Le Suicide - Encyclopédie Wikipédia - Partie 2
Les facteurs secondaires sont des facteurs sur lesquels on peut faiblement agir, et qui n'ont en soi qu'une faible valeur prédictive, sauf associés à des facteurs primaires. Il s'agit essentiellement de la situation sociale (isolement, solitude, chômage) et d'événements passés traumatisants (deuil, abus sexuels, séparation, maltraitance).
Les maladies chroniques sont peu suicidogènes, mise à part pour les personnes âgées.
Les facteurs tertiaires [modifier]
Ce sont des facteurs sur lesquels on ne peut pas agir, et qui n'ont de valeur prédictive qu'en présence de facteurs primaires ou secondaires. C'est par exemple l'âge (la probabilité la plus forte est entre 35 et 54 ans, et au-delà de 70 ans) ou l'appartenance au sexe masculin (cf. la section Statistiques).
- La difficulté d'accepter son orientation sexuelle et affective (faible estime de soi)
- L'époque de l'année a également une influence. On remarque un pic de suicides durant les fêtes de Noël, peut-être en raison d'un sentiment de solitude renforcé par la vue de retrouvailles familiales, un sentiment de tristesse renforcé par les manifestations (et les publicités) de joie. On peut en partie expliquer ce facteur par les journées moins longues (voir paragraphe suivant).
- Certaines études tentent d'établir une corrélation entre le nombre de suicides et la longueur des jours pendant la période hivernale, ce qui expliquerait que les suicides soient si fréquents dans les pays les plus au nord tels que le Canada ou les pays scandinaves. En effet, la lumière a un effet antidépresseur.
Facteurs de protection [modifier]
On note plusieurs facteurs de protection qui permettent de contrebalancer certains effets négatifs des facteurs de risque associés au suicide. Voici quelques exemples :
- Stratégies de gestion du stress adéquates
- Réseau social disponible et significatif
- Ouverture à recevoir de l'aide
- Estime de soi et confiance en soi élevées
- Support des enseignants et d'autres adultes en milieu scolaire
- Vision de l'école comme un lieu d'investissement
- Confiance en ses capacités à faire face aux obstacles de la vie
Modélisation du comportement suicidaire [modifier]
« Il est très important de pouvoir modéliser le comportement suicidaire car sa prédictibilité est actuellement très faible. Bien que la majorité des sujets qui font une tentative de suicide ou se suicident ne sont pas connus comme souffrant d'un trouble psychiatrique, les enquêtes dites « d'autopsie psychologique » réalisées dans l'entourage de sujets suicidés nous montrent que 90 à 95 % des sujets décédés par suicide présentaient un trouble psychiatrique »
- (conférence de consensus, La Crise suicidaire, ANAES p. 77)
Deux modèles principaux ont été développés pour expliquer et prévoir le comportement suicidaire. Ces deux modèles se complètent plus qu’ils ne s’excluent.
Le modèle stress-prédisposition [modifier]
Les auteurs partent des constatations suivantes : 90 % des victimes de suicide souffraient d’une pathologie psychiatrique au moment de leur mort mais beaucoup de patients psychiatriques ne font pas de tentatives de suicide. Un diagnostic psychiatrique est une condition nécessaire mais non suffisante pour se suicider. Il est donc nécessaire d’identifier des facteurs de risque suicidaire en dehors du diagnostic psychiatrique. Une tentative de suicide antérieure est le meilleur prédicteur d’une tentative de suicide future mais seulement 20 à 30 % des patients qui se suicident ont fait avant une tentative de suicide. Un premier résultat important est que les patients qui font une tentative de suicide ne diffèrent pas significativement de ceux qui n’en font pas en terme de sévérité de la psychopathologie aiguë. Ceci va à l’encontre d’une idée reçue selon laquelle la gravité des symptômes prédispose au suicide.
Par contre, l’intensité de l’idéation suicidaire est un facteur de risque de passage à l’acte. Dans le risque suicidaire, la pathologie intervient par certains paramètres longitudinaux :
- le nombre d’épisodes psychopathologiques avant la tentative de suicide est un facteur pronostique,
- l’âge de début de la pathologie : la précocité de l’âge de début est un facteur de risque.
Des éléments stables du comportement sont retrouvés comme des marqueurs de prédisposition :
- la dimension d’impulsivité/agressivité ;
- un trouble de la personnalité associé ;
- des antécédents d’alcoolisme ou d’abus/ dépendance à une substance ;
- le fait de fumer ;
- un antécédent de traumatisme crânien ;
- des antécédents familiaux de tentative de suicide ou de suicide ;
- des abus et/ou violences dans l’enfance.
Le modèle dit du processus suicidaire [modifier]
C'est le modèle qui a été retenu par l’INSERM dans ses travaux sur le suicide. Il est possible d’observer un processus suicidaire chez l’individu avant le passage à l’acte. Les personnes suicidaires présentent une fragilité (facteurs de risque accumulés) qui les prédisposerait à réagir de façon inadaptée lors de situations stressantes. Une perte quelconque (exemple : perte d’un(e) ami(e) ou deuil d'un proche) enclenche le processus. Une période dépressive suit la perte ; puis l’étape de la crise s’installe. L’état de crise peut être accompagné d’idéations passagères qui se transformeront en rumination, puis en cristallisation (formation d’un plan précis pour passer à l'acte : où ? quand ? comment ?) pour aboutir à la tentative planifiée. Dans la majorité des cas, le suicide n’est donc pas un acte impulsif, mais plutôt un acte prémédité qui résulte d'un processus bien défini. Ceci permet de réaliser qu'une intervention spécifique est possible à chacune des étapes. La personne intervenant auprès d'un individu suicidaire doit être attentive aux signes associés à chaque phase du processus.
Le processus suicidaire est un processus qui se déroule sur quelques heures ou quelques jours. On y distingue trois étapes :
- Les pensées ou idées suicidaires (idéation suicidaire) ;
- La crise suicidaire : les pensées de suicide deviennent omniprésentes (ruminations) et le patient élabore des scénarios de passage à l’acte ;
- Le passage à l’acte suicidaire.
Les études faites sur la cognition du suicide ont trouvé les caractéristiques suivantes qui prédisposent au passage à l’acte suicidaire en situation de stress :
- Tendance à se considérer comme perdant lorsqu’il est confronté aux stress psychosociaux ;
- Incapacité à percevoir une possibilité de fuite, ce qui est à mettre en rapport avec une mémoire autobiographique remplie d’échecs et d’incapacités à résoudre les problèmes ;
- Sentiment que personne ne peut rien pour lui (sentiment de désespoir).
Cette cognition particulière semble devoir être mise en relation avec un déficit des fonctions exécutives avec en particulier des difficultés dans l’élaboration des stratégies de prise de décisions comme cela a été montré dans une étude récente. Enfin, nous dirons quelques mots de la neurobiologie du suicide. Le trait très régulièrement retrouvé est le dysfonctionnement du système sérotoninergique que celui-ci soit attesté par une diminution des métabolites urinaires de la sérotonine, ou des métabolites au niveau du liquide céphalorachidien, ou encore par une baisse de la fixation de la sérotonine au niveau préfrontal. Pour une revue détaillée, on pourra consulter The neurobiology of suicide and suicidability.
Références
- Mann JJ, Waternaux C., Haas GL., and al., Toward a clinical model of suicidal behavior in psychiatric patients, Am J Psychiatry, 1999, 156: 181-189.
- Maria A. Oquendo, Hanga Galfalvy, Stefani Russo, Steven P. Ellis, Michael F. Grunebaum, Ainsley Burke, and J. John Mann, Prospective Study of Clinical Predictors of Suicidal Acts After a Major Depressive Episode in Patients With Major Depressive Disorder or Bipolar Disorder, Am J Psychiatry, Aug 2004; 161: 1433 - 1441.
- INSERM, La Crise suicidaire, Conférence de consensus. 2001 John Libbey Eurotext.
- Keilp JG., Sackeim HA., Brodsky BS. And al., Neuropsychological dysfunction in depressed suicide attempters, Am J Psychiatry, 2001, 158: 735-741.
- Va Heeringen K. The neurobiology of suicide and suicidability. The Canadian journal of Psychiatry, juin 2003.
Prévention du suicide [modifier]
Le suicide est généralement annoncé ; beaucoup de suicidés essaient de prévenir leurs proches et laissent une lettre d'adieu afin d'expliquer leur geste. Ces pensées sont à prendre au sérieux ; s'il y a un risque de tentative de suicide, il faut en parler avec la personne ouvertement afin de pouvoir l'éviter. L'évocation de la mort avec une personne, poser la question « avez-vous pensé à la mort ? » n'est pas suicidogène, mais permet au contraire de montrer que l'on comprend la souffrance. Lorsque l'on discute, il ne faut pas porter de jugement ; on peut tenter de lui faire se remémorer d'anciens problèmes et les stratégies qu'elle avait mises en œuvre pour les résoudre.
Selon le professeur Michel Debout (extrait de dossier sur Doctissimo.fr) :
« Lorsqu’on pense qu’une personne va mal, il ne faut pas hésiter à lui dire ce que l’on ressent. Et la manière dont on lui dit est importante. Si vous lui demandez : « ça ne va pas ? », elle risque de se renfermer dans une réponse de type : « Mais si ça va très bien. » Alors que si vous dites « je te sens mal », vous vous impliquez personnellement, et vous montrez que non seulement vous offrez une écoute, mais même un véritable dialogue. À partir de là, tout dépend de la situation et de votre lien avec elle. Mais vous pouvez essayer de l’orienter vers un soutien, un spécialiste ou une association qui pourront l’aider. »
Les personnes qui ont fait une tentative de suicide sont en général prises en charge en service de soins aigus à l'hôpital (suite à un empoisonnement ou à des blessures nécessitant souvent une réanimation). Une fois l'épisode critique surmonté et l'éloignement de tout danger vital, le patient est orienté vers un service de psychiatrie. L'hospitalisation est volontaire dans la grande majorité des cas, mais certaines dépressions sévères (mélancolie, dépression délirante) peuvent entrainer une hospitalisation à la demande d'un tiers, voire une hospitalisation d'office. Dans tous les cas, les sujets ayant fait une tentative de suicide doivent être évalués par un psychiatre, et souvent orientés vers une structure adaptée à la prise en charge d'une cause curable de suicide (dépression très souvent, mais aussi psychose, alcoolisme, etc.). Dans le cas d'un séjour en psychiatrie, il est proposé un suivi ultérieur en consultation psychiatrique (hospitalière ou avec un psychiatre libéral). Malgré ces efforts de prise en charge et la possibilité d'hospitalisation contre le gré du suicidant, en France, un quart des adolescents mineurs suicidants sortent de l'hôpital sans avoir eu de consultation psychiatrique.
Cette prise en charge des personnes qui tentent de se suicider est importante car les risques d'une nouvelle tentative sont grands (75 % dans les deux ans). Il est cependant aussi nécessaire de faire une prévention du suicide en amont. Cela passe par l'explication de ce qu'est la dépression. Il serait souhaitable que médecins (60 à 70 % des suicidants consultent un médecin dans le mois qui précède le passage à l'acte, dont 36 % dans la semaine qui précède), enseignants et de manière générale toute personne en contact avec des adolescents ou des personnes en détresse sociale soient formés, des campagnes publicitaires soient menées afin de sensibiliser l'ensemble de la population à ce problème et d'aider les personnes susceptibles de se suicider à abandonner cette idée en leur ouvrant la voie à d'autres alternatives.
L'idéal serait de convaincre la personne de consulter un médecin ou de contacter une association spécialisée. Si l'on sent que le passage à l'acte est imminent, il faut prévenir les secours (en priorité la régulation médicale, le « 15 » en France, le «112» en Europe pour les urgences diverses).
Cependant, l'écoute dans le but de faire exprimer à la personne ses difficultés ne constitue qu'un premier stade de la prévention.
Aide téléphonique [modifier]
Ce premier stade est généralement pris en charge téléphoniquement par des associations de type :
- En France :
- SOS Amitié : 01 40 09 15 22 - http://www.sos-amitie.com
- Suicide Écoute : 01 45 39 40 00 - http://suicide.ecoute.free.fr
- SOS Suicide Phoenix : 0825.120.364 - http://www.sos-suicide-phenix.org
- En Suisse :
- La main tendue : 143 http://www.143.ch
- En Belgique :
- Service Prévention Suicide au 0800/32 123 - secrét.: 02/640.51.56 ou http://www.guidesocial.be/_lesassociations/search.php?c=78
- Au Canada :
- http://www.cpsquebec.ca/fr/nous_joindre/index.htm
- 1-418-683-4588 (Québec).
- 514-723-4000(Montréal).
- 1-866-APPELLE = 1-866-277-3553, Centre de Prévention du suicide Québec/Canada. Cette ligne bascule l'appel vers le centre de prévention du suicide de sa région.
Tous ces services (en France et en Suisse) se cantonnent exclusivement à l'écoute et n'interviennent pas même sur demande expresse de la personne en détresse.
Si la personne est jugée en danger immédiat, les intervenants du 1-866-APPELLE retraceront l'appel et enverront des secours. C'est une ligne d'intervention.
Sauf pour les anglophones où le service de SOS Amitié spécialisé peut orienter vers un psychiatre anglophone voire appeler les pompiers à la demande expresse de la personne.
SOS Amitié a aussi un service d'écoute par courriel mais avec des délais de 48h pour les réponses.
Aide internet [modifier]
Des forums francophones affirmant procurer un soutien psychologique existent actuellement sur l'internet :
Selon certains, il convient d'aborder ces sites avec circonspection en raison de :
- l'impossibilité de contrôler la compétence des interlocuteurs : un site internet étant facile à créer, il n'apporte pas le gage d'une structure pratiquant la formation interne et l'évaluation de ses personnels ;
- le décalage culturel pouvant exister entre les personnes parlant la même langue mais pouvant être de culture très différente.
Ces deux facteurs pourraient mener à une aide inadaptée, qui pourrait même être suicidogène.
S.O.S Amitié Internet, dans le prolongement de son écoute téléphonique, offre un service d'écoute web gratuit, fonctionnant par courriel, pour donner aux personnes la possibilité de mettre des mots sur leurs difficultés et leur souffrance. Les personnes qui répondent aux messages appartiennent à l'équipe d'écoute au téléphone et ont suivi une formation spécifique à l'écoute écrite. Les messages reçus reçoivent une réponse sous 48h.
Intervention active auprès d'une personne en état d'urgence élevée [modifier]
Actuellement, il n'existe pas de graduation entre la démarche d'écoute (Aide téléphonique et Aide internet) et l'intervention des services d'urgences sur un cas déjà passé à l'acte.
La prévention des cas d'urgence élevée devant donc être effectuée par l'entourage ou le médecin traitant. Ce qui pose les problèmes suivants :
- la formation
- création de structures d'interventions à même de compenser leurs absence
Notes et références [modifier]
- ↑ Moron P. La crise suicidaire. Définition et limites.
- ↑ Moron P. La crise suicidaire. Définition et limites.
- ↑ Hazif-Thomas C. Conceptualisation de la crise suicidaire.
- ↑ [pdf]source OMS (PDF)
- ↑ Commission provinciale de prévention du suicide à Liège en Belgique
- ↑ http://www.parl.gc.ca/information/library/PRBpubs/mr131-f.htm
- ↑ article 115 du code pénal suisse
Voir aussi [modifier]
Bibliographie [modifier]
- Pour Durkheim, le taux de suicide ne peut s'expliquer qu'à partir d'une analyse globale de la société ; il montre que celui-ci varie en proportion inverse du degré d'intégration des groupes sociaux dont fait partie l'individu.
- Jean Baechler, 1978 : Les Suicides, Calmann-Lévi. Thèse sous la direction de Raymond Aron.
- Contre-pied de l'explication durkheimienne, l'analyse part de présupposés individualistes, et pose une théorie qui annonce le système imposant que l'auteur mettra au point ultérieurement.
- Clinique du suicide, coordonné par Geneviève Morel, Erès, Des travaux et des jours, Paris, 2002
- Pascal Millet, Michel Debout, Michel Hanus, Jean-Jacques Chavagnat, collectif : « Le deuil après suicide », dans Études sur la mort, N° 127, 2005, Éditions : L'Esprit du temps, ISBN 2847950591.
- Pr Michel Debout, La France du suicide, éditions Stock.
- Philippe Labro, Tomber sept fois, se relever huit, éditions Albin Michel (2003).
- Gabriel Matzneff, Le Suicide chez les romains.
- Alain Meunier et Gérard Tixier, Le Grand blues, Payot (21 octobre 2000), 246 pages.
- Pierre Moron, « Le suicide », Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je ?
- Xavier Pommereau, L’Adolescent suicidaire, Dunod, 3e édition (10 février 2005), 268 pages.
- Yves Prigent, « La Souffrance suicidaire », Desclée de Brouwer (1er octobre 1996), collection Intelligence du corps, 198 pages.
- M. de Clerc, Suicide et tentatives de suicide, Louvain Med. 117 : S502—S508, 1998. [pdf] Version disponible en ligne.
- François Ladame : Adolescence et suicide, éditeur : EME Editions Sociales Françaises (ESF), 1980, ISBN 2710107546.
- Jean Teulé, Le magasin des suicides, Julliard (janvier 2007), 162 pages.
Articles connexes [modifier]
- Point de vue religieux sur le suicide
- Point de vue médical sur le suicide
- Liste de personnalités suicidées
- Internement psychiatrique
- Suicide et philosophie
Liens externes [modifier]
- (en) La Catégorie Suicide de l'annuaire dmoz.
- Suicide.com Une enquête sur le rôle d'internet dans les suicides, sur le blog de Bruno Fay, journaliste indépendant