Partie 01 - Enfance
J'ai engagé des moyens importants, pour pouvoir me comprendre, et cela non pas par intérêt pour moi-même, je ne suis pas nombriliste, mais dans l'espoir d'élever ma conscience, de connaître les autres, et de peut-être pouvoir aider ceux qui sont dans mon cas..
Connais-toi toi-même, et tu connaîtras les autres. Cette formule est peut être toute faite, mais je pense qu'elle est éternelle dans sa justesse.
Ma vie n'est pas plus intéressante que celle des autres, mais cette histoire peut être aider des gens.
Et puis je vais essayer d'en faire un exercice littéraire. En effet, j'écrivais déjà depuis enfant et je faisais aussi des poèmes. Cela fait si longtemps que j'attends d'écrire, car mon histoire ne pas encore permis de le faire. Ce que j'avais à dire est si douloureux.
Mon expérience de vie et intellectuelle m'a fait connaître bien malgré moi ce que j'appelle les quatre points cardinaux de la pensée. C'est prétentieux, je le reconnais. Mais je ne demande que de prouver mes affirmations.
C'est parce que peu de gens connaissent ces points cardinaux que je pense que mon livre peut être intéressant pour les autres. J'ai eu la chance ou la malchance, je ne sais pas, de traverser des horreurs particulières, et de connaître aussi, les joies où vous êtes transportés par l'allégresse.
Ma vie a été une série de pièges et d'embûches parfois mortelles pour le corps et l'esprit d'où je me suis échappé par chance ou par volonté. Chacun en jugera.
J'ai découvert sur terre ce que j'appelle l'enfer et le paradis. L'enfer et le paradis existent sur terre. Ils n'existent pas seulement dans la religion. En tous cas, je les ai rencontrés. Vous en jugerez.
C'est pourquoi j'intitule mon écrit : l'Enfer et le Paradis.
Si mon livre peut aider ceux qui sont actuellement en enfer, même un peu, alors mon livre aura rempli son objectif.
Si mon livre peut aider ceux qui voient souffrir les autres, et ne peuvent rien faire, alors mon livre aura rempli son double objectif.
Je brandis ma chair,
pour porter un toast
aux raisons inavouées
et signes du diable.
Pensées moribondes
Qui s'envolent en proie,
aux milles tourments
de la folie qui me noie,
Je chante la mort,
pour braver les fils
des mots qui défilent,
et me déshonorent,
transpirant le malheur
de mon âme en peur,
je tends la main ouverte
du puits profond de l'enfer.
Dans cet amour durant,
dans le temps qui passe
rougi de nos peines,
où meurent nos étés,
Au soleil rougeoyant,
dans l'azur du couchant,
sous le ciel en berne,
au matin qui frémit,
Dans le temps,
sur les rives avançant,
des fleuves qui débordent,
jusqu'aux frontières de nos vies,
Nous marchons ivres,
aux confins des souvenirs,
nous marchons sans fin,
sur les chemins du destin.
J'avais presque envie de tirer les lourds rideaux du salon obscur pour ne plus entendre les rafales de vent et de neige dont le bruit parvenait par les vitres gelées.
Je rechargeais rapidement le feu en souhaitant qu'il s'alimente seul, parce que je n'avais plus envie de faire aucun effort. Je m'enfonçais dans le creux du large fauteuil de cuir face à la cheminée brûlante, dans l'obscurité de la pièce, pelotonné dans mes habits si légers. Pour défier le vide, pour l'oublier, et ne plus penser qu'au silence que j'essayais d'imposer à moi-même.
Les flammes qui venaient lécher les bûches devenaient chacune une pensée, qui était aussitôt remplacée par une autre, sans que je puisse donner d'ordres à ma conscience.
La tempête du dehors avait balayé ma raison, même si j'étais abrité, en sécurité dans ce havre protégé des autres. Le feu n'arrivait plus à me calmer, c'était aussi une sorte d'enfer en miniature, si commode, si rassurant dans l'ombre immense de la pièce. Le feu, une petite part de vie qui couvait en moi, avant d'hiberner, avant de plonger dans la nuit froide de l'hiver.
J'avais maintenant oublié la vie. Ceux que je connaissais, ceux que j'avais aimés. Je n'étais plus qu'une île à la dérive, dans le noir. Le feu n'était plus qu'un point brillant. Perdu dans l'espace. Un espace qui grandissait démesurément. Je devinais que je rapetissais, que mon domaine devenait une cathédrale intemporelle aux murs invisibles.
Et j'imaginais maintenant la nuit au dehors, pour remplacer le néant qui coulait en moi. Je distinguais des gouffres noirs béants entre les enfilades de sapins où serpentaient les sentiers de neige où s'engouffrait le vent. Et d'où pouvaient surgir à tout moment des monstres improbables, des fantômes ténébreux, et les cauchemars d'autres vies cachées qui m'attendaient au loin, dans un futur obscur et probable.
Je pris de quoi écrire.
Le présent est un étau qui me brise, qui m'étouffe.
J'étais passé avec un ami voir mon jeune frère chez lui.
Celui-ci nous racontait une nième fois sa vie de cauchemar.
Je voyais bouger en lui un Alien. Un corps monstrueux.
Je voyais celui-ci se tordre dans sa pensée, comme un monstre fou ancré dans son âme, que j'essayais d'extirper toujours, mais sans succès.
Cela faisait trente ans que celui-ci me faisait face, et bien que mon être entier soit révulsé, je continuais bien malgré moi à lui faire face.
J'avais donc amené un de mes amis, Jean louis, face à mon frère, pendant trois heures, et mon frère lui avait raconté une partie de sa vie. Auparavant, nous avions regardé l'émission de télévision sur TF1 où passait mon frère pour se raconter. Puis il était sorti pour promener son chien. Et mon ami m'avoua qu'il se sentait mal, et qu'il avait envie de vomir. Il me disait ne plus pouvoir continuer à l'écouter, et qu'il fallait d'urgence partir.
Je le comprenais, et cela faisait trente ans que j'écoutais cette histoire, qui ressemblait étrangement à la mienne. Cela faisait trente ans que j'étais face à ce monstre, sans rien pouvoir faire d'autre que de réfléchir à comment extirper cette hydre rampante.
J'étais avec ma mère la semaine suivante.
Elle me montrait un dessin et un poème que son petit-fils lui avait fait pour Noël.
Le poème faisait allusion à une fleur de rose.
Mais il était écrit rosé. Et je le faisais remarquer.
Aussitôt ma mère me faisait allusion au rosé, et à mon alcoolisme.
Je pensais que moi aussi j'avais écrit des poèmes à son age. Et que les enfants de mon age à l'époque m'avaient fait tant de mal que j'avais perdu alors cette capacité.
Je lui disais que sa remarque était quelque part monstrueuse. Surtout de la part d'une infirmière psychiatrique qui était censée soigner les alcooliques de surcroît.
J'avais envie de lui dire qu'elle était entrain d'essayer de se racheter une conscience après avoir détruit son propre fils, mon jeune frère, en le torturant pendant 15 ans durant, à le rendre fou. Et que de s'occuper ainsi de son petit-fils qu'elle adorait par-dessus tout lui était une thérapie salvatrice et facile.
Mais je n'avais pas envie de la tuer. Ou de la blesser à mort. Peut-être avait-elle oublié ces 15 années d'enfer qu'elle avait imposé à mon frère. Peut-être ne voulait-elle pas se souvenir.
Je n'aurais pas voulu être à sa place pour rien au monde.
Pour elle la conscience lui échappera toujours. Et je ne pouvais rien faire pour elle. Que de venir la voir régulièrement comme un fils vient voir sa mère. Comme si de rien n'était.
C'est pourquoi le présent est un étau. Si douloureux.
Je me rappelais. Je me rappelais. Il y a si loin.
J'étais très jeune. Enfant. Il y a si loin.
Aussi loin que je me souvienne, j'étais dans une gigantesque cathédrale. En fait la pièce de la salle à manger, qui communiquait avec la cuisine. Quel age avais-je ? J'entendais des voix, des musiques qui provenaient du haut d'un buffet qui me semblait hors de portée. Je comprenais pourtant une bonne part des paroles. Je restais ainsi des heures, accroupi par terre à écouter ces bruits étranges qui venaient d'ailleurs. Avec intérêt souvent. Je ne savais pas encore qu'il s'agissait d'une T.S.F. Je devais avoir deux ou trois ans.
Le souvenir marquant qui suit, c'est celui de ma mère m'expliquant que j'allais devoir aller à l'école après l'été. J'avais juste 4 ans. 4 ans pour aller à l'école, cela ne me disait rien de bon. J'étais en sécurité dans mon chez moi, à écouter les histoires interminables qui sortaient de la T.S.F., que je comprenais maintenant complètement.
Au lendemain des vacances scolaires. Ma mère me fait prendre mon petit déjeuner. Je vomis celui-ci sur le carrelage de la cuisine sans ménagement.
" C'est l'heure de partir " me dit-elle.
Je suis avec mon frère de 3 ans, Christian. Lui aussi doit aller à l'école. Je ne sais pas dans quel état il est.
Je vomis à nouveau dans la rue du village le long du mur qui mène à l'école.
Arrivée à l'école. C'est une vraie ruche. Celle-ci me paraît immense. Elle fait corps avec la Mairie. Deux énormes marronniers trônent devant la place de l'école. La cour de récréation est à l'arrière.
Il y a des parents, des enfants, et la maîtresse qui s'agitent dans tous les sens. Celle-ci nous reçoit. Elle a des petits yeux porcins qui vous fixent droit dans les yeux. Je suis intimidé. Elle décide de me mettre dans le groupe qui étudie. Le cours préparatoire. Et mon frère dans le groupe "maternelle", qui s'amuse.
Ma mère s'en va. Je me sens seul parmi tous ces inconnus. J'observe mon frère. Il est entrain de jouer à la pâte à modeler. Je suis face à un cahier et un encrier. J'ai envie de le rejoindre. Je me sens comme piégé dans une injustice majeure.
Mon premier contact avec l'école n'est pas un enchantement. J'envie mon frère. Je considèrerai par la suite le gribouillage et la pâte à modeler comme une forme suprême de récréation et de liberté.
Mon frère m'a rejoint depuis peu. Je ne le connais pas. Il était en pension chez une nourrice, ainsi que mon autre frère de deux ans, Sylvain. Le départ de ce dernier de chez sa nourrice s'est mal passé. Il a hurlé. Il était terrorisé. Grosses larmes. A mon grand désespoir j'ai du lui céder le nounours que je tenais pour le faire taire. Tristesse.
Je suis seul maintenant dans un monde nouveau, avec un frère que je découvre.
Tous les groupes de niveaux sont réunis dans la même grande salle, depuis le cours préparatoire au Cours élémentaire 2ème année. C'est une pagaille sans nom. L'enseignante passe de groupes en groupes. Je ne sais pas comment elle y arrive. On travaille beaucoup avec les polycopiés, qui sont parfumés à l'alcool.
La machine à polycopier me semble magique, et je me plais à aller renifler sa douce odeur d'alcool. Cette odeur me subjugue. C'est peut être pour cela que je deviendrai alcoolique plus tard.
De retour chez moi, c'était à chaque fois l'enchantement. J'avais une maison avec un grand jardin avec de nombreux arbres fruitiers : noisetiers, pommiers, pruniers, cerisiers, poiriers, et un immense noyer chez le voisin en face et dont les immenses branches débordaient sur notre jardin, et que nous nous amusions à taper avec des bâtons pour gauler les noix.
Ma maison était une maison en briques, contrairement aux autres maisons du village qui étaient en pierres. Elle déparait du lot, et paraissait presque neuve par rapport aux autres. De plus c'était la seule qui avait un étage et bénéficiait d'un balcon.
A gauche de la maison se situait un poulailler et des clapiers à lapins.
On pouvait voir en enfilade à l'arrière de la maison tous les autres jardins que les uns ou les autres arrangeaient.
La configuration des toits de notre maison permettait à partir du toit des clapiers à lapin de grimper sur un autre, et on avait accès au toit de la maison et à celui du poulailler, et même à la cime des arbres qui bordaient la maison que l'on atteignait en s'accrochant aux branches les plus hautes.
Le lieu de vie se situait au premier étage de la maison : une grande cuisine, une salle à manger, et deux chambres. L'une des chambres hébergeait un de mes frères et moi-même, et l'autre chambre mes parents et mon petit frère.
Le Rez-de-chaussée est mon terrain de jeu : un grand garage qui regorge d'objets hétéroclites, deux caves dont une sert de remise à charbon, et le vaste bureau de mon père, où j'établis ma salle de jeux.
En face de la maison, de l'autre coté de la route, se trouve une ferme avec tout son cortège d'animaux : vaches, cochons, poules, dindons, lapins. Que nous allions voir quand la fermière nous le permettait.
L'école m'indiffère. Je ne fais pas d'amis. Aucun enfant ne m'attire en particulier. Je ne me sens pas proche d'eux.
Je suis par contre très attiré par la nature, la forêt, les arbres, les prairies, les collines, et le ciel.
Le rythme des saisons défilait avec magie, l'hiver et sa neige contrastait avec les beautés de l'été. Succédait aux bonhommes de neige les incartades dans la foret qui se trouvait de l'autre coté du village, celle qui avait ma préférence car elle donnait sur une rivière, l'Ailette, et sur un canal de péniches.
J'allais souvent me promener parmi ces arbres vers l'age de 5 ans, et prenant assurance, j'avançais de plus en plus loin dans la foret profonde.
J'aimais cette nature prodigieuse, et son ciel, qui traînait de lourds nuages gris en automne, ou des nuages blancs et légers au printemps.
Je m'allongeais dans la prairie de la ferme en face de chez moi, au milieu des vaches, pour regarder les formes les plus inattendues dans les barbules des nuages blancs.
Et j'imaginais des poèmes, que j'écrivais dans le ciel.
Puis allongé, je me tournais vers la foret toute proche.
Je sentais en elle des forces étranges. J'allais souvent écouter le bruit du vent dans les branches des arbres, et je surprenais des conversations, des appels, des plaintes parfois. J'avais la sensation diffuse que les arbres étaient vivants, mais pas au sens du monde des plantes. Mais comme des êtres humains. Un peu comme si cet ensemble magique dégageait son intelligence propre.
C'est sans doute la foret qui me donnait ma force.
Ce sont probablement les hommes qui m'ont rendu fou.
J'avais des rêves pleins la tête, et il fallait que je sorte, que j'aille marcher au loin, comme si ces rêves m'attendaient, quelque part.
Je décidais de quitter le village, et de m'enfoncer vers la forêt profonde, celle qui touchait un des faubourgs du village, et le rendait si original à mes yeux.
Les nuages m'avaient raconté des histoires.
Je descendais donc la petite rue qui menait au bois, passait devant la dernière maison, la seule maison récente, où vivait la famille Baudet. Je les imaginais, amusé, et je m'attendais toujours à voir un âne sortir sur le gazon..
Mais jamais il ne venait.
Je décidais de passer par le ruisseau. Là les nénuphars avaient poussé, et s'amoncelaient sur les bords. Un vert éclatant se détachait de l'eau mystérieuse.
Mais le soleil poursuivait sa course dans le ciel, il fallait partir, et j'avais décidé d'aller dans cette forêt mystérieuse, d'aller plus loin encore, plus loin que toutes les fois où je sois allé.
Je franchissais la lisière de la forêt et m'avançais dans les arbres. Je fus surpris par leur taille, comme s'ils avaient poussé démesurément depuis la dernière fois. Les cimes montaient vertigineusement jusqu'à toucher le ciel de leurs faits.
L'automne avait recouvert le sol d'un tapis orangé de feuilles de toutes sortes, formant un épais matelas sur lequel j'avançais. Les odeurs humides de la forêt s'exhalaient sans complexes, et faisaient tourbillonner mes sens.
Au loin, entre les troncs, la forêt s'étendait à l'infini, et une frayeur montait à mon esprit, celle de l'inconnu, d'un inconnu vivant, palpable, animé d'une vie que je cherchais, et qui m'entourait de toute part..
J'arrivais sur un ensemble de pentes naturelles, qui devaient me conduire vers la forêt profonde.
Je dévalais avec précaution les petits sommets. Il ne fallait pas tomber. J'étais désormais seul, et personne ne pouvait plus m'aider si je devais me blesser.
Je vis soudain un éclair métallique. Je m'approchais, méfiant. C'était un piège, et ses deux mords s'étaient refermés sur une patte. Une patte de renard, rousse. Je comprenais brusquement que le renard s'était rongé la patte, pour se libérer de ce piège mortel. Je frissonnais. Je m'imaginais entrain d'entamer mon bras avec les dents, pour me libérer à sa place. Je ne saurais si j'aurais eu le même courage. Le renard était parti, Dieu seul savait où il se cachait. Peut-être était-il vivant, ou dans un recoin, attendant la mort.
Oui, la mort était là, je l'avais vue, et elle rodait, partout et nulle part, dans ce paradis d'arbres roussis par l'automne.
Il n'y avait que la force des arbres pour me rassurer, bien que leurs branches quelquefois m'effrayaient, traçant dans l'espace des arabesques inquiétantes.
Je m'approchais d'un des troncs noueux d'un chêne, puis le touchait de mes mains. Cette puissance me rassurait. Je suivais les méandres de l'écorce, jusqu'aux profondes racines qui s'enfonçaient dans le sol, puis remontais des yeux à sa cime, en passant par les branches puissantes qui étendaient leurs ombres autour de moi.
A chaque pas, il me fallait me rassurer, et j'avançais en zigzaguant entre les troncs, guettant l'arrivée d'un animal féroce qui soudain serait apparu. Mais rien. Rien que la forêt, et ses bruits étranges, bruit de la brise qui se faufile dans les hauteurs. On devinait le ciel à travers les hauts branchages. Oui, les arbres avaient leur univers, et m'avaient séparé de mon ciel. Celui que je bénissais tous les jours, au matin.
Le paysage des arbres changeait. La forme des arbres devenait de plus en plus inquiétante. Je me rapprochais du marais, en contrebas, ce marais dont les anciens disaient qu'il avait déjà englouti des enfants. Et ce marais jetait son sort à tout ce qui approchait, et les arbres n'en étaient pas exemptés. Les branches se tordaient maintenant, griffant l'air, et l'on pouvait deviner des plaintes inaudibles qui cheminaient entre les arbres.
Tout se raréfiait, pour devenir des arbustes congestionnés et rabougris, battant l'air de leurs branches tordues, et le paysage prenait un air de folie, comme si la nature n'obéissait plus à aucune règle.
Je pouvais voir en contrebas, les immenses étendues du marais que je dominais. Oui, j'apercevais près du rivage sombre des restes humains : des vêtements, un jouet.
J'étais terrifié. Ce qu'avaient dit les anciens était vrai. Des êtres avaient été aspirés dans ces terribles sables mouvants, suffoquant, hurlant, jusqu'à disparaître à jamais dans ce gouffre..
Je n'avais plus le cœur à continuer. J'étais arrivé là où je voulais. Au centre de la forêt. Le soir allait tomber, et il fallait m'en retourner, avant que l'obscurité ne saisisse le jour, et me plonge dans les ténèbres de la nuit.
Je me retournais, et vit que les arbres me donnaient deux directions, celle d'où je venais, et celle où les arbres continuaient à s'agiter dans leurs lits de terreur, où leurs formes plus tourmentées encore, montraient le chemin pour descendre au marais..
Puis j'entendis des chants invisibles, des souffles discrets et insistants. Ma volonté se transformait, comme happée par une force étrange. Les arbres me parlaient de poursuivre ma route. La beauté étrange du paysage me fascinait. Je savais que les arbres vivaient. J'en avais toujours eu l'intuition. Ces plaintes me troublaient profondément. Un appel me demandait de continuer, de me perdre dans une délivrance intérieure. J'avais envie de pleurer. La forêt me parlait. Elle me voulait. Je n'arrivais pas à croire qu'elle m'ait choisi. Pourquoi moi, si insignifiant, perdu au centre du monde.
La nuit tombait. J'avais poursuivi ma route. Je savais que je ne rejoindrais pas les miens ce soir. Qu'ils m'attendraient sans fin ! Je savais que j'allais passer la nuit dans la forêt. Entendre les voix qui maintenant me parlaient, à travers les silhouettes qui se dessinaient partout autour de moi.. Me coucher et attendre, en espérant le jour, pour ne pas être avalé par les ombres.
J'avais 5 ans.
Je me souvenais. Je me souvenais.
Pour me soustraire au présent. Pour me soustraire à l'Enfer.
Entre 5 et 8 ans j'étudiais l'astronomie, la cosmologie et le dictionnaire que j'apprenais plus ou moins par cœur. J'inventais de fait ensuite une nouvelle cosmologie. J'écrivais aussi des poèmes, et je me mis à faire des dessins et des peintures (très en avance sur mon âge, je le saurais plus tard) sans suivre de cours. Cela n'impressionnait pas mes parents, ni moi-même d'ailleurs, car je restais très discret sur ce que je faisais. J'avais appris à me méfier naturellement, et j'avais l'intuition de courir un réel danger si je découvrais mon jardin secret.
A 5 ans, je découvrais mon père qui n'était jamais à la maison pour des raisons de travail.
Je m'en souviens comme si c'était hier.
Mon père jaloux frappe soudain violemment ma mère au visage à coup de poings et celle-ci recule vers l'escalier. Au moment où celle-ci va basculer dans l'escalier, je me saisis de la ceinture de mon père sur la commode, et avec une férocité soudaine et froide, je frappe le front de mon père avec la boucle de ceinture, avec une force et une précision qui me surprend. Je vois soudain le sang rouge jaillir, et mon père porte la