque je bégayais des tentatives d’explications perdu devant toi dans  la cuisine. Un tantinet sujet â  la sur généralisme et la dévalorisation  du positif mes automatismes étant persistant, il y aura certainement  mille autres petites victoires quotidiennes que je négligerai ou  ignorerai comme l’observance stricte que je pratique dans le suivie de  mon traitement.



Je sais que le fardeau â  la longue pourra m’user  et me fait plier par moments. Me pousser en équilibre précaire dans des  cordes bien trop fines m’obligeant â  me retrancher dans des recoins  parfois morbides. Mais je ne baisserai pas les bras. La guérison c’est  un peu apprendre l’art de l’esquive, apprendre â  maintenir la garde  haute et la tête â  l’abri des coups de déprimes.

 

 



01/05/2013
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