Les hypomanies et la cyclothymie
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Les hypomanies et la cyclothymie
1/01/2008
Auteur : Dr Hantouche
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie
Souvent les patients cyclothymiques rapportent ne jamais (ou rarement) avoir expérimenté de vraies phases d’hypomanie. En fait, les phases d’excitation échappent à l’attention du sujet, de la famille et même du médecin de famille.
En revanche, le sujet devient progressivement conscient de ces phases quand on commence à lui expliquer de ce qu’on entend vraiment par les phases de "hauts".
Ils finissent par admettre que ces phases ne sont pas un signe de sanité, mais plutôt de maladie et certains vont jusqu’à déclarer qu’ils redoutaient en réalité les phases de "hauts" plus que les phases de "bas".
De plus, ils étaient dans l’obligation de les dissimuler aux proches ce qui rendait le diagnostic de cyclothymie presque impossible. Cette observation suggérait à Hecker l’idée que la majorité des mélancolies périodiques appartenait en fait à la cyclothymie de Khalbaum.
En examinant de près les cyclothymiques, on observe des épisodes fréquents d’hypomanie où l’énergie et l’activité psychique et physique sont augmentées au niveau de l’intensité et de la vitesse.
Ce sont les moments où le sujet récupère ses capacités et manifeste des facultés étonnantes (par contrast aux phases de confusion et d’inhibition mentale et physique). La pensée est accélérée ainsi que le discours. La voix change et devient plus claire et convaincante. Le sujet est plus entreprenant et sent moins la fatigue. Il voit le côté "rose" de la vie et s’ouvre aux autres avec des activités altruistes, une amabilité séductrice vis-à-vis des étrangers.
Mais tout n’est pas pour le "bonheur" du sujet et ses proches. En fait, le sujet peut devenir moqueur, mordant, arrogant, irritable avec les proches. Il s’engage dans de multiples projets, des engagements qui seront vite cassés lors des dépressions ultérieures.
En effet, les hypomanies cyclothymiques sont plus volontiers de nature "mixte" par rapport aux hypomanies qui se greffent sur un tempérament hyperthymique, et sont donc plutôt "pure et euphorique".
Les phases hypomaniaques sont au début vécues comme "normales" par le sujet et son entourage proche.
C’est leur répétition cyclique qui va déclarer aux proches l’aspect pathologique incontestable. Hecker signalait que dans certains cas les phases d’excitation devenaient tellement intenses que les cyclothymiques étaient diagnostiqués comme ayant une paralysie générale (à l’époque c’était l’atteinte syphilitique du cerveau).
Cependant, certains cyclothymiques sont conscients de ces états de désinhibition et feront tout pour avoir le contrôle et les dissimuler vis-à-vis des proches (ce qui rendait l’évaluation correcte de leur trouble assez difficile).
Dans les études récentes, on a montré que la cyclothymie interfère avec la manifestation clinique de l’hypomanie.
En effet, l’hypomanie associée à la cyclothymie est brève mais cliniquement plus intense et récurrente. La dimension "sombre" de l’hypomanie avec des indices indiquant plus de conduites à risque, une tendance à l’irritabilité plutôt qu’à l’euphorie, est corrélée avec la cyclothymie. Les notes moyennes des facteurs "hypomanie soleil" et "sombre" sont significativement plus élevées dans le groupe BP-II avec cyclothymie versus BP-II sans cyclothymie.
De plus la comparaison des fréquences individuelles des items hypomaniaques révèle que la majorité des items du facteur "sombre" (6 items de 8) sont plus fréquents dans le groupe avec cyclothymie (Akiskal, Hantouche, JAD 2003).
- F1 (Exaltation / Hyperactivité) : 9,6 (?2,6) vs 8,5 (?3,3) - p <.01
- F2 (conduites à risque) : 3,9 (?1,7) vs 2,6 (?1,9) - p < .001
Facteur 1 "Soleil"
- Moins besoin de sommeil
- Davantage d’idées et de projets
- Euphorique
- Plus de rires
Facteur 2 "Sombre"
- Déplacements, imprudences au volant
- Plus d’achats et de dépenses
- Irritabilité, impatience
- Attention plus distraite
- Plus de libido
- Consommation de café, cigarettes, ...
Au total, l’hypomanie et la cyclothymie ont des liens fréquents et complexes.
Quand la cyclothymie est associée au trouble BP-II, l’intensité clinique des dépressions et des hypomanies est plus importante. De plus, la dimension "sombre" (négative ou à risque) de lʼhypomanie est nettement plus accentuée dans les cas de BP-II avec cyclothymie.
Je profite de ce post pour rappeler l’importance de séparer les épisodes des tempéraments affectifs.