LES AIGUILLES DU TRAIN
LES AIGUILLES DU TRAIN
Le train était là, comme s’il avait toujours été là pour m’attendre.
Il y a toujours un train dans une gare prêt à partir, pour vous emmener vers une destination inconnue.
Et la gare où j’étais maintenant, la gare de Lyon à Paris, était si vaste que j’avais la sensation de pouvoir partir vers toutes les destinations possibles.
Si forte impression que celle d’un train attendant au quai.
Les trains arrivent et repartent.
Les trains arrivent au terminus, et attendent de repartir vers l’endroit d’où ils viennent.
Les trains viennent de nulle part, et qui emmènent nulle part.
Les trains vous emmènent vers vos rêves.
Je me souviens d’une petite gare dans mon village perdu en
Picardie. Je m’asseyais sur un banc et j’écoutais le silence quand la gare était vide, entre deux trains.
Quand une gare est vide, ni train, ni voyageurs. Seulement des rails.
Des rails arrivant de nulle part, et allant vers nulle part. Un arrêt sur la vie.
Un instant où l’on a le temps de s’interroger sur soi. Sur la vie.
J’étais entre deux trains. Entre l’arrivée et le départ. Nulle part en fait.
Quelque part dans l’espace temps, sans que l’on soit accroché à une destinée, introduit dans un mouvement. J’étais à l’arrêt. A l’arrêt de moi même. En expectative. Dans un temps où le temps n’avait plus de signification. Comme si les rails vides de la gare simulaient les aiguilles d’une horloge qui s’était arrêtée. Pour laisser place aux songes. Au silence. A la simple attente d’un arrêt sur vie qui se prolonge délicieusement, mystérieusement.
Brusquement je jouissais du moment présent, sans but, sans certitude. De telle manière que la fonction de la gare où j’étais maintenant dans mon souvenir était de me dire que le bonheur était dans la contemplation de ce temps figé, qui se démultipliait à l’infini, de telle sorte que le temps n’existait plus.